"J’ai envie de vivre jusqu’à ma mort" : Thomas Misrachi souhaite mourir à 75 ans
Figure médiatique défendant la légalisation du suicide assisté en France, Jacqueline avait annoncé vouloir se donner la mort en janvier 2020 en Suisse. C’est finalement deux ans plus tard qu’elle se donne la mort, en avril 2022. Son ami, Thomas Misrachi, journaliste et adhérent de l’ADMD, une association pro-euthanasie, l’a accompagnée, à son domicile parisien, dans ses derniers instants de vie. Il livre son témoignage de ce moment particulier dans son livre “Le dernier soir” publié chez Grasset. Le journaliste, grand reporter à TF1, assure vouloir lui aussi, se donner la mort à l’âge de 75 ans.
Il fait partie des enjeux majeurs de la deuxième partie du second mandat Macron. Le projet de loi sur "le modèle français de la fin de vie" doit être examiné avant l’été, a précisé le Premier ministre Gabriel Attal. De son côté, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin soulignait ce mardi 6 février, “l’importance” de ce texte. “L’aide active à mourir doit être regardée dans le respect des convictions des uns et des autres”, promet-elle.
La peur de la mort
En décembre dernier, à l’heure où les grandes lignes de l’avant-projet de loi sur la fin de vie fuitaient dans la presse, la Dr Claire Fourcade, présidente de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs, estimait pourtant que le document de travail franchissait “un certain nombre de lignes rouges” et que “les soignants n’avaient pas été entendus”.
Il faut être inconscient pour ne pas avoir peur de la mort
Deux mois plus tard, et comme pour symboliser la pluralité et la complexité éthique des questions entourant la fin de vie sur laquelle le gouvernement d’Emmanuel Macron se penche, Thomas Misrachi publie un livre intitulé “Le dernier soir”, aux éditions Grasset. L’ouvrage raconte comment ce journaliste, grand reporter à TF1 a accompagné une amie, Jacqueline, dans les derniers instants, quelques secondes avant de s'administrer une injection létale, dans son appartement parisien. “Elle avait peur”, admet le membre de l’association pro-euthanasie ADMD. “Elle, qui avait préparé ce moment pendant des décennies, et qui était prête pour partir, avait peur de quitter la vie. Tout simplement parce que la vie est très forte”, répète Thomas Misrachi, qui assure “avoir pensé en ami” ce soir-là. “J’étais inquiet mais pas terrorisé, car on avait intellectualisé ce moment”, détaille celui qui risque cinq ans de prison pour non-assistance à personne en danger et 100 000 € d'amende.
Connaître la date et le lieu de sa mort : un choix égoïste ?
Malgré cet accompagnement jusqu’au dernier moment de son amie et la tristesse qui en découle, Thomas Misrachi souhaite suivre le même chemin de vie et de mort. Il veut, lui aussi, se donner la mort à 75 ans “à un ou deux ans près”, à l’aide du suicide assisté. Ce chef de famille explique n’en avoir “pas encore parlé à sa fille” de sept ans. “Quand elle sera en mesure de comprendre, on en parlera”, explique-t-il. “J’espère qu'elle acceptera que mes positions, si c’est le cas, soient différentes des siennes. Je suis aussi un homme à part entière et je fais mes choix”, se défend-il, tout en assurant qu’il “ne veut pas lui imposer la fin de vie”.
J'espère qu'elle [ma fille] acceptera mes positions. Je suis un homme à part entière et je fais mes choix
Décider de la date et du lieu de sa mort est-il un choix pour autant égoïste ? Dans le cas de Jacqueline, décédée volontairement en avril 2022, Thomas Misrachi admet que la mort de son amie est égoïste. “Elle voulait décider du moment de sa mort, et c’est pour ça qu’elle s’est suicidée de cette manière-là. Pour ses enfants, il n’y a pas eu de surprise”. “Dans tout ce qu’on fait dans la vie, il y a de l'égoïsme”, pense le journaliste qui se défend de tout “prosélytisme”. “Chacun doit avoir le choix”, résume Thomas Misrachi.
La difficile question de la prise en charge par les soignants
Parmi les points de blocages et de tensions à prendre en compte pour le gouvernement avant l’examen du projet de loi fin de vie, il y a l’épineuse question de la prise en charge des soignants. “Lorsque l’on regarde dans les pays qui ont adopté ce type de loi, que ce soit au Pays-Bas en 2001, en Belgique ou en Suisse, aux alentours de 2003, il n’y a pas eu l’explosion de l’euthanasie ou du suicide assisté. Ceux qui ont souhaité le faire, le font. Les autres ne se sont pas forcément tournés vers la mesure”, détaille Thomas Misrachi. Depuis sa légalisation en 2002, la Belgique compte plus de 116 500 décès par euthanasie. En 2022, le pays enregistrait 2 966 euthanasies, en augmentation de près de 10 % par rapport à l’année précédente.
En France, outre les Églises protestantes et catholiques, le corps médical se montre réticent. “On ne peut pas soigner et tuer”, estiment les soignants. “Une grande partie des soignants en France est réticente et c’est aussi pour ça qu’il faut ces lois, pour un encadrement. Dans les ébauches des textes qui existent, on sait que les soignants seront protégés. Si un soignant refuse de pratiquer une euthanasie ou un suicide assisté, il aura évidemment le droit de le faire en toute conscience”, tempère-t-il. Le futur projet de loi examiné à l’Assemblée nationale avant l’été, doit, en effet, inclure une clause de conscience des soignants.
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