"Plus personne n'avait envie de travailler les uns avec les autres" : Explore Savoie, pour tourner la page Savoie Mont-Blanc

RCF Savoie : Michael Ruysschaert, vous avez dirigé l'Agence Savoie Mont-Blanc pendant trois ans, avant votre démission en 2023. Pour quelles raisons la marque Savoie Mont-Blanc a implosé ? 

Michaël Ruysschaert : La raison première est politique. Après 17 ans d'efforts et de vision partagée, il n'était plus possible de tenir une posture commune à l'international, les deux Savoie ne parlaient plus le même langage. C'est symptomatique de ce qu'il se passe au niveau national et international. On a tendance à penser que nous n'avons plus besoin des uns et des autres, que ça ne sert plus à rien de jouer collectif. L'équipe Savoie Mont-Blanc l'a vécu de plein fouet !  

RCF : Quand vous avez démissionné en 2023 de la direction générale de l’Agence Savoie Mont-Blanc, vous avez évoqué “une absence de visibilité”. Comment se fait-il que depuis sa création, Savoie Mont-Blanc n’a jamais manqué d’un quelconque manque de visibilité, et en 2023, il y a manifestement un tournant dans le cap qui est donné ?   

M.R : En 2023, il nous a été dit que nos deux co-présidents Nicolas Rubin et Vincent Rolland ne pouvaient plus tenir leur fonction dans l'Agence Savoie Mont-Blanc, en raison de leurs mandats respectifs dans les deux départements. La Haute-Savoie a agité ce chiffon rouge en assemblée générale. De fil en aiguille, on s'est interrogé sur la gouvernance, sur les budgets, et sur la stratégie. Des questions qui ont abouti sur des tensions en AG. Plus personne n'avait envie de travailler les uns avec les autres. Une vingtaine de collaborateurs ont reçu une proposition de reprise par Explore Savoie. Quatorze ont répondu positivement. En Haute-Savoie, seulement deux ont été retenus, dont une personne qui est partie au bout d'un mois et demi...cet exemple donne la photo de famille ! 

Plus personne n'avait envie de travailler les uns avec les autres 

RCF : Explore Savoie bénéficie d’un budget similaire à celui de Savoie Mont-Blanc. 6 millions d’euros. Une vingtaine de collaborateurs recrutés, quatorze de l’ancienne structure. Les autres ayant été licenciés. Quels ont été vos arguments pour les convaincre de venir sur un nouveau projet ?  

M.R : Le critère de recrutement n'était pas basé sur la localité, mais sur la compétence. Les haut savoyards et les parisiens étaient les bienvenus. Il me fallait une équipe capable de fonctionner en start-up pour avoir de l'amplitude d'activité et lancer la machine. Avec la dissolution de Savoie Mont-Blanc, on est passé de la première destination touristique mondiale au mauvais élève au fond de la classe près du radiateur. Le Conseil Départemental de la Savoie, par l'intermédiaire d'Hervé Gaymard et le DGS Nicolas Martrenchard, nous a soutenu pour reprendre la tête du peloton.

Avec cette dissolution, la Savoie est passée de première destination mondiale au mauvais élève près du radiateur 

RCF : Le tourisme en Savoie, c’est 31 000 emplois directs, 50% du PIB. 58 stations. Evidemment, l’enjeu est énorme pour l’économie du département. Quelle est votre stratégie pour cet hiver ? Vous laissez tomber les démarchages vers les clientèles matures comme la Grande-Bretagne ou la Belgique, mais vous préférez vous concentrer sur des marchés émergents. Lesquels ?        

M.R : Le tourisme en France est très structuré. Il y a un empilage de nombreux organes, comme Atout France, France Montagnes, qui travaillent tous sur les même cibles, les mêmes pays. Notre intérêt, à Explore Savoie, c'est de mettre beaucoup de moyens sur les marchés émergents. La Suisse, l'Allemagne, l'Italie. Et dans un à deux ans, on dressera un premier bilan. 

RCF : Dans un peu plus de 4 ans, seront organisés les Jeux Olympiques d’Hiver dans les Alpes françaises ! Le pôle ski alpin sera situé en Savoie, avec Courchevel et peut-être Val d’Isère entre autres. Quelle sera votre pierre à l’édifice qui se construit difficilement, avec Edgar Grospiron, qui doit composer avec un budget contraint, avec une opposition qui se structure ?     

M.R : Je crois profondément que les JO sont une chance. En revanche, je pose des conditions. La notion de responsabilité sur le sujet du climat, et la prise en compte de l'habitant. Les bonnes stratégies doivent être engagées, et le plus rapidement possible.