“La tendance à la hausse de l’isolement des séniors ne présage rien de bon”
Les Petits Frères des Pauvres alertent sur l'augmentation du nombre de personnes âgées en situation d'isolement qui risque de franchir le million d'ici 5 ans. En cause : la hausse du vieillissement et le prolongement de la vie, la précarité dans les centres-villes et le manque de mobilité à la campagne.
Franck Liebenguth, directeur régional des Petits Frères des Pauvres en Grand Est13% des Français de plus de 60 ans se sentent seuls quand 750 000 sont en état de “mort sociale”, le dernier échelon de l'isolement que l’on attribue une personne vivant en dehors des cercles familiaux, amicaux, associatifs et du voisinage.
Une augmentation alarmante même en Grand Est
D’après le baromètre des Petits Frères des Pauvres paru fin septembre, 750 000 personnes âgées sont en situation de mort sociale en France. Ils étaient 300 000 en 2017, 500 000 en 2021. Cela représente une augmentation de 150% en 8 ans. “Voir que ces chiffres augmentent cela ne présage rien de bon, puisque l'isolement, est quelque chose de douloureux, qui provoque du stress et qui est souvent durable”, estime Franck Liebenguth, le directeur des Petits Frères des Pauvres en Grand Est. L’association présage qu’à ce rythme, la situation pourrait toucher 1 million et demi de personnes en 2030.
En Grand Est, les seniors paraissent paraissent légèrement moins isolés de tout cercle social. 16 % le sont de leur cercle familial contre 29 % au niveau national. La différence s’expliquerait par la composante sociale alsacienne. “On a effectivement des cellules familiales beaucoup plus importantes sur certains territoires avec une population également plus jeune que dans le reste de la Région.” La situation aussi semble aller de pair avec le niveau financier. 10 % des personnes des seniors en Grand Est sont bénéficiaires du minimum vieillesse et vivent avec 1 000 € par mois contre 25 % dans le reste du pays. " Même si c'est un petit peu moins fort que dans le reste de la France, le chiffre reste alarmant", alerte Franck Liebenguth.
Plus on est vieux et pauvre, plus on est seul
Toujours d'après le baromètre, l'avancée en âge est un facteur aggravant de l'isolement. "Sur les tranches de plus de 80 ans, le taux d'isolement est beaucoup plus important et la mort sociale également". Dans les départements des Vosges, la Meuse et des Ardennes où la moyenne d'âge est beaucoup plus haute que le reste de la région, le taux d'isolement est très haut. Mais la Moselle et les départements alsaciens ont d'autres facteurs aggravants : la précarité dans les villes.
"En Alsace, dès que l'on rentre dans des grandes villes comme Strasbourg, on va avoir des quartiers beaucoup plus précaires. Dans les centres villes aujourd'hui, on a énormément de personnes isolées et qui sont souvent beaucoup plus invisibles que dans certains quartiers prioritaires par exemple Là, les moyennes sont moins bonnes, parce que la précarité est également un facteur très aggravant de l'isolement."
Une non prise en compte de la réalité serait catastrophique
Chaque année, l'association qui lutte contre l’isolement des personnes âgées publie une étude thématique sur la situation des seniors en France. En 2023, elle faisait un état des lieux de la carence de leurs relations affectives et sexuelles, en 2024 elle traitait de leur précarité. Tous les 4 ans depuis 2017, elle dresse un constat concernant l’isolement et la solitude, propositions à la clé.
“Mais on a l'impression que ces propositions ne sont pas reprises, déplore Franck Liebenguth. Pourtant, elles sont bien argumentées, avec des chiffres à l'appui. Dans ce 3e baromètre, on voit plutôt une situation qui s'aggrave. Même après le Covid, on n'est pas revenu sur les valeurs de 2017. Tous les chiffres montrent qu'on ne descend pas mais qu’ on progresse. Et aujourd'hui, il n'y a pas de prise en compte de tout ça. On ne voit pas de politique ambitieuse pour le grand âge, qui reste quasi absent de l'ensemble des débats et même au sein de la société.”
Plus de jeunes engagés auprès des seniors
Sommes-nous donc condamnés à observer impuissants la situation se dégrader ? L’espoir semble se lever du côté des jeunes. Alors que différentes études pointent du doigt le mal-être dû au sentiment de solitude chez les moins de 25 ans, ces derniers semblent se préoccuper du sort de leurs aînés, quitte à se retrousser les manches.
“On a de plus en plus de jeunes qui rejoignent les rangs de nos bénévoles, constate Franck Liebenguth qui remarque une tendance nationale. Les courbes du public se croisent, c'est-à-dire qu'il y a de moins en moins de retraités qui s'engagent dans le bénévolat. Par contre, il y a beaucoup plus de jeunes et aujourd'hui on est quasi à l'équilibre au niveau national. Et nous commençons à le voir en Grand Est.” Des étudiants s’engagent ainsi dans l’association durant leur temps scolaire. “On sent du coup que des liens et une prise de conscience se met en place”.


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