Il est devenu Premier ministre le 3 février 2025 alors que la Belgique retenait son souffle 239 jours après les élections législatives fédérales du 9 juin 2024. Bart De Wever occupe désormais une place très importante dans l'appareil exécutif du pays. Le connaît-on vraiment ? Les francophones s'intéressent-ils à la personnalité du leader nationaliste flamand ?
Tâchons d'en savoir plus avec le journaliste Christian Laporte qui avait préfacé en 2013 Derrière le miroir, un recueil des déclarations de Bart De Wever dans les médias flamands.
Vous écriviez en 2013 : «Il ne suit pas les vents dominants de la pensée politiquement correcte, mais nourrit les décisions qu'il entend prendre à l'aune des leçons du passé, mais également des évolutions du présent. Et cela l'amène plus qu'à son tour à expliciter son credo nationaliste”.
C L. : Depuis un certain nombre de mois, j'étais de ceux qui pensaient que Bart De Wever arriverait à un compromis, dans la mesure où il s'accrochait vraiment à sa mission, à sa fonction que lui avait confiée le roi, et ce même après dix-huit rencontres avec le souverain. Dans ma carrière, j'ai eu la chance de vivre et voir de plus près le développement de l’ascension de Bart De Wever comme bourgmestre d’Anvers d’une part, et en tant que président de la N-VA d’autre part. Il est évident que ça crée sans doute des liens, même s'il y a au moins deux différences fondamentales entre Bart et moi : d'un côté, lui est séparatiste, moi, je suis un fédéraliste ; d’un autre côté je suis royaliste, lui se proclame républicain.
C L. : Il a changé dans la mesure où sa personnalité a permis à la N-VA de se développer comme telle. Ce parti avait quand même une très sérieuse concurrence sur le plan nationaliste en Flandre - et je ne parle pas que des idées politiques -, qui étaient le Vlaams Blok, puis le Vlaams Belang qui a fini par se cloisonner dans ses idées de la droite la plus extrême.
Il reste un peu mystérieux dans la mesure où c'est quelqu'un d'atypique. Ce côté atypique, c'est qu'il n'hésite pas de temps en temps à se déguiser d'une manière ou d'une autre. Le dernier déguisement en date était celui de Saint-Nicolas, on le rappelle. Le 6 décembre dernier, il a sermonné les petits-enfants bruxellois qui n'apprenaient pas bien le néerlandais.
Il reste mystérieux dans la mesure où c'est quelqu'un d'atypique. Ce côté atypique, c'est qu'il n'hésite pas à se déguiser d'une manière ou d'une autre pour faire passer des messages.
Ce avec quoi je suis d’accord. Car en effet, on peut être un confédéraliste et même à la limite un séparatiste, mais penser aussi à respecter les gens d'à côté. Si jamais par malheur un jour ce pays venait à se scinder, on serait toujours amenés à vivre ensemble. C'est quelqu'un qui réfléchit à tout ce qu'il dit et à tout ce qu'il fait, pour qu’évidemment il puisse se construire cette image d'homme d'État, osons le mot ! Quoi qu'il en soit, il est parti maintenant comme Premier ministre fédéral, qu'on le veuille ou non, il est là (en principe) pour une durée de cinq ans.
C L. : celui qui persévère finit par l'emporter. Et c'est un peu ça dans son esprit, il a toujours eu ces idées-là, il est prêt à continuer à les défendre jusqu'au bout. Il démontre à mon sens une espèce d'ouverture d'esprit, un peu à l'instar de son frère Bruno (NDLR : Bruno De Wever est historien de profession). Et c'est également un homme qui fait montre depuis toujours d'un esprit d'ouverture avec lequel c'est un plaisir de travailler.
C L. : au début des années 2010, j'avais l'impression, que nous assistions à l’avènement d’une personnalité importante dans les années à venir sur le terrain politique belge. Au départ, ce n'était pas évident car les premières demandes d'interview qui ont été formulées dans les années 2010 se sont soldées par une fin de non-recevoir.
Au début des années 2010, j'avais l'impression, que nous assistions à l’avènement d’une personnalité importante dans les années à venir sur le terrain politique belge.
La personne qui a favorisé notre rapprochement est l'éditeur flamand de l'ouvrage en question, et qui a remarqué que nous avions des centres d’intérêts communs. Le leader flamand et moi avons commencé à nous rencontrer et dès qu’il me voyait, il me parlait en français ; je lui parlais en néerlandais pour ma part. Mais donc là, il y avait une espèce de proximité qui s'est créée et qui s'est renforcée autour de la sortie du livre Derrière le miroir.
C L. : je crois qu’il a changé parce qu'il a aussi senti qu'il était en train de pouvoir atteindre quand même ses objectifs d'une autre manière que celle qu'il avait peut-être envisagée au départ. Le premier objectif, c'est que la Flandre continue à se développer, à être une des régions phares de l'Europe, et que dans le même temps la Wallonie ne soit pas en reste. A mon avis, le problème du personnage (et de certains médias néerlandophones et analystes au nord du pays) c'est qu'ils ont une vision quand même très négative de la Wallonie, et qui d'une certaine manière n'est pas tout à fait fausse ou négative en réalité.
Voici ce qu'il a dit tout dernièrement, quelques heures avant d’endosser sa nouvelle responsabilité : “Je suis ce que je suis, je ne vais pas changer, je suis respectueux de chacun et de chaque tradition. Je ne suis pas quelqu'un qui est révolutionnaire, je suis respectueux de chaque tradition même de celle que je voudrais changer”. Je dirais que c'est tout à fait lui. Évidemment, c'est de bonne guerre, c'est sa tactique aussi. En politique, il faut avoir le sens du compromis, sinon on échoue rapidement et on disparaît.
Personnellement, je suis sûr que le pays ne sera pas épargné par toutes sortes de crises, parce que c'est un peu une marque de fabrique aussi en Belgique. Cela dit, on a toujours eu, il me semble, le sens du compromis qui n'est pas une compromission, et qui par conséquent permet au politique de continuer à affirmer un certain nombre de ses idées.
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