Le Théâtre National de Strasbourg inaugure les spectacles traduits
Caroline Guiela Nguyen présente la saison pour 2025-2026. Après une première année signature, la directrice conforte sa recherche de nouveaux publics en inaugurant des spectacles sur-titrés pour les publics allophones de Strasbourg et en valoriser les jeunes artistes-élèves de l'école de l'institution.
© RCF AlsaceRCF Alsace : Cette nouvelle saison 2025-2026 compte 19 spectacles, dont deux en tournée à l'étranger. Dans un contexte budgétaire compliqué pour la culture, quelle ligne veut tenir le TNS ?
Caroline Guiela Nguyen : La première ligne à tenir est qu’il faut coûte que coûte défendre nos institutions publiques et nos lieux de création. Il faut évidemment défendre les artistes, la création et les publics. C’est notre mission, que ce soit avec les spectacles de la maison qui partent en tournée et qui permettent aussi, parce qu'ils tournent à l'international, de ramener des fonds, pour pouvoir créer d'autres spectacles. Nous souhaitons aussi continuer à travailler à ce qu'il n'y ait pas de dissociation entre la case populiste et élitiste. On essaye que ce lieu soit ouvert à toutes et à tous. Si un jour le théâtre était en danger, mon plus grand rêve serait que le public vienne nous défendre, parce que le théâtre est devenu un outil. C’est une nécessité pour que l’art soit présent dans leur ville et dans leur vie.
RCF Alsace : Est-ce que votre rôle est celui de préparer le public à soutenir la culture ?
Non, mais en tout cas, je travaille à ce que le public soit de plus en plus large et que ce soit un vrai service public pour toute la population. C'est très important pour moi.
RCF Alsace : Vous avez vu dans la saison actuelle qui s'achève bientôt, l'augmentation de la fréquentation des nouveaux publics, notamment d'un public qui jusqu'ici était éloigné. Est ce que cela vous inspire ?
On est à 97 % de taux de remplissage. C'est un chiffre qui n'avait pas été atteint, je crois, depuis très longtemps. J’en suis très heureuse, ça donne du sens aussi à ces maisons.
RCF Alsace : Dans les coproduction du TNS, cette année, il y a un certain nombre d'artistes internationaux avec une double nationalité : suédois, britannique ou franco-ivoirienne ou vietnamienne. Est-ce que cette tonalité fait partie de votre signature ?
Evidemment ! C'est important pour nous de faire découvrir des artistes internationaux comme Angélica Liddell, Markus Linden ou Alexander Zeldin. Nous trouvons le travail de Markus et Alexander essentiels, cependant ils ne sont encore jamais venus à Strasbourg.
RCF Alsace : Le TNS inaugure un nouveau dispositif de spectacles surtitrés en différentes langues pour des publics allophones de Strasbourg, c'est-à-dire ceux qui vivent dans la capitale européenne, sans forcément parler le français. Qu'est-ce qui a guidé le choix de telle ou telle langue pour les traductions ?
C’est un dispositif qui est complètement innovant et inédit dans des langues parlées par des personnes allophones. Je sors d'un spectacle que j'ai créé qui s'appelle Valentina. C'est l'histoire d'une maman qui arrive en France, et doit faire soigner son cœur. Seulement, cette maman n'arrive pas à accéder aux services publics parce qu’elle parle le roumain et que les consultations se font en français. Elle ne peut donc pas accéder à des soins, ce qui met sa vie en danger. Et je me suis dit “Qu'est-ce qu'on fait nous ?”. Moi aussi j'ai un service public, qui est le Théâtre National de Strasbourg. Comment est-ce que moi je prends en compte cette réalité ? En travaillant avec Migration Santé Alsace, j’ai eu envie de voir avec eux quelles étaient les langues finalement des allophones. Voir comment est-ce que pour ces communautés, il est possible de présenter par exemple Andromaque en albanais ou en dari ou Piano Man en ukrainien.
RCF Alsace : Cette année, vous allez aussi inaugurer une nouvelle idée pour les élèves de l'école du TNS. Vous pouvez nous en dire plus ?
L’idée est que les metteurs en scène qui sont aussi élèves, Eléonore Barrault et Juan Bosco, vont porter en termes de production, leur création avec le TNS. Chaque année, le spectacle qui est porté en production, qui était une très belle idée, est un spectacle de grands noms dans le domaine de la mise en scène. Ils prennent l'entièreté de la promotion et cela permet de muscler un spectacle, de grande ampleur. Ces grands noms de la mise en scène sont quand même à l'intérieur du parcours des comédiens, des artistes, des élèves. Pour autant, le travail de production et les ateliers, le travail de sortie qui sera mis en avant, ce seront en fait les créations des élèves Juan et Éléonore.
RCF Alsace : Les galas, spectacles préparés par des professionnels avec des habitants de Strasbourg, reviennent dans votre programmation. Quels sont les thèmes que vous avez choisis ?
Il y a effectivement Maxence Vandevelde. Il va créer Lucarne année deux, qui est la suite de Lucarne année un. C'est beau car c'est comme une espèce de manifeste pour moi. L'idée que la beauté est partout, tout le temps. C'est l'édito un qui ouvre la saison, qui serait garant d'une beauté et qu'on devrait répandre sur le reste de la population.
RCF Alsace : Vous disiez en conférence de presse tout à l'heure que pour vous la beauté se trouvait autant au fond d'une salle de kebab que sur la scène d'un théâtre.
Oui, voilà. La beauté est appelée par toutes et par tous. Je n'ai jamais considéré que nous faisions de la beauté ici et qu'il fallait qu'on la répande sur l'entièreté de la population. Même si nous créons cette beauté, elle est aussi présente dans des différents lieux. Effectivement, je racontais par exemple les chants des viet kieu (nom donné à la diaspora vietnamienne, ndlr) dans des lieux d'arrivée indignes. Ils trouvaient tout de même l'espace de la beauté et la création de la beauté. C’est important de savoir cela. Maxence va faire un spectacle qui s'appelle Lucarne II, qui parle justement de la question de la beauté avec des personnes qu'il a rencontrées sur le territoire de Strasbourg. Ensuite, on a, en attendant Oum Kalthoum de Atisso Air qui va être une forme à la fois concert et théâtre, comme elle était venue ici avec avec Khan Coudour. Un spectacle qui parle de ce fameux concert qu'a donné la chanteuse et l'attente qui a eu. Et puis il y a Marcus Lindeen, qui est metteur en scène suédois et réalisateur avec Marianne Ségol-Sammoy. Tous les vont faire un spectacle qui s'appelle ‘Piano Man’, qui est l'histoire d'un homme qui s'est retrouvé un jour en tenue de gala sur une plage. Un mystère recouvre comme ça son chemin et son identité.
RCF Alsace : Le thème du soin occupe une place relativement importante dans la saison. Est-ce aussi une posture vis à vis du public ?
Moi, je ne prends pas soin : les gens ne sont pas malades. Mais prendre soin, c'est comme prendre soin d'une lumière dans un hall pour qu'elle soit accueillante. C'est faire attention qu’il y ait des traductions en en roumain parce qu’ il y a une communauté roumaine qui ne peut pas avoir accès aux services publics. C'est prendre soin des élèves et du travail qu'ils vont faire à la sortie de l'école. C'est prendre soin d'un lien.


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