Un frisson dans la nuit
Cette semaine, Marque Page, votre magazine littéraire va vous faire frissonner de terreur...
La nuit de la goule de Snyder et Francavilla chez Delcourt
Un passionné enquête sur un ancien studio de cinéma qui aurait brûlé et finit par tomber sur ce projet. Il remonte la piste du réalisateur, qui vit reclus dans une maison de retraite. Selon lui, une goule hanterait son hospice, et la découverte d'une vieille bobine de La Nuit de la Goule risque bien de réveiller la bête, que le film soi-disant disparu avait détruit.
Forrest est un passionné de film d’horreur ravi : il a retrouvé la piste d’un réalisateur culte, T.F Merrit qui finit ses jours dans une maison de retraite. Il a réalisé le film maudit La Nuit de la Goule dans ses jeunes années, un film dont on a perdu la trace… mais Forrest, lui, a retrouvé un bout de pellicule, le début du film, qui a survécu à un terrible incendie dans lequel Merrit a été défiguré, il y a longtemps maintenant. Forrest a tout de même retrouvé sa trace et se faisant hospitalisé sous une fausse identité, il part à sa rencontre afin d’échanger et surtout connaître la fin du film ! Tout d’abord réticent, l’ancien réalisateur accepte petit à petit de parler avec Forrest mais commence à lui dire des choses invraisemblables : il serait retenu contre son gré par une équipe médicale qui aurait mis la main sur le terrible secret que son film a fait naître. À l’aide de son fils adolescent qui n’avait pas vraiment prévu ce genre de soirée avec son père, Forrest se lance alors dans un combat pour rendre justice à ce grand réalisateur incompris, que l’on fait passer pour fou. Selon lui, une goule hanterait son hospice, une créature qui traverse les âges et se repaît des cadavres pour recouvrer sa puissance et un jour, régner sur le monde. Mais, peut-on vraiment faire confiance à ce vieillard brûlé ?
La Nuit de la Goule est un hommage réussi au cinéma d'horreur du milieu du XXème siècle. On pense notamment aux films de la Hammer avec ces Dracula et Frankenstein. Mais aussi à des réalisations plus récentes comme la série TV The Strain de Guillermo Del Toro et Chuck Hogan. Scott Snyder nous offre un scénario plutôt efficace qui joue sur deux temporalités : le présent dans cet hospice perdu où Forrest et son fils se retrouvent coincés en compagnie de Merrit et le film de ce dernier qui nous montre une compagnie de soldats américains qui se retrouvent dans un village italien abandonné par les allemands lors de la Première Guerre mondiale. Même si le tout manque un peu d’originalité avec des rebondissements attendus pour qui a déjà lu ou vu de nombreux films d’horreurs (même si l'on se questionne un certain temps sur qui dit la vérité), on ne peut enlever l’ambiance réussie tout à fait dans le ton, que ce soit dans le présent mais aussi et surtout dans le passé. Une réussite graphique à mettre au crédit de Francesco Francavilla aux dessins et couleurs de cette histoire tout à fait dans le thème : il rend une copie de très bonne facture que ce soit dans la mise en scène très lisible, avec ces personnages maîtrisés ou dans sa mise en couleurs alternant entre noir & blanc et lumières d’ambiance lorgnant sur le rouge sang, la composition est réussie ! En bref, sur près de 150 pages, La Nuit de la Goule nous offre une série B d’horreur plus qu’honnête qui fait son travail de divertissement avec sérieux.
Bela Lugosi de Thirault et Mousse chez Glénat
C’est sous les traits blafards d’un vampire que le public découvre Bela Lugosi dans le film de Tod Browning en . De son vrai nom Béla Blaskó, Lugosi incarne le comte Dracula comme personne avec un accent plus vrai que nature, celui de son pays d’origine, la Hongrie : le charme opère et le film fait le tour du monde. Pour Lugosi, arrivé en Amérique avec 100 dollars et 10 mots d’anglais, à près de 50 ans, c’est enfin la consécration! Acteur connu et reconnu des cinéphiles, que sait-on de la vie tumultueuse de ce comédien aussi volage que flambeur ? C’est ce que vous proposent de découvrir Philippe Thirault et Marion Mousse avec Bela Lugosi publiée chez Glénat. Sur près de 150 pages, ils vous racontent sa vie par le biais de la rencontre avec un fervent admirateur, et l’on se replonge dans les souvenirs d’un acteur qui a fait les beaux jours d’Hollywood durant une dizaine d’années.
Pour les néophytes, l’histoire de Philippe Thirault est tout à fait intéressante : on commence presque par la fin avec un acteur sur la sienne, très diminué physiquement, et que même sa femme ne supporte plus. Mais quand arrive ce jeune admirateur, Lugosi se met en scène pour raconter ses souvenirs, et quand la douleur revient, c’est avec une de ces ex-femmes que nous en saurons plus sur sa vie mais aussi sur certaines des folles rumeurs liées encore et toujours à son personnage mythique (buvait-il vraiment du sang... ou un simple jus de tomate?). Dans un style comics à tendance humoristique, tout en Noir et Blanc pour coller à l’ambiance des films dans lesquels Béla tourna, Marion Mousse, aux dessins, met en scène de manière très efficace l’histoire de cet acteur emblématique qui incarna Dracula et fit frissonner d’effroi de nombreuses et nombreux spectateurs.
