Édito d'Adrien Louandre - Reconnaissance par la France du génocide assyro-chaldéen
Je souhaite relayer une bonne nouvelle, même si elle date du mois dernier. Je me permets de m’exprimer après avoir travaillé un an sur cette question, notamment autour des massacres de Mardin et Diarbékir dans le sud-est de la Turquie, qui se sont déroulés entre 1915 et 1918 dans ce qui était alors l’Empire ottoman. Le mois dernier donc, le Sénat a voté une résolution désireuse de proclamer "génocide" les massacres visant les Assyro-Chaldéens, un peuple malheureusement bien trop dispersé pour être audible politiquement.
On parle de 250.000 morts sur une population totale de 550.000, avec tant de femmes et d’enfants. Si des milliers d’Assyro-Chaldéens ont pu combattre, l’immense majorité des victimes sont des civiles. Un génocide se définit depuis 1948 comme suit : "l'anéantissement délibéré et méthodique d'un groupe humain, en raison de sa race, de son appartenance ethnique, de sa nationalité ou de sa religion, dans le but de le faire disparaître totalement et ce au nom d'un principe raciste ou d'une conception idéologique de ce groupe". Cela est le cas ici où, comme les Arméniens, les Assyro-Chaldéens étaient pourchassés et anéantis méthodiquement parce qu’ils étaient chrétiens, tels des ennemis de l’intérieur d’un régime fou en perdition. Si le Vatican, la Suède et l’Allemagne ont déjà reconnu ce génocide, c’est bien sûr une avancée supplémentaire si la France le reconnaît également.
Ce devoir de mémoire résonne particulièrement aujourd’hui
Il nous permet de nous poser plusieurs questions parmi lesquelles, celle-ci : Qui est mon prochain ? Cette décision du Sénat concerne des personnes décédées et des familles qui, pour la majorité, vivent à des milliers de kilomètres des frontières hexagonales. Oui, la politique peut servir à des reconnaissances sur des faits passés. Il s’agit de proclamer ici que ce genre de sujet, de fond, qui n’est pas "urgent" en soi comme tant projets de loi peuvent le paraître, restent nécessaire et qu’il sera toujours tant de s’en occuper. Le prochain est ici est soit passé, soit lointain, pourtant, il est bien mon prochain par-delà les frontières du temps et de l’espace.
Le prochain n’a aucune frontière, il n’est pas le "proche" de moi, mais "celui dont je me fais proche". C’est une décision de laisser l’autre être mon prochain, ou que de passer au-delà de mes peurs pour me faire proche de lui. Pourquoi, dans ce temps de Carême, ne pas étendre qui constitue le prochain pour moi ?
Aussi, ce vote nous permet de rappeler que face à un régime autocratique réécrivant l’Histoire et malgré ses menaces, il est important pour les démocraties de maintenir la vérité historique."Démocratie" n’est pas un synonyme de faible. Les faits sont têtus, les innombrables documents et témoignages historiques le sont tout autant.
Dans cet édito il n’est nullement question de charité, mais de justice. Il me semble important en temps Carême de le rappeler, la foi chrétienne clame et réclame avant tout justice, pour toutes celles et tous ceux dont nous osons faire nos prochains.
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