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Qui est le Père Victor Dillard, qui sera béatifié le 13 décembre à Paris et qui exerça à Vichy ?

Qui est le Père Victor Dillard, qui sera béatifié le 13 décembre à Paris et qui exerça à Vichy ?

Un article rédigé par Jérémi COULON - RCF Allier, le 26 novembre 2025 - Modifié le 2 décembre 2025

Le 20 juin 2025, le pape Léon XIV a signé un décret reconnaissant le martyre de 50 Français morts par haine de leur foi sous le régime nazi en 1944 et 1945. Parmi ces nouveaux Bienheureux de l’Église catholique figure le Père jésuite Victor Dillard, qui exerça son ministère durant 3 ans à Vichy.

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Victor Dillard est né en 1897 à Blois au sein d'une famille nombreuse. Après la guerre de 14, qu'il fera en tant d'officier et pour laquelle il recevra plusieurs citations, il séjourne quelque temps en Pologne. Il semble qu'il ait eu un coup de foudre pour une belle polonaise, mais sans aboutir à la fondation d'une famille. De retour à Paris, il réuni sa famille et annonce son choix de consacrer sa vie à Dieu dans la compagnie de Jésus. Son apostolat débute dans les collèges jésuites, à Vannes, Versailles, Évreux, ou encore Poitiers. Il tentera de déployer une pédagogie renouvelée, faisant droit à la liberté de chacun. Il aura aussi beaucoup d'engagement dans la doctrine sociale de l'Église, qu'il voulait faire connaître aux jeunes. Et puis, il aura des engagements dans des groupes d'action catholique, comme la JOC (jeunesse ouvrière chrétienne) et la JEC (jeunesse étudiante chrétienne). À partir de 1937, il arrête de travailler dans les collèges pour rejoindre l'Action populaire, un groupe de réflexion jésuite, car Dillard est un intellectuel. Il va faire des études de droit et d'économie pour produire une thèse sur la finance internationale et les monnaies. En fait, il s'est aperçu que l'économie était un levier important dans la promotion de la doctrine sociale de l'Église. En 12 ans, il va écrire 6 livres et 270 articles et donner plusieurs centaines de conférences. Ses travaux sur les règlements internationaux et les relations financières entre les pays (notamment entre la France et les Etats-Unis) lui valent d'ailleurs d'être reçu à deux reprises à la Maison Blanche par le Président Roosevelt.

De Vichy au STO

« Prédicateur à Saint-Louis, déporté, mort à Dachau ».  C'est l'inscription que l'on peut lire sur une plaque apposée près de l'entrée de la Villa Paisible, près de l'église Saint Blaise, l'endroit où a séjourné Dillard durant son apostolat à Vichy, entre 40 et 43. 

En septembre 1940 les jésuites de l'Action populaire voulaient être au plus proche de ce qui se passait dans le gouvernement du maréchal Pétain. Dillard est donc envoyé à Vichy. Là, il s’occupe de la vie spirituelle et intellectuelle des fonctionnaires et des réfugiés qui y sont arrivés, mais aussi des jeunes de la JEC, la JOC et des Scouts.

J’offre ma vie pour l’Église et pour la classe ouvrière

A partir de novembre 1942, la France libre est occupée par le Reich nazi. La Gestapo surveille tout ce qui se passe à Vichy et se met à surveiller Victor Dillard qui garde pourtant une parole libre : Il peut faire des conférences contre tous les totalitarismes, contre le communisme, mais aussi contre le nazisme. Il va prendre faits et causes pour les juifs, ce qui lui vaudra de devenir "persona non grata" à partir de l'hiver 1943. 

Si nous, prêtres, nous ne prenons pas part à cette épreuve de la classe ouvrière, les ouvriers nous reprocheront plus tard de les avoir laissés tomber et nous ne comprendrons plus ces jeunes travailleurs qui auront souffert dans des conditions exceptionnelles.

Au cours de son ministère à Vichy, Dillard entretien des liens avec Maurice Benhamou, que beaucoup de Vichyssois ont connu, et qui est mort à 102 ans, il n'y a pas très longtemps. Maurice Benhamou était un pharmacien juif qui avait réussi à rester à Vichy et qui était le fournisseur en médicaments du docteur Bernard Ménétrel, qui était lui-même le médecin de Pétain. Victor Dillard a aidé Maurice Benhamou à défendre et protéger certains juifs, notamment en émettant des certificats de baptême. 

