Marc Fichers. Bioman, le super-héros anti-pesticides

La chimie ne résolvait rien du tout

Il connaît la terre. Ses parents étaient agriculteurs en bord du Canal Albert à Haccourt, à deux pas de la réserve naturelle de la Montagne Saint Pierre, de ses carrières de tuffeau, de craie et du coup de grandes cimenteries. Lorsqu’il évoque son enfance, il se souvient des balades dans la campagne, de sa contemplation de la nature et d’un travail continu, “à 100%”, dans la ferme familiale. Jamais de congés.

Avec son diplôme d’ingénieur industriel en horticulture en poche, il a débuté son parcours professionnel comme arboriculteur fruitier et conseiller en traitements chimiques et produits phyto dans une grande pépinière de saint-Trond. “En fait, la chimie ne résolvait rien du tout. C’est une lutte continuelle. Il fallait trouver une solution naturelle. Le déclic s’est fait en moi le jour où nous avons testé un nouveau produit pour limiter la croissance des arbres”, raconte Marc Fichers. Il a alors décidé de changer de camp.

Pour la nature et pour le progrès

Marc Fichers a été Secrétaire Général de ce Mouvement d'Education Permanente durant de longues années. Il est l’heure de transmettre. Cela le réjouit d’ouvrir une nouvelle page de sa vie. Il reste conseiller actif et accompagne sa remplaçante : Julie Van Damme, bio ingénieure, diplômée en 2008 avec la spécialisation en protection des plantes. Elle a réalisé un parcours intéressant dans la recherche-action dans la région des Grands Lacs d'Afrique. Après avoir été assistante de recherche et de projets à l’Earth and Life Institute à l’UCL, elle a été Coordinatrice de la recherche en agriculture biologique au Centre wallon de Recherche agronomique (CRAw). De 2020 à 2023, elle fut chargée de missions à Inter - Environnement - Wallonie. Elle dirige maintenant l’ONG apolitique et pluraliste. 

Nature & Progrès est une communauté d’acteurs de changement : véritable moteur pour développer des projets environnementaux et sociétaux. l’ONG ambitionne d’apporter des solutions en respectant l’équilibre naturel entre l’Homme et la Terre. Nature & Progrès est soutenue par environ 5.000 membres en Wallonie et à Bruxelles. L’association compte un noyau de 250 membres très actifs qui partagent les valeurs et donnent plus de poids dans les actions quotidiennes.

Présentation du rapport "La Belgique, le royaume des pesticides" au parlement. 29 mars 2023. (c) Nature & Progrès

La Belgique, le royaume des pesticides

Suite à une plainte de Nature & Progrès Belgique, PAN Europe et un apiculteur belge, le 19 janvier 2023, la Cour de justice de l’UE (CJUE) a rendu un jugement préliminaire sur des questions posées par le Conseil d’Etat belge. La Cour a déclaré que le fait de prévoir des dérogations pour le traitement des semences avec un pesticide interdit et leur utilisation n’est pas conforme au droit européen. Cet arrêt majeur met un terme à près de la moitié des dérogations accordées par les États membres aux pesticides interdits. Le jour-même de la victoire devant la Cour de Justice Européenne, le SPF Santé publique a communiqué sur l’octroi d’une nouvelle dérogation pour l‘Indoxacarbe, un insecticide hautement toxique interdit en EU depuis 2022. Deux courriers envoyés par les deux associations et demandant au Ministre Clarinval d’annuler ces dérogations sont restés sans réponse. Les deux organisations ont assigné le ministre en justice pour non-respect de la loi le 24 mars 2023. 

Plus récemment encore, le 29 mars 2023, PAN Europe et Nature & Progrès Belgique ont publié le rapport « La Belgique, le royaume des pesticides ». Ils dressent un état des lieux critique de la situation dans notre pays en matière de pesticides et dénonce certaines pratiques de l’administration fédérale en charge de l’évaluation et de l’autorisation des pesticides, incompatibles avec le règlement européen sur les pesticides qui impose un haut niveau de protection de la santé de la population et de l’environnement. De plus, de telles pratiques viennent contredire l’objectif de réduction des pesticides prévu dans l’Accord gouvernemental. Pour tenter d’expliquer pourquoi notre pays est l’un des plus mauvais élèves en termes d’utilisation de pesticides en Europe, PAN Europe et Nature & Progrès Belgique se sont penchées sur les pratiques défaillantes de la Direction générale Animaux, Végétaux et Alimentation du SPF Santé Publique, sous la tutelle du ministre fédéral de l’Agriculture. 

