
Une petite halte avec un grand texte RCF - page 8
présentée par Pierre-Paul Delvaux
Un texte souriant ou grave, un proverbe et une pincée de sagesse. Une émission proposée par Pierre-Paul Delvaux. Sur un thème en résonance avec l'actualité, en 5 minutes environ, comme au détour d'une conversation.
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13 décembre 2020La Petite Halte de Pierre-Paul Delvaux
Elle rêvait de la mer. Elle rêvait de longs voyages. Elle était coincée qq part en Norvège, au fond d’un fjord et son rêve était obsédant… Ellida – c’est son nom- vivait une terrible mélancolie de la mer et cette mélancolie ne la quittait plus. Son histoire est racontée par Henri Ibsen, un dramaturge norvégien du XIXe siècle, auteur de plusieurs pièces qui ont fait grincer des dents notamment la célèbre maison de poupée où Nora finit par se dégager de la tutelle d’une mari possessif et possesseur comme bien des hommes à cette époque ! Cela fit scandale comme la plupart de pièces d’Ibsen. La dame de la mer – c’est le titre de cette pièce - a finalement épousé Wangel un homme plus âgé, médecin au fond d’un fjord. Souvent elle revoie en pensée un homme dont elle a été la fiancée et qui représente son rêve ! Et un jour un étranger surgit qui connaît son rêve et qui lui propose de partir au loin. Il reste une demi heure avant le départ. On entend le premier coup de sirène. Ils sont là tous les trois: Ellida, L’étranger et Wangel le mari. L’étranger est insistant. Wangel s’interpose, comme un propriétaire. Ma femme n’a pas à choisir. Je suis là pour la représenter et pour la défendre. Oui, pour la défendre (…) Non, non, Wangel ! Pas cela ! 217 Et tout à coup Wangel change de langage : (…) Il n’y a qu’un moyen de te sauver. Je n’en vois pas d’autre, en tout cas. Je consens donc à ce que le marché soit rompu – immédiatement – Dès lors tu peux choisir ton chemin, en pleine, pleine liberté. Est-ce vrai, est-ce bien vrai ce que tu dis ? Est-ce bien ton cœur qui parle. Oui, c’est mon cœur, oui, c‘est bien mon cœur torturé. (…) Te voici absolument détachée de moi. Et des miens. Désormais, ta vie, ta vraie vie peut rentrer dans son ornière. Tu peux choisir librement, Ellida. Et sous ta propre responsabilité. Librement et sous ma propre responsabilité ! Sous ma responsabilité ? … Comme tout se transforme ! Ellida renvoie l’étranger et reste aux côtés de W médusé ! Sa nostalgie de la mer était l’image de sa soif de liberté. W a pris le risque de la perdre, un risque bien réel… Wangel ajoute : (…) Ta nostalgie de la mer, de même que la fascination exercée sur toi par cet étranger, tout cela était l’expression d’un besoin de liberté s’éveillant et grandissant en toi. Voilà ! La situation est romantique, c’est vrai ! Retenons surtout une chose : l’humain a tellement soif d’être reconnu, pris en considération comme un être libre. Ce que nous vivons est certainement moins extrême, mais quand l’autre est reconnu nous le voyons naître à lui-même et grandir sous nos yeux ! Heureux sommes-nous quand nous pouvons reconnaître l’autre en lui-même c’est sans doute le plus beaucoup cadeau que l’on puisse faire...Droits image: RCF
6 décembre 2020Ces moments-ci, avec la pandémie, il nous faut une longue patience.
Oui, une longue patience ! Et pour quel bénéfice ? La réponse est sans doute le secret de chacun. Cela dit, je vous signale tout de même que souvent les poètes et les écrivains ont de ces intuitions exceptionnelles. Il suffit de songer à Marcel Proust et à sa description révélante de la jalousie par exemple. Mais aujourd’hui je ne vais pas vous parler de Marcel Proust mais d’un vieux poète iranien Farid od-din Attar, auteur du célèbre cantique des oiseaux. Et cette œuvre nous parle du temps de la patience... Attar – c’est sous cette forme raccourcie que je vais vous en parler, - est un poète mystique iranien qui a vécu fin XIIe début XIIIe. Il nous raconte le voyage de 3000 oiseaux qui sous la direction de la huppe entreprennent la recherche de l’oiseau Simorgh, l’oiseau Simorgh est un oiseau fabuleux de la mythologie perse. Cet oiseau est entouré de mystères : il serait dépositaire des secrets les plus cachés. Sa quête a occupé bien des vies. En Occident, la quête du Graal et de son mystère remplit la même fonction. Nous y reviendrons une autre fois. Les oiseaux partent donc à 3000 et ils connaissent beaucoup d’aventures. Certains abandonnent, d’autres sont blessés ou disparaissent. Les épisodes de cette quête rassemblent pas mal d’histoires qui traversent tout le moyen orient. On y croise Salomon, Socrate ou Mahomet. Beaucoup de derviches aussi. On nous raconte des histoires célèbres en orient comme les amours de Leylî et Madjun… Tout un monde très dépaysant pour un lecteur européen. Mais l’essentiel se trouve dans la rencontre avec le Simorgh. A la fin les oiseaux ne sont plus que trente. Ils arrivent au château du Simorgh. Ils sont introduits dans une salle qui peut faire penser à un théâtre. Ils sont là impatients. Le rideau de scène se lève. Ils ont du mal à distinguer quoique ce soit dans la pénombre et finalement ils devinent un miroir et... ils se voient dedans. Le Simorgh c’est donc cela ? Une rencontre avec soi-même ? : (citer 272-273 de l’adaptation de Gougaud.)