Madeleine Vatel | Migrants : quelle est vraiment la position de l’Église ?
LE POINT DE VUE DE MADELEINE VATEL – Madeleine Vatel s'interroge sur la raison pour laquelle l'accueil des migrants suscite autant de crispations chez les chrétiens.
Madeleine Vatel © DRIl y a quelques jours, les paroissiens proches de Lille ont reçu un message de la pastorale des migrants du diocèse, pour leur proposer d’accueillir des mineurs étrangers. Ils sont actuellement 70 jeunes à dormir sous des tentes à Lille et l’hiver approche. C’est un service de l’Eglise catholique, qui vient interpeller des paroisses chrétiennes pour ne pas laisser ces jeunes dans le froid et la rue.
La journée mondiale des migrants et du réfugié
Au premier abord, la charité n'est pas sujet à crisper le chrétien. Pourquoi donc alors autant de divisions sur cette question. Les uns estiment que l’accueil doit être inconditionnel et ils le font au nom de leur foi. Les autres pensent que c’est un appel d’air sans fin et que ça déséquilibre notre pays, voire la religion chrétienne. Bref, nous sommes loin de l'unité.
Personnellement, je trouve que cet appel pressant à l'accueil suscite même une certaine culpabilité. Est-ce qu’on a une place chez soi ? Est-ce qu’on va trouver le temps d’accompagner ce jeune sans mettre le chaos dans la famille ? Donc l’accueillir mais jusqu’où, pour combien de temps. Et puis, au fond que dit vraiment l’Eglise ?
En voyant une telle division, j’avais envie de comprendre la position de l’Eglise sur ce sujet et sur quoi elle s’appuie. Est-ce que par exemple, les Papes ont toujours appelé comme le pape François, à un accueil aussi clair des migrants. Et ce qui apparait c’est que l’Eglise n’a pas toujours été concernée de la même manière. C’est ce que nous explique cette semaine le dominicain Jacques-Benoit Rauscher dans l'émission Halte spirituelle. Il souligne que la pensée sociale de l’Eglise a commencé à un moment de l’histoire où les migrants sont massivement des chrétiens. La question c’est donc « mais que va devenir la vie spirituelle des italiens qui partent sur le continent américain ». Et par exemple, c’est comme ça que Sainte Françoise-Xavière Cabrini va avoir pour mission d’aider ses compatriotes immigrants pour éviter que ce changement de lieu ne devienne un déracinement de la foi.
Au XXème siècle, l’Eglise va s'impliquer dans ces questions d'une autre manière. Elle va prendre part aux grandes instances internationales, et elle va se battre pour que les droits du réfugié soient respectés. Elle va batailler aux cotés des organisations issues de la seconde guerre mondiale pour que ceux qui fuient les régimes – et encore plus ceux qui s’échappent des dictatures où ils sont persécutés - puissent recevoir l’asile. J’étais étonnée de la posture très juridique de l’Eglise après la guerre, une posture politique.
Des racines bibliques
En échangeant avec frère Jacques-Benoit Rauscher, on comprend bien justement qu’il y là aussi beaucoup de nuances. Vous avez peut-être entendu le psaume qui a été lu à la messe du dimanche 28 septembre ? C’était le psaume 145 : « le Seigneur protège l’étranger. Il soutient la veuve et l’orphelin ». Et bien, les biblistes vous le diront dans l’ancien testament, il y a vraiment ce triptyque inséparable : l’étranger, la veuve et l’orphelin. Dieu les protège de la même façon. Dans ces pages là, l’exilé est montré comme celui qui lui permet d’avancer dans la connaissance de Dieu.
Mais, le frère Jacques-Benoit nuance, en citant des récits qui montrent un Peuple qui se détourne du culte à rendre à Dieu, en présence d’étranger. Il parle du roi Salomon, mais il s’appuie sur d’autres textes bibliques. Pour le dominicain, dans ce cas, le migrant prend la figure d'une menace car il éloigne de Dieu.
Au fond, ce qui est sans ambiguïté, c'est que dans une situation d’urgence, le chrétien est appelé à porter secours. La question qui me semble intéressante, c’est que, dans ce domaine, comme dans les autres, l’Eglise invite chaque chrétien à un discernement : qu’est ce qui me dérange et quelle est ma
vocation ? Pierre-Hugues n'est pas appelé de la même manière que Louis ou Pauline qu’on entend à l’antenne. Dans quelle mesure chaque chrétien est invité à remplir sa vocation auprès des migrants et des réfugiés, avec ce qu'il est profondément. Voilà la réflexion à laquelle invite le frère Jacques-Benoit.
Halte spirituelle, un rendez-vous à retrouver chaque jour à 15h15 et 20h45. Avec cette semaine une réflexion à l'occasion de la 111ᵉ Journée mondiale du migrant et du réfugié. Dans le cadre de l'année jubilaire, elle est placée sous le thème "migrants, missionnaires d'espérance" pour mettre en lumière le courage et la ténacité de ces exilés au-delà des épreuves.


Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Madeleine Vatel, journaliste au service foi & spiritualité de RCF ;
- Le mardi : Claire des Mesnards, pasteure de l'EPUdF et secrétaire exécutive du réseau européen chrétien pour l’environnement, et Elisabeth Walbaum, déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante ;
- Le mercredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Marie Wallaert de Lutte & Contemplation ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne, et Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Etienne Pépin, directeur des programmes de RCF et Radio Notre-Dame.
