Antonin Sabot
" La louve " (Talents hauts)
1667, dans les Cévennes À seize ans, celle qu'on appelle La Louve en raison de la peau d'animal dont elle est vêtue vit seule dans la forêt. Comme elle, d'autres « Exilés » ont fui leur village, leur famille pour se réfugier dans les bois.
Leur mode de vie rude, mais libre, est menacé par les autorités qui veulent exploiter la forêt et mettre au pas ces rebelles.
Menés par La Louve, les Exilés choisissent de se battre pour défendre l'existence d'une forêt indépendante et sauvage.
La chronique de Jacques Plaine
ANTONIN SABOT
La Louve
Éditions talents hauts
Antonin Sabot, ancien reporteur au Monde est aussi
prix Jean Anglade 2020.
J’ai un couteau,
Et une fronde,
J’ai des griffes et des dents,
Un cœur qui bat de plus en plus fort,
Je suis La Louve.
La Louve. Une gamine arrachée à l’enfance à « onze ou
douze ans, treize tout au plus » pour se retrouver seule
dans la forêt. Seule dans les bois, à cacher sa pudeur, son
couteau et sa fronde, sous une peau de bête. De louve
exactement. En cette année 1667, dans sa tanière, loin des
paysans des champs, des bourgs et des villages, elle a
seize ans et, mutique, ne parle qu’avec ses yeux comme
d’autres, privés de langue, ne parlent qu’avec leurs mains.
La forêt des Cévennes, avec ses arbres centenaires, est
son terrain de vie, de chasse et d’aventures. Forêt impénétrable où se cachent les
« Exilés », ces paysans ensauvagés qui ont fui leurs terres, Louis XIV et ses impôts aussi
exorbitants qu’insupportables. Hors-la-loi, hommes de rien, pourchassés par les soldats du
roi. Crève-la-faim, va-nu-pieds, prêts à piller les récoltes des autres. Mécréants, culs-terreux
retombés dans la vie d’avant et qui voient dans La Louve la fille de Sylvaine, la sorcière.
Sorcière elle-même, douée de la science des herbes qui soignent, endorment les vivants et
réveillent les morts. Mais sorcière dont on se méfie car fille de sorcière on ne peut qu’être
sorcière, et pire encore pour qui l’a vu « grimper sur le dos de l’ourse ».
Et puis un jour, un jour comme pas tous les jours, des bûcherons « qui ne sont pas de la
vallée » des bûcherons maniant des scies et des « cognées bien larges et brillantes comme
j’en ai jamais vu » s’attaqueront aux plus grands des arbres de la forêt pour faire « des
coupes claires jusqu’en haut de la montagne ».
« Je connais personne qui pourrait avoir besoin d’autant de bois » dira Jeandou à La Louve
au grand couteau, sûr que « si l’un de ces hommes s’avançait elle saurait lui ouvrir le ventre
d’un trait. Un mouvement précis, depuis le haut du pubis jusqu’au sternum, et ses tripes se
répandraient à ses pieds avant même qu’il réalise être blessé ».
Mais Dieu, qui sont donc ces bandits qui - troncs par troncs enchaînés et tirés par des
chevaux - s’emparent ainsi de la forêt des autres ?
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