Drapeau palestinien : "Ce n'est pas aux maires de faire de la politique au sein des communes"
Alors que le président de la République Emmanuel Macron reconnaît officiellement l'Etat de Palestine ce 22 septembre, plusieurs mairies ont choisi d'afficher le drapeau palestinien sur leur fronton. Une proposition que ne suit pas Murielle Fabre, maire de Lampertheim dans le Bas Rhin et secrétaire de l'Association des maires de France.
Murielle Fabre, maire de Lampertheim et secrétaire de l'AMF / RCF AlsaceRCF : Qui peut choisir d'afficher tel ou tel drapeau sur le fronton des mairies ?
Murielle Fabre : La question est assez complexe mine de rien, puisque les jurisprudences ne sont pas tout à fait d'accord entre elles. Il faut savoir que d'abord et avant tout, il y a une obligation du drapeau de notre pays le drapeau de la France. Il y a également aujourd'hui au fronton de nos mairies, le drapeau européen. Et souvent dans certaines régions, comme en Alsace, certains maires rajoutent le drapeau régional pour différentes raisons. En tout cas les droits en la matière sont sont assez partagés. Il faut quand même d'abord et avant tout respecter le devoir de neutralité, le devoir de laïcité. Il s'agit de respecter finalement tout un chacun et de ne pas forcément avoir à s'immiscer dans des causes politiques ou religieuses. En fait, c'est la raison d'être du service public qui s'adresse à tous et à toutes, sans distinction ni de race, ni de religion, ni d'opinion politique, ni de genre.
RCF : Plusieurs maires de gauche (à Lille, à Saint-Denis et Strasbourg) ont fait le choix d'afficher le drapeau palestinien sur leur mairie, malgré l'interdiction du ministre de l'Intérieur...
M.F. : Ce sont des choix finalement qui appartiennent individuellement et pas collectivement. Et c'est d'ailleurs pour ça que l'Association des maires de France (AMF), et notamment son président David Lisnard, a rappelé que ce n'est pas à quelqu'un, ou en tout cas certainement pas l'AMF de dire ce qu'il ne faut pas faire ou ce qu'il ne faut pas afficher comme drapeau, en dehors évidemment de notre drapeau national.
RCF Alsace : La proposition du secrétaire général du Parti socialiste, Olivier Faure faite sur le réseau X aux mairies d'afficher le drapeau palestinien à l'occasion de la reconnaissance de l'Etat de Palestine par le président de la République, vous semble-t-il aller à l'encontre du principe de neutralité ?
M.F. : Je le pense effectivement. Ce n'est pas forcément au maire de se positionner notamment sur ce sujet là qui est extrêmement complexe et difficile. La sollicitation de Monsieur Faure est très maladroite parce qu'il y a eu des réactions de maires, de droite comme de gauche d'ailleurs, qui se sont sentis très mal à l'aise face face à cela. Et pour moi, c'est peut être créer une vision manichéenne alors que ça ne devrait pas être. En fait, l'objectif d'un maire et d'une mairie doit être neutre et respecter aussi la laïcité. Cette situation de choix nous a été imposé par un tweet peut-être écrit trop vite, ce qui arrive souvent sur sur les réseaux sociaux, mais ne devrait pas avoir lieu. Chacun peut discuter du bien-fondé ou pas du sujet, mais les élus de la République que sont les maires n'ont pas à avoir d'obligation, ni d'invitation à faire ou pas quelque chose. Ça leur appartient d'abord et avant tout. C'est ce que l'Association des maires de France défend : la libre administration des collectivités et l'autonomie et la responsabilité individuelle du maire. C'est presque une faute de monsieur Faure, parce que je pense qu'il a outrepassé ses droits. Sa vision est peut être sympathique, mais elle a renforcé un conflit ou en tout cas créé des crispations entre les gens. Ce n'est pas du tout ce que l'on recherche quand on est maire.
Il faut arrêter de vouloir mettre le conflit israëlo-palestinien au sein même de notre territoire français.
RCF : Donc pas de drapeau palestinien sur le fronton de votre mairie le 22 septembre ?
M.F. : Absolument.
RCF : Vous avez évoqué les malaises suite à cette proposition de la part de certains maires. Est-ce que vous le vivez aussi ?
M.F. : Évidemment qu'on est qu'on est mal à l'aise face à cela parce qu'on a l'impression qu'on nous imposé un choix, alors qu'aujourd'hui le conflit israélo-palestinien est beaucoup plus vaste que la simple apposition d'un drapeau et la reconnaissance d'un état. Je pense qu'il faut aujourd'hui arrêter aussi de vouloir mettre ce conflit au sein même de notre territoire français. Il y a des points géopolitiques internationaux et un travail à faire pour la paix dans cette zone-là qui est extrêmement importante. Et effectivement, je trouve que c'est même plus que maladroit.
RCF : Il y a eu des réactions publiques, mais est-ce qu'il y aurait eu des réactions de la part des maires au sein de votre association?
M.F. : David Lisnard a été interpellé sur ce sujet. Certains maires n'ont pas compris cette sollicitation particulière. L'AMF a rappelé qu'il s'agissait d'une décision individuelle. Est-ce qu'elle relevait du maire ou du conseil municipal? La question n'était juridiquement pas tranchée, mais en tout cas qu'il n'y avait pas de volonté de l'Association des maires d'imposer ce genre de sollicitation, alors que l'on doit respecter d'abord et avant tout la libre administration.


Toute la semaine à 7h33, retrouvez le Grand Témoin : un entretien qui prend le temps d’approfondir l’actualité locale, pour mieux comprendre les enjeux et les événements qui touchent votre territoire.