L'été 43, Dillard et son supérieur conviennent de son départ pour le STO. L'envoi de travailleurs français en Allemagne est une réalité depuis septembre 1942 avec des lois promulguées par le gouvernement de Vichy. A partir de février 1943, 600 000 jeunes de 21 à 23 ans partent travailler pour l'Allemagne. Alors que les églises avaient le droit d'avoir des aumôneries dans les camps de prisonniers, le Troisième Reich refusa qu'il y en ait pour ces jeunes qui partaient dans le cadre du STO. L'église catholique en France a décidé d'envoyer clandestinement des prêtres au STO (on les appelle alors "des prêtres transférés") pour soutenir spirituellement et humainement les travailleurs. 

J'ai pensé que pendant qu'un million et demi de notre belle jeunesse était emmenée en Allemagne, je n'avais pas le droit de rester au coin du feu tranquillement à composer des sermonts pour de vieilles dévotes 

La Gestapo va s'apercevoir, notamment à partir de juillet 1943 et grâce à l'interception d'une émission de radio Vatican pour l'Irlande et la Grande-Bretagne, qu'il y a des aumôneries clandestines dans le cadre du STO en Allemagne. D'ailleurs, le lendemain de cette émission, la Gestapo va perquisitionner l'archevêché de Paris et le surlendemain, les bureaux de la JOC. En décembre 1943, le chef de la sûreté du Reich, Ernst Kaltenbrunner, va émettre une ordonnance pour interdire ces aumôneries clandestines. Suivra alors un certain nombre d'incarcérations, dont celle de Marcel Callot (béatifié en 1987) et celle de Victor Dillard, qui sera béatifié le 13 décembre prochain.

Vers la béatification

Dillard part pour le service du travail obligatoire en s'engageant comme ouvrier. Il n'est donc pas présenté comme prêtre. Il a des faux papiers, même s'ils sont à son nom. Il se fait passer pour un père de famille de la Creuse, électricien-monteur, mais comme il n'a pas eu beaucoup de formation pour ce métier, il se fait repérer rapidement dans l'usine de Wuppertal où il a été affecté, mais sans que cela ne pose trop de problèmes. Après sa journée de travail de 10 à 12 heures, il se met à parcourir des kilomètres à pied pour rejoindre les français de cette grande zone industrielle. Il rassemble autour de lui une trentaine de jeunes. Chaque dimanche soir, il célèbre la messe dans un hôpital catholique de Wuppertal. Au bout de 4 mois, il va commencer à organiser des récollections clandestines, notamment dans les bars les dimanches après-midi. Après 6 mois au travail dans le cadre du STO, il est épuisé et, en avril 1944, il est dénoncé, emprisonné à Wuppertal où il va rester 7 mois : Par recoupement avec des documents trouvés à Vichy, la Gestapo comprend qu'il s'agit d'un prêtre clandestin. Il est envoyé au camp de concentration de Dachau pour "ministère sacerdotal clandestin" où il restera 6 semaine et mourra le 12 janvier 1945, des suites d'une septicémie, à 47 ans. 

De son séjour en Allemagne, Victor Dillard écrira :

Pas de difficultés sur la mort. Je ne vois pas de quoi j'aurai à me détacher. Ma vie a été donnée une fois pour toutes. Toujours à la disposition. Ne pas s'embarrasser l'existence avec des pressentiments, des peurs. Ma vie a été donnée.

Victor Dillard sera béatifié le 13 novembre prochain à la cathédrale Notre Dame de Paris, aux côtés de 49 autres français reconnus martyrs par haine de leur foi sous le régime nazi en 1944 et 1945. La célébration sera présidée par le Cardinal Jean-Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg.  Une délégation bourbonnaise sera présente.

Extrait des Lettres à Jean-Pierre (1) de Victor Dillard
Extrait des Lettres à Jean-Pierre (2) de Victor Dillard
Extrait du livre Suprêmes témoignages de Victor Dillard
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