… Ils se découvrent vivants… Notons au passage qu’en langue persane il y a un jeu de mots entre le chiffre 30 Sumorgh et le Simorgh. Et c’est dans un miroir qu’ils se découvrent vivants. Ce n’est pas le miroir de Narcisse, c’est le miroir destiné à ceux qui ont risqué un très long voyage et donc une longue patience pour découvrir la profondeur de l’être. Il a donc fallu ce long voyage pour arriver au secret de l’être. Le miroir qui révèle est une vieille tradition. Dans les odes de Salomon, un recueil de poèmes juifs écrit sans doute entre le 1e et le 2e siècle de notre ère, on trouve cette maxime : l’Ecriture est votre miroir. Regardez-vous en elle ! Dans la foulée, un peu plus tard, St Augustin dira que l’Ecriture renvoie à chacun son image. Le cantique ou la conférence des oiseaux est une œuvre touffue et fascinante. Deux possibilités pour vous lecteurs : De Attar, La conférence des oiseaux adaptée par Henri Gougaud, collection « Points » au Seuil. Et puis un beau livre : de Attar Le cantique des oiseaux dans la traduction virtuose de Leili Anvar aux éditions Diane de Selliers. Ils se sont vus vivants dans le miroir… Cette révélation suppose une longue patience… Après tout c’est peut-être ce que nous sommes en train de vivre ? En tout cas, cela vaut la peineDroits image: RCF
29 novembre 2020La Petite Halte de Pierre Paul Delvaux
Les milliers de petits soucis que nous inspirent les jours à venir et qui rongent nos meilleures forces créatrices… Les milliers de petits soucis… et il y en a, en effet Ces mots pourraient être les nôtres. Ces mots sont d’Etty Hillesum. Ils ont d’abord été un réconfort pour celle qui les écrivait durant la 2e guerre mondiale. E.H. est une jeune juive hollandaise prise dans la tourmente de cette montée de la haine qu’elle sent, qu’elle vit avec une terrible lucidité, mais aussi avec la farouche détermination de ne pas se laisser contaminer par cette haine. Il y a assez de haine dans le monde pour ne pas en ajouter, disait-elle ! Elle a écrit son journal entre 1941 et 1943 pour ne pas sombrer. Elle est morte avec tous les siens à Auschwitz. L’ensemble de ses cahiers et quelques lettres n’ont été publiés en néerlandais qu’en 1981 et en français en 1985. Vous trouverez une bonne édition sous le titre « Une vie bouleversée » chez Folio. L’édition intégrale a paru au Seuil. Elle est constamment écartelée entre sérénité et souffrance, consentement et désespoir. Une très grande œuvre qui peut nous parler aujourd’hui, non que la situation soit comparable, mais parce qu’elle témoigne d’un courage qui laisse pantois. En outre ces textes écrits pour ne pas perdre contact avec elle-même nous interpellent notamment dans le passage que je vais vous lire quand elle parle à la fois de ses soucis quotidiens ou de son intérêt pour la langue russe et de ce qu’elle appelle « notre unique obligation morale ». Nous sommes le 29 septembre 1942 : Il faut les éliminer quotidiennement comme des puces, les mille petits soucis que nous inspirent les jours à venir et qui rongent nos meilleures forces créatrices. On prend mentalement toute une série de mesures pour les jours suivants – et rien, mais rien du tout, n’arrive comme prévu. A chaque jour suffit sa peine. Il faut faire ce que l’on a à faire, et pour le reste, se garder de se laisser contaminer par les innombrables petites angoisses, les mille petits soucis qui sont autant de motions de censure vis à vis de Dieu. Tout finira bien par s’arranger pour mon permis de séjour à Amsterdam et pour mes tickets de rationnement, rien ne me sert de me tourmenter pour l’instant, je ferai mieux de me mettre à un thème russe. Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y a de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition. pp. 740-1 Vous avez entendu tous les soucis du quotidien. Mais à la fin de cet extrait elle se hausse vers ce qu’elle appelle « notre unique obligation morale ». Je vous propose de réécouter ce texte parce que cette jeune femme nous dit sa vérité avec des mots très simples, des mots qui peuvent illuminer notre quotidien puisqu’il y est question de paix qui peut s’étendre de proche en proche… Je vous relis ce passage. Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y a de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition. pp. 740-1 La paix dans les êtres ! Que nous souhaiter d’autre ?Droits image: RCF
15 novembre 2020Sylvie Germain
Je vous propose aujourd’hui un texte court et dense, un texte où il sera question de ce qui nous préoccupe, nous inquiète ou même nous affole : l’intégrisme et le fanatisme de tous bords. Un texte qui à la fois nomme le danger et indique ce qu’il faut travailler d’urgence.Droits image: RCF
11 octobre 2020Proust net
La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la vie par conséquent pleinement vécue, c’est …. Tels sont les mots de la petite halte. Pour vous mettre l'eau à la bouche...Droits image: RCF
27 septembre 2020J'espérons que...
Quand un instituteur a l'ouïe assez fine pour écouter ses élèves souvent un peu patauds mais si justes en même temps... Un régal ! Le titre du livre cité : J'espérons que je m'en sortira !Droits image: RCF
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