Journée de prévention du suicide : « En 20 ans, les choses ont beaucoup changé »
À l’occasion de la journée de prévention du suicide, on fait le point avec l’association départementale de prévention du suicide de la Manche sur les avancées en matière de prévention.
La journée mondiale de prévention du suicide a lieu le 10 septembre ©Pexels-Son BomCe mercredi 10 septembre 2025 a eu lieu la journée mondiale de prévention du suicide. À cette occasion, l’association départementale de prévention du suicide de la Manche sera sur les marchés pour sensibiliser le grand public. Les bénévoles seront présents sur le marché de Cherbourg jeudi et samedi, et sur celui de Valognes vendredi.
La Normandie, une région particulièrement concernée par le suicide
Derrière la Bretagne, la Normandie est la deuxième région où la mortalité par suicide est la plus importante. «Globalement, la mortalité par suicide diminue, mais dans le détail il y a des phénomènes inquiétants», explique Georges Boittiaux, psychiatre à la retraite, l’un des membres fondateurs de l’association en 2006. L’évolution de la mortalité par suicide est différente suivant le sexe, la zone géographique, le type d’habitat et l’âge. Ainsi, en Normandie, on constate une légère augmentation du suicide chez les hommes, alors que le suicide des femmes continue à diminuer. La surmortalité des hommes est particulièrement marquée en milieu rural. Dans la Manche, le Cotentin a un taux de suicide moins important que le reste du département, tout en restant au-dessus de la moyenne nationale.
Autre constat, le nombre de suicides chez les personnes âgées est particulièrement élevé. Pour les 75 ans et plus, chez les hommes comme chez les femmes, la Normandie présente le taux standardisé de suicide le plus important des régions de France hexagonale, selon les chiffres de l’ARS de 2024 ( à partir des données de 2019- 2021). Pour les 16-34 ans en Normandie le suicide est la première cause de mortalité.
En parler pour éviter le passage à l’acte
Dans l’association départementale de prévention du suicide de la Manche, le credo a toujours été de lever le tabou sur le suicide, autant auprès du grand public, qu’auprès des professionnels. « En parler ne donne pas plus d'idées aux gens. S’ils sont dans une situation de crise suicidaire, au contraire, leur poser des questions va les aider à dépasser l’acte », explique Roseline Boust, responsable de l’association Vivre son deuil dans le Nord-Cotentin, également à l'origine de la création de l’association départementale de prévention du suicide.
Des changements de comportement, d’humeur, des attitudes de repli, d’agressivité peuvent être des signaux d’alerte. Avec une personne en situation de grande détresse, Gérard Boittiaux invite à poser simplement la question suivante : « Cette détresse est-elle au point d’imaginer vouloir mourir ? ». « Cette question témoigne de l’attention que l’on éprouve pour la personne. Cela permet de l’accrocher pour l’accompagner vers des processus d’aide. Dans l’échange avec la personne, il est important de considérer à la fois ses idéations suicidaires et ses autres pensées. Les choses ne sont pas univoques. Les personnes qui sont en prise avec ces idéations suicidaires ressentent au fond d’elles-mêmes un conflit énorme entre tout arrêter et rechercher des solutions.»
Sur le traitement médiatique du suicide, Gérard Boittiaux rappelle combien il est important de ne pas héroïser la personne qui s’est donné la mort, comme si cela était inévitable et sans solution. « Il faut rappeler qu’il y a des modalités d’accompagnement, d’attention et de maintien du lien qui vont éviter le passage à l’acte. »
Le dispositif VigilanS pour suivre des personnes qui ont fait une tentative de suicide
En 2015, Gérard Boittiaux a été à l’origine du dispositif VigilanS pour la Basse-Normandie pour les personnes ayant fait une tentative de suicide. La région faisait partie des lieux d’expérimentation de ce dispositif. Cela partait du constat que beaucoup de suicidants repartaient très rapidement des urgences, et que malgré les propositions qui leur étaient faites, les personnes ne donnaient pas suite. Ce service, basé à Pontorson, offre une écoute et sollicite directement les personnes. Elles sont rappelées au bout de 21 jours pour voir où elles en sont et si elles ont pu rejoindre un dispositif. « Si on n’arrive pas à les joindre, on leur envoie des cartes postales pendant quatre mois. » Une étude réalisée par Santé publique France sur ce type de prise en charge a montré que les personnes intégrées dans ces dispositifs vont avoir 38% de risque en moins de refaire une autre tentative. « C’est un outil efficace qui s’est généralisé à l’échelle du territoire. »
Une meilleure connaissance du suicide
Gérard Boittiaux, engagé depuis des années sur cette problématique de santé publique, remarque les avancées positives : « On a quitté le discours pour être dans les actes ». Il note les améliorations dans la formation des professionnels sur la gestion des crises suicidaires, citant par exemple le dispositif sentinelle mis en place dans le monde agricole. Même constat pour Roseline Boust. « En 20 ans, les choses ont progressé. On le voit bien quand on va sur les marchés, on a beaucoup moins de gens qui ne veulent pas en entendre parler. Au contraire, il y a des gens qui veulent en parler. »
3114 : Numéro national pour les personnes en détresse, leurs proches et les professionnels


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