Pendant des siècles, les papes ne se sont guère aventurés au-delà de Rome, à l'exception occasionnelle de Pie VII, qui n'a quitté la ville que parce que Napoléon l'avait enlevé ! Mais l'ère du jet – et un traité de 1929 établissant le statut d'État du Vatican – a changé tout cela.
Celui que l’on nomme aujourd’hui le pape voyageur est le pape Jean-Paul II. C’est lui qui a réellement lancé la tendance des papes à aller régulièrement à la rencontre des fidèles à travers le monde. François a marché dans ses pas avec plus de quarante voyages répartis sur ses douze années de pontificat.
Lorsqu’il est élu en 2013, François est un pape des premières fois : le premier jésuite, le premier pape originaire des Amériques et le premier-né en dehors de l'Europe depuis 1200 ans. Il allait forcément marquer les esprits.
Mais laquelle de ses actions géopolitiques pourrait laisser une marque importante dans l’Histoire ?
Un endroit qu'aucun pape n'avait visité jusqu’ici ? La Chine. En effet, Mao a coupé les ponts après avoir pris le pouvoir en 1949. Mais le pape François lui a tendu la main et a même exprimé son admiration pour la Chine.
Tout cela a abouti à un accord en 2018, qui n'a toujours pas été rendu public, permettant au parti communiste chinois (plutôt qu'au pape) de continuer à nommer les évêques, tout en laissant au pape un droit de veto final. Cet accord, bien qu’historique, reste controversé.
En effet, le pape a fait valoir que cela contribuerait à unir les quelque 12 millions de catholiques chinois, longtemps divisés entre les églises contrôlées par le parti et les églises « clandestines », assurant ainsi la survie de la foi en Chine tout en ouvrant un dialogue qu'il pourrait utiliser pour faire la lumière sur les violations des droits de l'homme commises par le parti.
Cependant, ses détracteurs estiment qu'il a joué le jeu de Xi Jinping, en cédant un droit de l'Église (la nomination des évêques) tout en fermant les yeux sur la répression croissante du Parti à l'égard des croyants. C'est en partie pour cette raison que l'ancien évêque d'Hong Kong a qualifié l'accord de naïf correspondant à « *livrer le troupeau à la gueule des loups* ».
En 2024, le pape a exhorté l'Ukraine à « avoir le courage du drapeau blanc » et à entamer des négociations avec la Russie. Le Vatican a précisé par la suite qu'il n'avait fait qu'utiliser le langage de l'interviewer, mais les critiques ont vu cela dans un contexte plus large.
Un contexte qui inclut premièrement sa réplique sur l'OTAN qui aurait déclenché la guerre en "aboyant aux portes" de la Russie. Deuxième point de contexte : sa référence aux Russes et aux Ukrainiens comme des frères. Une réplique aussi utilisée par Poutine. Enfin, ce que ses critiques soutiennent, c'est le silence relatif sur les crimes russes en Ukraine.
Nombre d’analyses se sont posées la question de savoir si tout cela reflète ses appels constants à la paix (comme à Gaza et ailleurs), ses propres expériences du pape avec les États-Unis dans son Amérique latine natale, une tentative de tirer parti de sa rencontre historique de 2015 avec son homologue russe (qui a lui béni l'invasion de Poutine comme une guerre sainte), ou même un changement visant à aligner les vues du Vatican plus étroitement sur les pays du sud, qui abritent la plupart des catholiques du monde.
On peut cependant noter que, peu après le début de la guerre, le Pape François a envoyé le cardinal Zuppi, archevêque de Bologne, à Kiev. Pendant plusieurs mois, le cardinal a tenté de garder ouvert le dialogue entre l’Ukraine et la Russie.
Le pape ayant emprunté son nom à saint François d'Assise, il n'est pas surprenant qu'il ait cherché à se faire l'écho des préoccupations de ce personnage du XIIe et XIIIe siècle, notamment en ce qui concerne la pauvreté. Toutefois, les surprises se situent peut-être au niveau de la manière, que ce soit par sa lettre épicée sur la politique migratoire de Trump ou par la publication de la toute première encyclique d'un pape sur l'environnement.
Mais il a toujours largement défendu les enseignements traditionnels sur d'autres questions, ce qui explique pourquoi l'un de ses biographes l'a résumé de manière mémorable comme « un radical, mais pas un libéral ».
Quoi qu’il en soit, l'Histoire retiendra probablement qu'il a été le premier pape moderne à habiter un monde multipolaire, à réagir en mettant l'accent sur les questions transfrontalières, tout en abordant avec prudence les chefs d’État autoritaires tels que Xi et Poutine.
Qui que ce soit, il devra faire face à un monde qui devient de plus en plus multipolaire. Cela pourrait bien renforcer le pouvoir du pape, au lieu de le réduire.
L'Histoire nous suggère qu'un monde plus multipolaire connaîtra davantage d'instabilité, ce qui laissera plus de place à la médiation. Mais aussi, dans un monde où les capitales sont plus craintives et plus repliées sur elles-mêmes, les idées transfrontalières seront plus puissantes. Et pour les citoyens confrontés à des décennies plus numériques, tout cela pourrait donner de l'importance aux sources plus traditionnelles d'influence et de pouvoir comme celle d’un pape.
Le Vatican est l'un des douze États au monde à reconnaître Taïwan, et le seul en Europe.
Parmi les nombreuses autres « premières » géopolitiques du pape, il est devenu le premier pape à s'adresser au Congrès américain, le premier à reconnaître un État de Palestine et le premier à se rendre en Mongolie, en Irak, au Sud-Soudan et dans la péninsule arabique.
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