"Je suis personnellement meurtri parce que je connais beaucoup de gens autour de moi qui sont chrétiens et qui ont l'impression au fond d'être diabolisés de manière fort injuste." Depuis 10 ans, Jean-Claude Guillebaud ne cache plus sa foi chrétienne. Journaliste et éditorialiste pour La Vie ou L'Obs, il vient de publier "La foi qui reste" (éd. L'Iconoclaste). Pour dire à la société française que les chrétiens s'interrogent, qu'ils sont inquiets de la diabolisation des religions en France. Pour dire aussi que l'Église déçoit mais que la foi reste.
Pas d'élan mystique à la Claudel, c'est "par la raison" que Jean-Claude Guillebaud est venu à la foi chrétienne, lui qui avait pour maîtres Jacques Ellul et René Girard. À la faveur d'une épreuve, une grave maladie, il a redécouvert "la pertinence du message évangélique". C'était il y a 10 ans, et dans la foulée, il publiait "Comment je suis redevenu chrétien" (éd. Seuil, 2007). Un ouvrage qui l'a propulsé sur la scène médiatique : lui qui a été pendant plus de 20 ans grand reporter au Monde, prix Albert-Londres (1972), était invité sur les plateaux de télévision pour parler de sa foi.
Et cependant, pour Jean-Claude Guillebaud la foi est un chemin, toujours inachevé. "Être chrétien n'est ni un statut ni une identité." Révéler sa foi chrétienne a provoqué en lui "un grand sentiment de joie et d'humilité". Parce qu'il a compris qu'avoir la foi c'est la chercher sans cesse. "Qu'est-ce qu'être chrétien ? Je n'ai jamais cessé d'approfondir ce questionnement."
Dès lors, comment ne pas se sentir "choqué" par la tentation à laquelle cèdent certains de nos contemporains - mais qui ne date par d'hier - celle du repli identitaire. "Avoir l'outrecuidance de se dire je suis chrétien et d'inscrire sur mon front 'catholique', c'est absurde, c'est ridicule je suis choqué par cela !" Une forme de "catholicisme athée" de ceux qui préfère l'ordre et l'institution au message évangélique, à la façon d'un Charles Maurras avant sa conversion à la toute fin de sa vie.
Jean-Claude Guillebaud, qui a signé dès 1995 une œuvre monumentale sur le "désarroi contemporain", sait bien la détresse à l'origine de cette "solution" identitaire. C'est même une certaine inquiétude qui l'a poussé à écrire "La foi qui reste". La crise des vocations, la diminution du nombre de prêtres, le vieillissement du clergé, les églises que l'on déconsacre pour les vendre... "On n'ose pas regarder en face ce qui se passe concrètement", dit-il. Dans 10 ou 15 ans, que sera le catholicisme en France ?
Ce pourquoi le propos du journaliste est fondamentalement plein d'espérance, c'est bien parce que "la foi reste". Et qu'elle reste malgré toutes les raisons que l'on a d'être déçu par l'Église. Jean-Claude Guillebaud le catholique ne mâche pas ses mots quand il parle de la "médiocrité chrétienne", terme qu'il emprunte à Bernanos. Mais cette médiocrité bien sûre, est collective, l'affaire de tous. "Notre propension à la récitation, ces âmes habituées, ce ron-ron bondieusard..."
Mais il y a plus grave, la pédophilie, la crise financière au Vatican, etc. En choisissant d'en parler tout en assumant sa foi, Jean-claude Guillebaud rejoint tous les croyants que l'institution ecclésiale ébranle. Il leur donne en même temps des raisons de lui rester fidèle. "L'Église est impure, limitée, rarement à la hauteur de la parole qu'elle prétend transmettre, et pourtant je lui dois d'être aujourd'hui chrétien. Alors je m'incline. Au Moyen Âge on appelait l'Église la chaste putain, femme de mauvaise vie qui porte en elle un fragment central de pauvreté et qui en se prostituant arrive à faire vivre ses enfants." Cette citation de Gustave Thibon est mise en exergue dans son ouvrage.
Et il existe une autre raison d'être inquiet : le terrorisme islamique qui jette le discrédit sur les religions, toutes les religions. Que l'on accuse d'être à la racine de tous nos maux. Cette diabolisation des religions "témoigne d'une profonde inculture", pour Jean-Claude Guillebaud, qui observe "une volonté d'effacement", dans notre pays, "comme si on voulait effacer notre lien avec le judaïsme, le christianisme et la pensée grecque". Lui qui a couvert des conflits en tant que reporter, l'affirme : "Dans les conflits, l'instrumentalisation du religieux a toujours existé."
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