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Jerzy Popieluszko

Un article rédigé par Jean Luc Moens - 1RCF Belgique, le 27 février 2024  -  Modifié le 28 février 2024

Quand on parle de saint Benoît, de saint François, de sainte Thérèse d’Avila, de saint Vincent de Paul et de tant d’autres, on a l’impression que les saints sont loin de nous, et que l’époque des saints est maintenant révolue. Mais il y a des saints qui nous disent le contraire. Le bienheureux Jerzy Popiełuszko est un de ceux-là. C’est un saint actuel. Dans ma jeunesse – je sais que je ne suis plus tout jeune ! – il fait la ‘une’ de l’actualité avec le syndicat Solidarność. Tout le monde connaissait son nom. Tout le monde s’est inquiété quand on a annoncé sa disparition. Tout le monde a été triste d’apprendre sa mort injuste. Jerzy Popiełuszko est un martyr, un témoin de notre temps, qui nous montre qu’il y a encore de la place dans le calendrier des saints pour des hommes et des femmes de notre temps. Avis aux amateurs !

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Persécuté pour sa foi :

Jerzy Popiełuszko est né le 14 septembre 1947 dans le village de Okopy en Pologne communiste occupée par les troupes soviétiques. Sa famille est pauvre, catholique et très patriotique. Son oncle maternel, Alphonse Gniedziejko, est mort en avril 1945 en lutant contre l’armée rouge. Le prénom de baptême de Jerzy est d’ailleurs Alphonse, en souvenir de cet oncle.
Popiełuszko fait ses études dans la ville voisine de Suchowola. Il sert la messe tous les jours et ne cache pas sa foi à l’école, ce qui lui vaut bien des brimades. N’oublions pas que les écoles sont aux mains du gouvernement communiste. On peut dire que quasiment toute sa vie, Jerzy Popiełuszko a vécu des persécutions pour sa foi.
À la fin de ses études, le 15 novembre 1965, il entre au séminaire de Varsovie. Il est déjà surveillé par les services de sécurité. Un an plus tard, il doit faire son service militaire dans une unité spéciale réservée aux futurs prêtres et où les officiers font tout pour pousser leurs soldats à quitter la foi. Jerzy résiste malgré les brimades et fait même plus : il renseigne les autorités religieuses sur les exactions qui sont commises dans son unité. Il est probable que les mauvais traitements répétés de ces deux années soient à l’origine de la santé fragile de Popiełuszko et du surnom de « prêtre souffreteux » qui lui sera donné plus tard.
De retour au séminaire en janvier 1970, Popiełuszko tombe malade. Sa thyroïde est atteinte. Il subit une opération chirurgicale. Il échappe à la mort de justesse.
En 1972, Popiełuszko décide de changer son deuxième prénom : il devient Jerzy Aleksander. C’est le fameux cardinal Stefan Wyszyński qui l’ordonne prêtre le 18 mai 1972.
Comme prêtre, le père Popiełuszko va avoir différentes affectations qui tiennent compte de sa santé fragile. Je ne vais pas dans le cadre de ce podcast (émission) vous les énumérer toutes. Parfois même, il s’est plaint de ne pas avoir suffisamment à faire. Il a donc pris des initiatives. Souvent il a été soumis aux brimades des services de sécurité et convoqué pour des interrogatoires. On a essayé d’en faire un informateur, mais il a refusé catégoriquement.

Auprès des malades :


Une bonne partie de sa pastorale a été tournée vers le personnel de la santé, ce qui a amené le cardinal Wyszyński à le nommer aumônier du personnel médical du diocèse de Varsovie.
En 1979, on lui diagnostique une leucémie. Il doit ralentir toutes ses activités sur ordre des supérieurs, mais il continue de se donner autant qu’il le peut.
En mai 1980, le père Popiełuszko est nommé vicaire dans la paroisse Saint Stanislas Kostka, dans le quartier varsovien de Żoliborz. Il assure aussi la fonction de chapelain du mouvement Foi et Lumière, fondé en France pour soutenir les personnes souffrant d’un handicap mental et leurs familles.
En 1980 aussi, commence une nouvelle période de sa vie : il entre en contact avec le syndicat indépendant Solidarność. Tout commence par une visite aux ouvriers en grève des aciéries de Huta  Warszawa. Avec l’accord du cardinal Wyszyński, il soutient les ouvriers grévistes et célèbre pour eux les sacrements. Après la grève, il garde le contact avec les travailleurs et continue de les suivre. Dès 1981, il est associé aux travaux de Solidarność dans sa région où il est considéré comme le chapelain du mouvement.

Résistant au communisme :


Lorsque le gouvernement communiste instaure l’état de guerre, le père Popiełuszko continue courageusement ses initiatives. Il défend les prisonniers de Solidarność, veille sur leurs familles en les soutenant tant matériellement que spirituellement. Avec l’aide d’une tante installée aux Etats-Unis, il fait venir des médicaments et sauve de nombreuses vies. Il assiste aux procès iniques intentés aux membres de Solidarność. Il est aussi invité à faire partie de la commission du Primat pour l’aide aux personnes persécutées et leurs familles. Peu à peu, il devient une personnalité de l’opposition au régime communiste. Il apparaît comme l’homme de confiance des membres de Solidarność et de leurs familles. Il veille sur les finances du syndicat en organisant un système de caches.
Ce qui va le rendre célèbre, d’abord en Pologne, puis dans le monde entier, ce sont les fameuses messes pour la Patrie qu’il célèbre chaque dernier dimanche du mois dans sa paroisse de Saint Stanislas Kostka. Il succède au père Teofil Bogucki qui avait commencé ces messes en octobre 1980. Le père Popiełuszko va célébrer 32 messes pour la patrie entre février 1982 et septembre 1984. À chacune de ces messes, il prononce une homélie soigneusement préparée avec ses collaborateurs. Il veille à parler de manière à être compris par les ouvriers qui affluent à sa messe. Il accorde beaucoup d’importance à la beauté de la liturgie.
Dans ses homélies, il cite régulièrement Jean-Paul II, le pape polonais qui a été élu sur le siège de Pierre en 1979 ainsi que le cardinal Wyszyński. Voici, par exemple, une citation du cardinal relayée par Popiełuszko :

Au cours des dernières décennies, le monde du travail a connu de nombreuses déceptions et limitations. Les travailleurs — et toute la société — ont subi en Pologne la limitation des droits essentiels de la personne humaine, la limitation de leur liberté dans le domaine de la pensée, de la vision de l'existence, de la foi religieuse, de l'éducation des jeunes générations. Tout cela, on l'a étouffé. Dans le secteur du travail professionnel on a créé un modèle de la personne réduite au silence et au travail efficace… 

 

Popiełuszko dénonce aussi les répressions policières et l’asservissement de la nation polonaise. Bientôt des milliers de fidèles se bousculent aux messes qu’il célèbre. Des personnes se convertissent, reviennent à la foi. Des membres de Solidarność y viennent de toute la Pologne. Évidemment, la surveillance policière du père Popiełuszko s’accentue. Le gouvernement fait pression sur les autorités de l’Église pour mettre le père Popiełuszko au pas, c’est-à-dire lui interdire de donner ses homélies. Une campagne de diffamation est organisée visant à le discréditer auprès du cardinal Józef Glemp. Dans les pourparlers entre le gouvernement communiste et l’Église polonaise, les politiciens veulent conditionner le libre fonctionnement des institutions ecclésiales à l’interdiction pour le père Jerzy de prononcer ses sermons. Tout cela montre bien combien le régime a peur de ce prêtre qu’on surnomme le « prêtre souffreteux ».
Le 12 décembre 1983, le père Jerzy se rend de son plein gré à un interrogatoire au commissariat central de la milice à Varsovie. Il y est accusé de subversion. Les autorités considèrent qu’il abuse de la liberté religieuse pour faire de la propagande anti-gouvernementale. Pendant l’interrogatoire, le service de sécurité visite son petit appartement et y trouve du matériel prétendument subversif et même des munitions et des explosifs. C’est évidemment un coup monté. Mais le père est néanmoins libéré.

Un prêtre qui fait polémique :


Dans l’Église catholique elle-même, Popiełuszko ne fait pas l’unanimité. Plusieurs lui reprochent d’être à l’origine des relations difficiles entre l’Église et l’état.
Toute cette situation va conduire à l’acte final : l’assassinat du père Jerzy Popiełuszko par les sbires des services de sécurité. Le 19 octobre 1984, il rentre d’une visite pastorale quand sa voiture est arrêtée par un véhicule banalisé de la police. Le père est mis dans le coffre. Son chauffeur arrive à s’échapper. Le père est ensuite torturé jusqu’à ce que mort s’en suive. Son corps est jeté dans un réservoir de la Vistule. C’est là qu’il sera découvert, méconnaissable, grâce aux aveux de ses tortionnaires.
Les funérailles du père Jerzy Popiełuszko se déroulent le 3 novembre 1984 dans sa paroisse de St Stanislas Kostka devant 150.000 personnes. C’est un événement relayé par les médias du monde entier. En 1987, le pape Jean-Paul II est venu prier sur sa tombe, comme des milliers de pèlerins avant lui.
Le père Jerzy Popiełuszko a été béatifié comme martyr le 6 juin 2010.
Il fait partie des innombrables martyrs du XXe siècle qui a été, sans aucun doute, le siècle qui a vu le plus grand nombre de martyrs chrétiens.
Le martyre du père Popiełuszko me fait penser à une phrase du cardinal Dolan, archevêque de New York, au président Obama lorsque les Etats-Unis ont promulgué des lois obligeant les institutions catholiques à poser des actes contre la morale de l’Église. Il lui a dit : « L’Église n’est jamais aussi dangereuse que quand elle est persécutée ! »
Depuis 2.000 ans, les chrétiens sont persécutés par des régimes qui ont peur de l’Église et qui veulent l’éliminer. Pourtant, aucun de ses régimes n’est arrivé à ses fins. La persécution, au lieu de tuer l’Église, la réveille au contraire, comme on le voit dans la Pologne du père Popiełuszko. Cependant il y a un autre danger plus pernicieux que l’on constate dans nos sociétés occidentales : c’est l’affadissement de la foi par contagion de l’esprit du monde. Demandons l’intercession du bienheureux père Jerzy Popiełuszko pour que nous préservions dans notre foi face à tous les dangers qui la guette.

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