À partir du 7 mai, les 135 cardinaux électeurs seront enfermés dans la chapelle Sixtine pour choisir le 267e pape de l’histoire. Cet événement obéit à un protocole millimétré et à un lexique qui fait à la fois le charme et l’originalité de l’Église catholique
À partir du 7 mai, les 135 cardinaux électeurs seront enfermés dans la chapelle Sixtine pour choisir le 267e pape de l’histoire. Cet événement obéit à un protocole millimétré et à un lexique qui fait à la fois le charme et l’originalité de l’Église catholique :
A comme Anneau du pêcheur (en lat. : anulus piscatoris) : après l’élection, le camerlingue passe au doigt du nouveau pape cet insigne sigillaire, l’un des symboles du pouvoir pontifical. Sa mission achevée, l’anneau lui sera repris pour être rendu inutilisable. Chaque pape fait ainsi usage du sien propre. L’anneau du pêcheur renvoie à la pêche miraculeuse (Lc 5. 1-11 et Jn 21. 1-24). La première pêche, relatée par saint Luc, voit les apôtres Pierre, Jacques et Jean abandonner leurs filets pour se mettre à la suite du Christ et devenir des « pêcheurs d’hommes », afin que les âmes qu’ils auront prises dans le filet de la Bonne Nouvelle croient et soient sauvées.
B comme Basilique : la basilique Saint-Pierre, la plus grande église du monde, accueille la messe précédant le conclave. Elle sera célébrée par Mgr Giovanni Batista Re, doyen du « Sacré Collège ».
C comme Collège des cardinaux ou Collège cardinalice ou (anciennement) Sacré Collège : c’est l’ensemble des cardinaux. On en compte 242 dont 135 de moins de 80 ans. 108 ont été « créés » par le pape François. Jusqu’au XVe siècle, le Sacré Collège ne dépasse pas 30 membres. Au XVIe siècle, Sixte Quint en fixe la limite à 70. Cette proportion se maintient jusqu’en 1958, où Jean-XXIII en relève le nombre à 75 puis 88 en 1960 et 90 en 1962. Paul VI suit cette logique (105 en 1965, 120 en 1967, 136 en 1969, et 145 en 1973) et réserve le droit de vote au conclave aux cardinaux de moins de 80 ans. Au dernier consistoire (décembre 2024), le nombre de cardinaux électeurs s'élève à 140. 135 d'entre eux vont élire le successeur du pape François.
C comme Camerlingue : après la mort (ou la renonciation) d’un pape et jusqu’à l’élection de son successeur, le collège des cardinaux administre les affaires du Saint-Siège sous l’autorité du camerlingue, terme issu du mot « chambre ». Le cardinal occupant ce poste est actuellement l’Américain Kevin Farrell.
C comme Chambre des Larmes (du lat. Camera Lacrimatoria) : juste après avoir accepté sa charge, le pape à peine élu s'isole dans une toute petite pièce attenante à la chapelle Sixtine, la Chambre des Larmes (appelée aussi Salle des Larmes), pour laisser libre cours à son émotion face à l'ampleur de sa mission. Trois soutanes blanches de tailles différentes y attendent le nouveau pontife. On raconte qu’Albino Luciani, élu sous le nom de Jean-Paul Ier, y pleura à chaudes larmes, en murmurant « Que m'avez-vous fait ? Que va devenir l'Église ? » Il mourut 33 jours plus tard.
C comme Congrégations générales : qu’elles soient plénières ou restreintes, ces réunions à huis clos permettent aux cardinaux de mieux se connaître. La confidentialité y est requise. En l’absence de campagne électorale, de déclaration de candidature, les congrégations générales offrent le temps nécessaire pour que chaque cardinal puisse discerner les priorités du prochain pontificat avant de voter.
C comme Conclave (du lat. cum, avec, et clave, clé) : littéralement « endroit fermé à clé » : reclus dans la chapelle Sixtine, les cardinaux n’en sortent qu’après avoir élu le nouveau pape. De Saint Pierre (vers 30-64), choisi directement par le Christ, à Clément IV (1265-1268), 183e pape de l’histoire, on parle d’élections papales. Le mot « conclave » émerge à la suite du blocage politique survenu parmi les cardinaux à la suite de la mort de Clément IV. Réuni à Viterbe (Italie), ceux-ci vont y rester 33 mois, de fin 1268 à début 1271 ! Excédés, les autorités civiles de la ville enferment les cardinaux, réduisent leur nourriture et font même enlever le toit du palais ! En septembre 1271, les cardinaux toujours indécis délèguent leur pouvoir à six électeurs qui font le choix de Tebaldo Visconti, archidiacre de Liège, qui n’est ni cardinal, ni prêtre, et se trouve alors en croisade en Terre Sainte. Il devient pape sous le nom de Grégoire X. Élu par le conclave le plus long de l’histoire, Grégoire X promulgue la bulle Ubi periculum (1274) afin que l’élection d’un pape se déroule dans des délais raisonnables.
