Il reste jusqu'au 16 mars 2025 pour se rendre à la rétrospective de l'œuvre d'un artiste belge qui a traversé tout le 20e siècle. Les Mondes de Paul Delvaux est à découvrir à la Boverie à Liège.
Il vous reste jusqu'au 16 mars pour découvrir les Mondes de Paul Delvaux à la Boverie à Liège. Marie-Elizabeth van Rijckevorsel est guide-conférencière et anime des visites de cette exposition. Elle nous décrit l'univers de l'artiste qu'elle nous invite à rencontrer !
Marie-Elizabeth van Rijckevorsel : Il est vrai que les Belges, en particulier, pensent bien connaître l'œuvre de Paul Delvaux. Ils ont l'impression que c'est du déjà vu, qu’elle habite beaucoup notre imaginaire de belge, que c'est un peu froid, qu’on en a vite fait le tour. Mais cette exposition nous détrompe fortement sur cette première impression. En effet, parce que quand on visite cette exposition, on se rend compte que l’artiste a produit une œuvre influencée par énormément d'artistes différents. C'est une œuvre riche, féconde et intéressante pour nous-mêmes. J'ai observé les visiteurs qui arrivaient avec beaucoup d'aprioris repartir avec un élargissement intérieur.
II était allé à la fois perméable aux différentes inspirations de son époque, tout en restant très indépendant à leur égard. On a tendance à la présenter comme un peintre surréaliste. Les surréalistes sont souvent des revendicateurs assez agressifs, parfois. Delvaux a une humilité, une simplicité qui va tout à fait à l'encontre de la tendance de ce courant. Son œuvre n'a pas la mission de revendiquer quoi que ce soit ; elle est une exploration de sa propre intériorité. D’ailleurs, il n’a pas été bien traité par les surréalistes qui se moquaient beaucoup de lui, allant jusqu’à le surnommer “Delvache”…
Certainement ! en tout cas une invitation au mystère, au voyage intérieur. Le train fait partie de son histoire parce qu'il habitait à Bruxelles, et que lorsqu'il se rendait chez sa grand-mère il prenait la ligne allant de la gare de Bruxelles-Luxembourg - qu'il connaissait très bien - vers Ottignies, dont il viendra d'ailleurs chef de gare honorifique à un âge très avancé. A plus de 80 ans, il affiche le sourire d'un petit garçon qui a toujours aimé le train. Il aimait les gares. D'ailleurs, il avait un pass spécial pour pouvoir aller à l'arrière des gares, voir les travailleurs et les machines. Ce qu'il aimait bien, c'étaient les trains à vapeur, les machines du passé. Tout au long de sa vie, le chemin de fer à l’ancienne, comme les femmes de la fin du XIXe.
De son vivant, la critique était positive, mais pas celle des surréalistes, plutôt agressifs à son égard. Magritte et Delvaux sont des “frères en art” dans leur manière de peindre. D'ailleurs, ils ont été tous les deux bouleversés par le même artiste à savoir Giorgio de Chirico, ce peintre du mystère, du silence, de l'étrange. Cette rencontre les aura beaucoup marqués. J'ai le sentiment que la peinture de Paul Delvaux est une psychothérapie à ciel ouvert.
La plupart des Belges savent que Delvaux a été très marqué par une éducation sévère, mais surtout que ses parents déversaient sur lui beaucoup d'attentes. Il était le fils aîné, on pensait qu'il ferait de grandes études. Quand il a annoncé qu'il voulait être artiste, ses parents ont été choqués et très sceptiques. Heureusement qu’ils avaient dans leurs relations un artiste renommé dont l’image laissait entrevoir une possibilité pour leur fils. Mais là-dessus s'est greffé le problème de la relation du fils avec sa mère. Et ce déséquilibre est très intéressant à analyser, parce que la maman a refusé que son fils épouse son amour de jeunesse, TAM (surnom d’Anne-Marie). Paul a préféré céder pour ne pas brusquer l’autorité parentale.
En fait, toute sa peinture nous raconte son impossibilité d'accéder à la féminité.
A partir de cet épisode, tout a dérapé puisque les femmes sont devenues un grand interdit pour le jeune artiste. En fait, toute sa peinture nous raconte son impossibilité d'accéder à la féminité. Le résultat n’en est que plus beau ! Ce qu'on voit dans la plupart de ses compositions, ce sont des décors avec de grandes places vides où se promènent étrangement des femmes, des squelettes. Ce mystère qui plane dans des espaces architecturés, structurés, c'est vraiment ce qui va le plus impacter Paul Delvaux.
Je dirais qu’étant donné qu’comme on entre dans un monde intérieur et qu'il s'agit là d'obsessions d'un homme qui a vécu des grandes frustrations par rapport à la féminité, je pense qu'il y a certaines œuvres qui sont plus difficiles à voir pour des plus jeunes enfants, mais qui font rêver tout de même par ailleurs. Donc aux parents de guider un petit peu vers les œuvres ou de demander à des guides de le faire avec eux, de guider vers les œuvres qui conviendront mieux.
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