Le mot de la semaine : sourire
Aujourd’hui ce n’est pour personne, le moment de faire grise mine. Pour une raison majeure : le 6 octobre, c’est la « Journée mondiale » du sourire. Jean Pruvost nous raconte l'histoire du mot "sourire" en souriant !
Jean Pruvost © Pascal HausherrSur notre radio nous sommes toujours souriants, c’est aussi un peu notre journée. Disons tout d’abord que, contrairement au « rire », qui peut être gras, un « sourire » ne peut être que délicat, charmant, charme ,intelligent, complice, mais jamais « gras ». Par ailleurs, « sourire » est, on le devine, proprement le fait de sous-rire, s’écrivant encore s-o u s-r-i-r-e, en 1694, dans la Première édition du
Dictionnaire de l’Académie française. En vérité, issu du latin sub-ridere, le verbe « sourire » est attesté en 1175 et, lorsque l’Académie va le définir dans la première édition de son dictionnaire, voici comment il est habilement et finement présenté : « Sourire : rire doucement et sans éclat », et de préciser que « sousrire à quelqu’un se prend tousjours en bonne part et marque
de l’intelligence avec quelqu’un, de l’estime, de la complaisance, de l’affection ».
Quant au substantif aujourd’hui exactement de même forme, « un » sourire », il a longtemps été à égalité d’usage avec un
« souris », écrit comme la petite « souris », mais au masculin. « Faire un souris amoureux à un amant », lit-on en 1680 dans le Dictionnaire français de Pierre Richelet. Et en jouant sur les mots, on pourrait évoquer le « petit souris » d’une « petite souris », mais un animal sourit-il ? Osons l’imaginer puisqu’il semble qu’on
vient de découvrir que le rire du singe existe. Pour revenir au sourire humain il est de fait particulier à chacun et il y a sans aucun doute des sourires qui ne s’oublient pas.
Dans ses Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand écrit en effet ceci en parlant de l’empereur qu’il décrit en présence d’un capitaine : « Bonaparte sourit d’une manière qui frappa le capitaine » Et tombe une remarque judicieuse : « plus le visage est sérieux, plus le sourire est beau. » Quant à la première épouse de Napoléon Bonaparte, l’impératrice Joséphine de Beauharnais, on disait qu’elle avait un sourire magnifique, ne montrant jamais ses dents. De fait, il a fallu attendre la fin du XIX e siècle pour qu’une femme ait, dans les codes de politesse le droit de montrer ses dents.
Or, en ce qui concerne le si joli sourire de Joséphine de Beauharnais, les courtisans de l’époque n’ont pas manqué de signaler qu’à cause de son goût affirmé pour les sucreries ses dents étaient gâtées et son si beau « sourire », aurait tenu au fait de délicatement cacher lesdites dents disgracieuses. Alors, dans ce sillage, je dois avouer que je me suis posé la question à propos de la Joconde : et si Mona Lisa n’avait pas les dents présentables et que le secret de son sourire ait justement résidé dans ces lèvres mystérieusement refermées sur des dents à ne surtout pas montrer. C’est vraiment du mauvais esprit de ma part. Vite, laissons tout de suite la parole aux verbicrucistes qui nous font si souvent sourire. Comment définissent-il en effet le sourire ? Par cette formule éloquente : « Illuminateur facial ».
Cela étant, quand j’ai rencontré mon épouse, je me demande si elle
aurait apprécié que je lui dise : « Ah, mademoiselle, quel magnifique illuminateur facial vous avez » ! Même si c’est très vrai.


Jean Pruvost, lexicologue passionné et passionnant vous entraîne chaque lundi matin dans l'histoire mouvementée d'un simple mot, le mot de la semaine !


