Pour protéger la société, il faut d'urgence humaniser les prisons !Ce 9 octobre, nous célébrons l’entrée de Robert BADINTER au Panthéon. De lui, nous savons qu’il fut l’artisan de l’abolition de la peine de mort. Mais nous connaissons moins le combat permanent qu’il a mené pour que soient assurées en détention des conditions de vie dignes et justes. Ainsi, en 1984, étant alors garde des sceaux, il se préoccupait déjà de la surpopulation carcérale. A l’époque, 37.000 détenus étaient entassés dans des prisons prévues pour en accueillir 30.000.
C’était pourtant sans commune mesure avec ce que l’on connaît aujourd’hui. Au 1er septembre, nous comptons 85.591 détenus pour 62.358 places. Dans une trentaine de prisons, le nombre de détenus est même deux fois plus important que le nombre de places disponibles. Et cela s’aggrave sans cesse puisque, chaque mois, l’on compte 550 détenus supplémentaires. L’État bafoue ainsi les lois successives qui, depuis 150 ans, érigent en principe l’encellulement individuel.
Une telle situation vaut à la France d’être le seul pays à être régulièrement condamné par la cour européenne des droits de l’homme pour traitements inhumains et dégradants. La surpopulation carcérale a de fait des effets accablants : Dans nombre de prisons, les détenus doivent s’entasser à 3 dans une cellule de 9 m². On y supprime la table et les armoires pour déposer un matelas au sol constitué souvent d’un simple carré de mousse. Dans ces conditions, les atteintes à l’intimité et à l’hygiène deviennent de règle. Une saleté repoussante envahit douches et toilettes. Les rats, cafards, puces et punaises de lit prolifèrent. L’accès aux activités culturelles, scolaires, sportives ou professionnelles est le plus souvent impossible. La violence devient endémique et beaucoup de surveillants, en nombre très insuffisant, sont eux mêmes en grande souffrance. Dès lors, comment s’étonner que, tous les 3 jours, un détenu se suicide en prison ?
A incarcérer toujours davantage, on se trompe pourtant de combat, car il est largement démontré qu’il n’y a pas de corrélation entre l’augmentation de la population pénitentiaire et le niveau de délinquance qui, lui, reste stable depuis 10 ans. Mais surtout on en oublie que la question majeure est celle des conditions dans lesquelles les détenus ayant purgé leur peine seront réinsérés dans la société.
On sait que la prison déshumanise et pourtant 80 % des sortants ne bénéficient d’aucun accompagnement. Le plus souvent, ils se retrouvent libérés sans hébergements, sans ressources et sans perspectives. On en connaît la conséquence : 63 % des détenus libérés en fin de peine récidivent dans les 5 ans suivants. C’est là le véritable fléau !
Au Secours catholique, nos équipes prison proclament depuis des années qu’il faut arrêter d’incarcérer les personnes condamnées à de courtes peines. Les alternatives à la détention en effet ne manquent pas : Travaux d’intérêt général, bracelet électronique, semi liberté, placement extérieur, pour ne citer que les plus courantes. Toutes permettent au condamné de purger sa peine de façon sécurisée sans perdre pied dans la société.
De plus, les budgets ainsi dégagés permettraient de recruter des personnels chargés de la réinsertion des détenus ayant purgé les plus longues peines et de moderniser nos établissements pénitentiaires, de façon à ce que la dignité en détention soit enfin assurée.
Faute de cela, la question de la prévention de la récidive ne sera pas traitée et il sera vain alors de prétendre que la sécurité sera mieux assurée au prix d’une sévérité accrue.