Pour aller plus loin: https://www.natpro.be/derogations-illegales-de-pesticides-nature-progres-belgique-et-pan-europe-assignent-le-ministre-clarinval-en-justice-pour-non-respect-du-reglement-sur-les-pesticides/

Les racines de Nature & Progrès

L’association Nature & Progrès a pris racine lors de son premier congrès de 1968 pour s’opposer aux pesticides et aux engrais chimiques de synthèse. Certains croyaient encore que les pesticides nourriraient le monde, et que les industries prendraient le relais des fermes pour proposer une nourriture de qualité et bon marché au consommateur. Une poignée de producteurs et de consommateurs visionnaires refusaient ce système et l’homogénéisation de produits alimentaires anonymes vendus par des grandes surfaces en plein essor. C’est en 1976 que Vincent Gobbe a regroupé les membres belges de Nature & Progrès France pour créer Nature & Progrès Belgique.

Pour soutenir ses actions de sensibilisation, d’information et de conscientisation du grand public aux problématiques environnementales et sociétales, Nature & Progrès développe de nombreuses initiatives: la revue de l'écologie et du BIO "Valériane" ; des activités (formations, conférences) pour aider à changer les modes de vie; des projets en faveur de la biodiversité et contre l'usage des pesticides en Wallonie; un Label des producteurs BIO; les Salons "Valériane" et "Bio en Liège", des foires et des marchés bio ; une librairie écologique ; un service éco bioconstruction pour promouvoir l'habitat éco-biologique.

Le Salon Valériane attire le coeur de l'éco système bio de Wallonie-Bruxelles.

L’engrais bio des partis politiques

Un des grands succès de Nature & Progrès est le salon Valériane. En 2023 aura lieu la 38ème édition du plus grand Salon BIO de Belgique. En trois jours, le salon accueille des milliers de visiteurs venus à la rencontre d’exposants passionnés et scrupuleusement sélectionnés dans plus de 10 secteurs liés à : l’alimentation, le jardinage, la santé, l’artisanat, l’écoconstruction… Les participants sont nombreux à rejoindre les multiples conférences et ateliers. https://www.valeriane.be/

“Nature & Progrès, c’est l’engrais bio des partis politiques”, dit-il. Quand on lui demande si le bio n’est pas un produit de luxe vu son prix, il répond : “Chez Nature et Progrès, on ne mange pas bio, on vit bio”. Le Bio est passé de 2 à 4% du budget des ménages, soit 1 milliards d’euros. En Wallonie, il y a 15%, soit 2.000 fermes bio. L’objectif est d’atteindre 30% de bio en 2030. 

Laudato Si

Marc Fichers développe les raisons personnelles qui l’ont motivé et le motivent encore dans l’aventure : “Le jour où l’homme a réussi à avoir l’énergie bon marché, l’homme a commencé à exploiter la planète et ses précieuses ressources de façon parfois déraisonnable. Pour cela, il a aussi commencé à exploiter l’homme lui-même. Il est vital de protéger l’homme et aussi la planète” analyse Marc Fichers. Pour lui, une personnalité de premier plan, le pape Leon XIII, dit “le pape des ouvriers”, a publié un texte remarquable à l’apogée de la première révolution industrielle. En 1891, son texte “Rerum Novarum” aborde la «question sociale» dans le but de défendre la condition ouvrière et la dignité des travailleurs face au capitalisme naissant. C’est l’acte originaire de l’enseignement social de l’Église, qui s’est construit au gré des années. Il a une influence importante sur la société au travers de multiples concepts : la dignité de la personne humaine, la vie humaine, l'association, la participation, la préférence pour les pauvres, la solidarité, la gérance, la subsidiarité, l'égalité et aussi le bien commun. C’est une grande source d’inspiration de Marc.

Encore fallait-il arrêter le pillage de la création tout en respectant l’homme. Il cite alors le grand texte “Laudato Si” du pape François, un vibrant plaidoyer pour la sauvegarde de la maison commune. “Ce qui est intéressant dans ce texte, c’est que le pape s’adresse à toutes les femmes et tous les hommes. Ce n’est pas seulement vivre dans un environnement sain, mais aussi d’y mettre l’humain au centre. Pour une écologie humaine.”

Sources d’inspiration

Le visage qui l’inspire ? Il cite d’emblée son épouse Marie-Paule, opticienne de profession. Ses grandes qualités sont l’écoute et la disponibilité. Ensemble, et d’autant que Marc est passé à mi-temps, ils randonnent très souvent dans leur campagne hesbignonne. Un Film ? “Des hommes et des dieux” qui raconte l’aventure et l'assassinat des moines de Tibhirine en Algérie en 1996. Cette biographie retrace la vie quotidienne des moines et leurs interrogations face à la montée de la violence durant les mois précédant leur enlèvement, durant la guerre civile algérienne. Marc est touché par la démocratie de la communauté bénédictine, telle qu’elle fut rédigée dans la règle de saint Benoit. Son livre de chevet ? L’Encyclique “Laudato Si” du pape François. Marie-Paule et Marc aiment passer du temps en Bourgogne, à Paray-le-Monial, la cité du Cœur de Jésus, un lieu très paisible et très beau où règne un esprit paisible.

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Tel.: +32 81 30 36 90
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