C comme Constitution apostolique : loi promulguée par le pape. Celle qui régit l'élection du nouveau souverain pontife remonte à 1996. On la doit à Jean-Paul II. Universi Dominici gregis (Tout le troupeau du Seigneur) limite le nombre des cardinaux à 120, leur rappelle l'obligation du secret absolu, fixe le nombre de scrutins à quatre tours par jour, deux le matin et deux l'après-midi, jusqu'à l'élection. Une majorité des deux tiers est requise jusqu'au 30e tour. Au-delà, le collège des cardinaux peut procéder soit à une élection à la majorité simple, soit à une élection sur les deux seuls noms ayant obtenu le plus de suffrages lors du tour précédent. En 2007 Benoît XVI supprime cette disposition et revient à l’élection à la majorité des deux-tiers.
C comme Curie (du lat. curia) : gouvernement de l’Église catholique. Sous l’Antiquité romaine, une curie est un groupe de citoyens organisé politiquement et religieusement. Le terme désigne ensuite n'importe quel corps organisé autour d'un pouvoir (une curie de juges, une curie municipale dans le Bas-Empire romain). À l’époque médiévale, il renvoie à la cour et à l’administration civile ou ecclésiastique. La curie romaine apparaît formellement en 1089 dans un document du pape Urbain II (1088-1099). Sous son pontificat, elle désigne l'ensemble des collaborateurs directs du pape : cardinaux, évêques, notaires, légats, juges ecclésiastiques, etc. Urbain II institutionnalise cette cour en lui donnant des fonctions précises : conseiller le pape, rendre la justice (tribunal ecclésiastique), gérer les affaires diplomatiques, préparer les décisions importantes (conciles, nominations, etc.).
D comme Doyen : la présidence du conclave échoit au doyen des cardinaux, actuellement Mgr Giovanni Battista Re. Comme il a 91 ans, le prélat italien ne pourra pas voter.
E comme « extra omnes » (« tous dehors ») : cette locution latine est prononcée par le maître des cérémonies liturgiques pour obliger ceux qui ne participent pas au conclave à sortir de la chapelle Sixtine.
F comme Fumée : le pape est élu à bulletins secrets déposés dans un calice. Après avoir dépouillé chaque scrutin, les bulletins sont brûlés dans un poêle. Si le résultat est négatif, on ajoute dans un second poêle un produit pour noircir la fumée. S'il est positif, on ajoute un produit pour la blanchir. La tradition de la fumée blanche remonte à 1878, lors de l'élection du pape Léon XIII. Avant cette date, le résultat est simplement proclamé ou annoncé à la foule de vive voix. En 1878, pour rendre l'attente plus visible à la foule des fidèles rassemblée sur la place Saint-Pierre, on introduit la combustion de bulletins de vote : fumée noire (fumata nera) : aucun pape n’est élu ; fumée blanche (fumata bianca) : un pape est élu. À l'époque, seuls les bulletins étaient brûlés mais comme cela donnait une fumée grise, source de confusions, on ajouta un produit chimique.
H comme « Habemus papam » (« nous avons un pape ») : la formule latine annonce au monde que l'Église a un nouveau pape. Elle est prononcée avant que celui-ci fasse sa première apparition à la loggia de la basilique Saint-Pierre. Le « Habemus papam » sera proclamé par le cardinal français Dominique Mamberti, protodiacre.
N comme Nomen : après l'élection, le cardinal élu annonce son nom papal à la foule de manière officielle. Ce moment survient juste après la proclamation du « habemus papam », où le nom du nouveau pape est rendu public. Le prénom que se choisit le nouvel élu donne une idée de la personne dont il se sent proche. Il ajoute le cas échéant un chiffre romain de son ordre de succession. Jean-Paul Ier (1978) prend ce nom en l'honneur de ses prédécesseurs Jean XXIII et Paul VI, de même que Jean-Paul II (1978-2005). Benoît XVI (2005-2013) rend hommage à Saint Benoît, fondateur de l'ordre des bénédictins. François (2013-2025) se réfère à Saint François d'Assise, figure connue pour son humilité, sa simplicité, son amour des pauvres et de la nature.