Les mondes électriques, T2 Jason, de Christophe Alliel chez Glénat
Le chaos continue de régner à Londres où d’étranges éclairs ont fait perdre la raison aux adultes. Seuls les enfants semblent avoir été épargnés par la folie généralisée. Bientôt, après une violente explosion, une effrayante boule d’énergie se forme dans le ciel ! Face à cette force surnaturelle, Jason et sa bande d’amis s’organisent tant bien que mal pour survivre et se ravitailler au sein d’un immeuble. Sortir de leur Q.G. s’avère encore plus dangereux quand des créatures à l’allure sinistre commencent à rôder. Ces monstres manipulent-ils les adultes ? À l’abri, Jason s’inquiète en pensant à Louise, sa sœur. Lors de l’explosion, il n’était pas à ses côtés. Elle est sûrement seule et apeurée dehors. Envers et contre tout, il décide de partir à sa recherche. Malgré le danger, il est hors de question de l’abandonner ! C’est le début d’une aventure électrique où l’angoisse monte d’un cran au milieu de la ville ravagée. Au même moment, Louise se réveille sous les débris… Une Société au bord de l’extinction, des enfants aux commandes de leur destin, la capitale anglaise sombrant dans l’anarchie et la violence, une porte ouverte sur un nouveau monde…
Biberonné à Lanfeust Mag où il a fait ses premières armes, l’auteur Christophe Alliel connaît la musique des récits d’aventures, de Science-Fiction et de Fantastique. Il exécute donc sa partition sans coups frémir et continue dans la lignée du précédent volume : des poursuites, des cascades et des retournements de situations qui plongent encore plus nos jeunes héros dans l’effroi - ou au contraire les sauvent au moment opportun. Une trame classique peut-être, mais qui devrait plaire à nos jeunes lecteurs, et l’on voit que l’auteur met du cœur à l’ouvrage, son dessin reste léché, travaillé, sa mise en page dynamique et les couleurs au diapason de l’histoire. Pour sa première série en solo, Christophe Alliel propose un récit sans temps-mort avec de multiples rebondissements qui devraient séduire les amateurs de récits fantastiques et ou horrifiques dans la lignée de la série TV à succès Stranger Things. En attendant la fin de cette histoire et un dénouement plus audacieux ?
Coup de coeur
Friday de Brubaker, Martin & Vincente chez Glénat
En revenant à Kings Hill, Friday a retrouvé son meilleur ami Lancelot. Ce petit prodige a toujours su résoudre les affaires étranges de la région. Mais cette fois, il y a laissé sa vie. Alors que Friday est dévastée par le chagrin, pour les autorités, l’affaire est close : c’est un accident. Comment peut-on imaginer pareille sottise ? Lancelot travaillait sur une mystérieuse affaire au moment où Friday a découvert son corps dans leur QG en feu. De toute évidence, on a essayé de le faire taire à jamais. Malgré la douleur, Friday se lance dans une épineuse enquête pour honorer la mémoire de son ami. Hélas les lieux du crime ne livreront aucun indice, tout a été détruit dans l’incendie. Friday repense alors à Fouinard, ce camarade qui avait disjoncté à cause d’une étrange dague juste avant la mort de Lancelot. Et si ces deux affaires étaient liées ? De pistes en pistes, Friday va se heurter à une énigme qui évoque une légende locale tout en essayant de déchiffrer les signes que Lancelot semble lui avoir laissés sur sa route. La jeune femme n’avait pas prévu qu’elle devrait se dresser face à une créature maléfique !
Alors que le premier volume laissait planer le doute quant au genre auquel rattacher cette série, cette fois-ci plus de doute : l’ambiance devenant de plus en plus sombre dans ce second tome à mi-chemin entre Stranger Things et Stephen King, l’horreur et le fantastique sont bel et bien présents.
Pari réussi pour le scénariste, d’autant plus qu’il tue l’un des personnages que l’on pensait principal en la personne de Lancelot, meilleur ami - amoureux peut-être - de Friday qui se retrouve seule sur ce deuxième volume. Ici, plus de duo, changement de dynamique donc avec un chapitre 4 qui prend son temps où nous sommes aux côtés de la jeune femme et sa tristesse… Et puis lorsqu’elle se reprend en mains, un jeu de pistes bien réalisé nous emmène à ses côtés sur les traces de Lancelot qui lui a laissé un message avant de mourir : son cadeau de Noël prévu, le carnet de recherche du détective en herbe, comme s’il savait qu’il allait mourir et qu’elle allait en avoir besoin. Le 6ème et dernier chapitre plonge l’héroïne et le lecteur dans l’horreur pure, confrontant notre toute jeune femme face à des monstres digne de Hellboy de Mike Mignola avec son fléau de grenouilles, très inspiré de Lovecraft. Une séquence d’horreur pure où le talent de Marcos Martin éclate une fois de plus, une vraie séquence qui met la chair de poule, parfaitement mise en scène alors que quelques pages avant il nous avait régalé avec une poursuite en mobylette des plus réussies. Les couleurs de Vincente très simples en apparences renforcent le dessin et les ambiances.
Avec une révélation finale qui ajoute une nouvelle couche de lecture, qui, comme le dit le scénariste en postface, vous donnera envie de relire les deux premiers volumes en attendant la suite !
Programmation musicale :
Vampires, The Craftmen Club (Eternal Life, 2013)
Dracula, Tod Browning 1931
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- 6 février 2023
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