"Si on veut construire une société différente, il faut d'abord l'imaginer"

"On passe notre temps à raconter des histoires et à élaborer des récits individuels et collectifs", explique Cyril Dion, "nos religions et nos systèmes politiques constituent eux-mêmes des récits". Le militant écologiste, chroniqueur sur France Inter et réalisateur du film Demain sorti en 2015, est de passage à Marseille pou une rencontre portant sur "la bataille de récits" face à "l'urgence climatique". "Aujourd'hui, le récit capitaliste et consumériste nous entraine vers la catastrophe écologique : on a donc besoin de changer de récits", poursuit-il.

Ecological way of life

Selon Cyril Dion, les imaginaires aident à forger le réel. "Si on veut construire une société différente, il faut d'abord l'imaginer", indique-t-il, "une immense majorité des choses qu'on utilise aujourd'hui ont d'abord existé dans la science-fiction : le voyage sur la lune, les voitures autonomes, l'intelligence artificielle... pour l'instant, les films qui imaginent l'avenir le font de façon dystopique, et cela devient des prophéties auto-réalisatrices". 

Fort de ce constat, le réalisateur a fondé le collectif Cut! composé de professionnels du cinéma afin de proposer d'autres imaginaires du futur et que ces idées infusent plus largement dans la société. "Aux Etats-Unis, l'American way of life s'est propagée par des centaines de films et de séries. Aujourd'hui on doit créer une ecological way of life pour que ces imaginaires se déploient dans des films, séries, livres,..." prône le militant. 

Imaginer et résister

De quels imaginaires pourrait-il s'agir ? "Certains imaginaires liés à la sobriété relèvent de la privation, alors qu'ils pourraient davantage être liés à la libération : avoir moins de possession c'est passer moins de temps à s'occuper de ses biens et à leur renouvellement", poursuit Cyril Dion. 

Reprenant l'exemple du documentaire Demain sorti en 2015 et primé aux Césars, le réalisateur explique avoir voulu "raconter une histoire et montrer à quoi le monde pouvait ressembler si on mettait bout à bout des solutions déjà connues". Avec plus d'un million de spectateurs en France et une diffusion dans le monde entier (Canada, Japon ou encore Colombie), Cyril Dion témoigne : "ce film a déclenché plusieurs milliers d'action, et 
il ne se passe pas une semaine sans que je rencontre une personne qui me dise "ce film a changé ma vie"". 

Aujourd'hui, le militant écologiste plaide pour une bascule de société qui pourrait être favorisée par plusieurs éléments clés :  imaginer, résister et saisir l'opportunité de l'accélération historique provoquée par le changement climatique.