O comme Ordres : le Sacré Collège est réparti en trois ordres : les cardinaux-évêques, les cardinaux-prêtres et les cardinaux-diacres. Les cardinaux-évêques (4 seulement sont électeurs !) sont au sommet de la hiérarchie de l’Église. Ils sont choisis parmi les évêques des grands diocèses. L’évêque de Rome, c’est-à-dire le pape lui-même, est cardinal-évêque. Les cardinaux-prêtres sont souvent issus d’archidiocèses importants. Les cardinaux-diacres peuvent être prêtres ou évêques. Ils sont associés à l'une des diaconies de Rome.
P comme Pallium : cet ornement liturgique, porté par le pape et certains archevêques, correspond à la bande de laine blanche, généralement ornée de six croix noires, placé autour des épaules et dont les deux extrémités tombent sur la poitrine et le dos. La laine symbolise le Christ, symbole de la tendresse, du Bon Pasteur prenant soin de ses brebis. Le pallium est à l'origine un manteau porté par les empereurs romains.
P comme Papabili : ce sont les favoris pour succéder au pape défunt. Si certains cardinaux sont régulièrement présentés par les observateurs comme « papabili », l'issue du conclave est toujours imprévisible, rendant tout pronostic très hasardeux.
P comme Pape (du gr. Pappas, « père », « patriarche ») : aux premiers temps de la chrétienté, le pape désigne tous les évêques d'Occident. À partir du Ve siècle, cette appellation est réservée à l'évêque de Rome dont la primauté et le prestige tiennent à la figure de l’apôtre saint Pierre lui-même, élu par le Christ en personne. Le pape est encore fréquemment qualifié de « souverain pontife » (du lat. pontifex maximus), titre désignant dans la Rome païenne le grand ordonnateur des cérémonies religieuses. On l’appelle aussi, de manière plus familière et plus spirituelle, « saint père ».
P comme Protodiacre : il assure les fonctions cérémonielles comme l'annonce des résultats de l'élection pontificale. C’est le doyen des cardinaux-diacres.
R comme Résidence Sainte-Marthe : tardivement construite (sous Jean-Paul II), cette résidence hôtelière permet d’héberger convenablement les cardinaux électeurs dans la cité du Vatican. Ne comptant que 126 lits, on l’aménage en ce moment pour que les 135 prélats y séjournent.
S comme serment : les cardinaux électeurs enfermés en conclave jurent de garder le secret. Il en va du salut de leur âme ! Les personnes à leur service, des femmes, n’ont pas le droit de leur adresser la parole jusqu’à l’issue du vote. La scène du film Conclave (2024) d’Edward Berger, où sœur Agnès s’adresse de vive voix à tous les cardinaux, relève de la fiction.
S comme Sixtine : le conclave est abrité dans cette sublime chapelle du XVe siècle, dédiée à l’Assomption, et dont la voûte est ornée des fresques de Michel-Ange. Elle doit son nom au pape Sixte IV della Rovere qui la fait construire de 1475 à 1481. Les touristes visitant les musées du Vatican ne peuvent plus y pénétrer jusqu’à l’élection du successeur de François.
S comme Sede vacante (« siège vacant ») : période suivant la mort ou la renonciation d’un pape – pendant laquelle l’Église attend qu’un nouveau pontife soit élu.
S comme Succession : dans la très longue histoire de l’Église catholique, les successions se passent plutôt bien, si on compare cette institution aux monarchies laïques fort défaillantes sur ce point. Combien de conflits souvent longs et ruineux s’expliquent par une querelle d’héritiers ? Citons la guerre de Cent Ans (1337-1453) ou les guerres de succession d’Espagne (1701-1714) et d’Autriche (1740-1748). L’élection de Jean XXII en 1316 reste marquante. Son prédécesseur, Clément V, vient d’abroger l’ordre du Temple au concile de Vienne (1312), validant ainsi la plus grande opération de police de tous les temps menée par le roi Philippe IV le Bel. À la mort de Clément V, les cardinaux ne parviennent pas à s’entendre sur le nom du 196e pape. Par défaut, leur choix se porte sur un certain Jacques Duèze, issu d’une famille de banquiers cadurciens. Son principal atout ? Il est vieux, 72 ans. Déjà se pose la question de la durée des règnes pontificaux puisqu’en le choisissant, ils espèrent un pape de transition. Le règne « intérimaire » de Jean XXII va durer 18 ans ! Ancien évêque d’Avignon, il s’y installe jusqu’à sa mort, en 1334. Jacques Duèze est fort éloigné du discours sur la tyrannie de l’argent tenu par le pape François. Jean XXII condamne même la théorie de la pauvreté évangélique par les décrets Ad Conditorem Canonum (1322) et Cum Inter Nonnullos (1323). Pour lui, le Christ et les apôtres possédaient des biens temporels. Comme le pape aujourd’hui, entouré de toutes ses splendeurs romaines, non ?
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