A 30 ans, Mansour Sow a connu bien des épreuves. Paysan exproprié, il a fui la Mauritanie en 2021. Depuis, il demande l'accueil de la France. Si ce n'est l'asile, un titre de séjour. Aujourd'hui, même s'il n'a pas de papiers, il travaille comme ouvrier agricole à Mazemard-Maisonnisses, au sud de Guéret. Le 3 avril dernier, il s'est vu assigné à résidence par la préfecture de la Creuse. Sa situation indigne, et ils sont nombreux à témoigner leur solidarité.
Mansour Sow est mauritanien. Fils d’un paysan peul, il fuit son pays en 2021. Son père, exproprié par l'État, est mort en prison 2 ans plus tôt. Mansour ne peut plus exercer son métier sans risquer la même fin. Alors il quitte sa mère et sa sœur, restées au Sénégal, pour la France.
Si j'ai fui mon pays, c'est pour sauver ma vie
Mansour demande d’abord l’asile politique. Mais comme nous l’explique son avocate, Me Blandine Marty, du barreau de Limoges, son dossier ne suffit pas. La Cour nationale du droit d’asile et l'Office français de protection des réfugiés apatrides lui refusent le statut de réfugié. Il demande alors un titre de séjour, également refusé par la préfecture de la Creuse et reçoit une obligation de quitter le territoire. Mais la préfecture de la Creuse laisse alors “une porte ouverte” selon les dires de son avocate. S’il prouve son intégration à la société française, et justifie d’un emploi, son cas pourrait être revu. C’était en août 2022.
Alors, il trouve trois emplois en tant qu’ouvrier agricole polyvalent. Au sein de trois exploitations différentes : l’une de volaille, l’autre de vaches laitières et la dernière de vaches limousines. Chaque contrat est en CDI. Tous ses employeurs l’affirme mordicus, “il est indispensable à la ferme”. La confédération paysanne de la Creuse les appuie : “il n’y a presque plus d'ouvriers agricoles polyvalents comme lui” explique Albine, membre du syndicat.
Mansour occupe ce que l’on appelle un métier en tension. Et ses soutiens sont unanimes : la préfecture n’a pas joué franc jeu avec lui. Car Mansour l’affirme : il a fourni ses bulletins de salaires, comme requis, aux services de l'État. “Je n’ai pas de nouvelles depuis un an”, dit-il. Alors quand il reçoit une assignation à résidence le 3 avril dernier, c’est un coup de massue. Le trentenaire est replongé dans l’angoisse de devoir quitter le territoire. Il ne dort plus, ne mange plus, il le dit lui même : "je suis très fatigué"
Vous êtes migrants et voyageurs
Vécue comme une injustice, l'assignation à résidence est contestée. Par son entourage, ses employeurs, mais aussi le collectif “Creuse solidarité” qui se réunit tous les jeudis soir à 18 heures devant la préfecture de Guéret pour défendre Mansour et d’autres migrants soumis à des OQTF. Par ailleurs, 22 diacres et épouses de diacres du diocèse de Limoges ont co-signé un courrier intitulé "France terre d’asile et des droits de l’homme ?". Adressé aux parlementaires et préfets de la Creuse et de la Haute Vienne, il dénonce une politique du “chiffre” qui ne tient pas compte de l’intégration et des réalités des personnes visées par des OQTF en Creuse. Parmi eux, Hervé Magne, diacre missionné à la pastorale des migrants dans le diocèse, rappelle les paroles de Saint-Pierre dans sa première lettre aux Corinthiens: “ Vous êtes migrants et voyageurs”.
Au-delà d’une injustice, l’assignation à résidence n’est pas légale pour l’avocate de Mansour. Car en 2024, la loi "pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration" est promulguée. Et elle comprend un article relatif au travail comme facteur d’intégration, notamment dans les métiers en tension. Or, l’assignation de Mansour Sow est basée sur l’OQTF qui lui avait été notifiée en 2022. Le tribunal administratif de Limoges lui a donné raison le 22 avril dernier. L’assignation à résidence de Mansour Sow a donc été annulée, et la préfecture de la Creuse enjointe à réexaminer sa situation.
Le lendemain, les services de l’Etat en Creuse ont déclaré prendre acte de la décision de justice, par voie de communiqué, mais n’ont pas donné suite à nos sollicitations. Si cette décision semble favorable pour la régularisation de Mansour Sow, rien n’est encore joué.
Chaque jour de la semaine, l'actualité au plus près de vous.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !