La guerre a recommencé depuis dimanche dans le Caucase du sud entre l'Azerbaïdjan et l’Arménie autour de l’enclave du Haut-Karabagh. Un conflit ancien et lointain mais dangereux en raison de l’implication des puissants voisins russes et turcs.
Le Haut-Karabagh ou Nagorny Karabagh est un petit territoire d'environ la taille du département de la Haute Savoie. Peuplé d’environ 15 000 Arméniens mais enclavé à la base en Azerbaïdjan.
L’origine de cette guerre est très ancienne. "En 1936, Staline a décidé de faire trois républiques et le Haut-Karabagh s'est trouvé enclavé en Azerbaïdjan", rappelle Jean de Gliniasty, chercheur à l’Iris et ancien ambassadeur de France en Russie.
En 1991, l’URSS s’effondre. Les anciennes républiques soviétiques, dont l’Arménie et l’Azerbaïdjan, deviennent indépendantes. Le Haut-Karabagh fait sécession et la guerre débute. Elle va faire jusqu’à 30.000 victimes jusqu’en 1994, date à laquelle un cessez-le-feu est acté avec le groupe de Minsk piloté par Moscou, Washington et Paris. L’Arménie contrôle le Haut-Karabagh ainsi qu’un cordon de sécurité qui représente à peu 20% du territoire de l’Azerbaïdjan. Durant les décennies suivantes, des affrontements auront lieu sporadiquement sur la ligne de front.
Plusieurs facteurs se superposent, notamment l’implication grandissante de la Turquie dans cette zone. Gaïdz Minassian, enseignant à Science Po Paris explique que l'on est dans "une situation où la Turquie essaye de globaliser sa stratégie. L'Azerbaïdjan profite de ce soutien fort de la Turquie pour lancer cette offensive et casser ce statut quo".
Le président turc Erdogan affiche son soutien diplomatique et militaire à Bakou. Il a même évoqué "deux états une nation" pour expliciter son alliance avec l’Azerbaïdjan. Que ce soit l’ONU, l’Union européenne, les Etats-Unis ou la Russie, tout le monde appelle à un arrêt des combats, sauf la Turquie. Ce conflit semble de fait plus dangereux selon Jean de Gliniasty : "la situation est plus grave que lors des crises précédentes car la Turquie a pris parti clairement, massive pour les Azerbaïdjanais. Le conflit n'a plus ce caractère local".
Le Caucase est une zone d’influence russe. Moscou vend d'ailleurs des armes aussi bien à l’Azerbaidjan qu’à l’Armenie. La Russie possède une base militaire en Arménie et un accord de défense avec le pays. Moscou a toujours joué le rôle d’arbitre entre les deux belligérants et a proposé d’accueillir des pourparlers de paix. Mais cette fois, cela s’annonce plus compliqué pour Russie qui "ne s'attendait pas à une irruption aussi forte de la Turquie dans le Caucase", selon Gaidz Minassian. La Russie est face au dilemene de continuer sa coopération avec Ankara et d'être contrariée dans son agenda ou de maintenir le groupe de Minsk en tenant à l'écart la Turquie.
L’Arménie a accusé la Turquie d’avoir transporté sur le front des djihadistes syriens. Mais il faut garder à l'esprit que l'Azerbaïdjan et l'Arménie se livrent à une propagande effrénée. Les bilans publiés par les belligérants sont d’ailleurs à prendre avec des pincettes. Mais l’hypothèse de la présence de supplétifs syriens voire lybiens sur place n’est pas à exclure selon Jean Marcou professeur à Sciences Po Grenoble et spécialiste de la Turquie : "c'est dans l'ordre des choses possibles parce que c'est ce qu'on a observé mais il faudra vérifier tout cela".
Il y a encore un autre voisin encombrant : l’Iran qui pour l’instant s’est montré discret. Et puis rappelons que cette région du Caucase sud regorge d’oléoducs et autres gazoducs qui font transiter des hydrocarbures vers la Turquie mais aussi l’Europe.
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