L'enfant et l'écran de 1980 à aujourd’hui
À la fin des années 60, la télévision se généralise dans les foyers belges. Son effet sur les enfants est alors déjà questionné. 50 ans plus tard, les écrans ont changé mais les questionnements restent les mêmes.
Photo : CanvaNouvelle génération, mêmes questions
Dans les années 80, on s’inquiétait déjà du temps passé par les enfants devant la télévision. Dans un reportage de l’époque, Jean-Paul Ghyselings, rapporte que 70% des enfants sont devant la télé tous les jours pendant une heure et demie à quatre heures en fonction des jours. Et ce même chez les tout-petits. Si la plupart des parents trouvent cela regrettable, 80% d’entre eux pensent également que la télévision ouvre l’esprit de leur enfant et leur apprend des choses.
« Quand la télévision est apparue, on s'est posé exactement les mêmes questions que celles qu'on se pose actuellement par rapport aux écrans individuels qui sont véhiculés par les smartphones. Qu'est-ce que ça fait sur les mécanismes d'attention de l'enfant ? Quelles sont les conséquences sur son sommeil et sur son exposition à la violence ? » commente Bruno Humbeeck, Professeur à l’UMons, psychopédagogue et docteur en sciences de l'éducation. Cependant, il faut noter que les interrogations concernant les enfants sont tout aussi valables pour nous, adultes.
Télévision et smartphone, pas le même combat
L’une des grandes différences entre télévision et smartphone est l’accessibilité. Contrairement au smartphone, la télévision ne nous accompagne pas partout où nous allons. De plus, le smartphone nous envoie continuellement des notifications pour capter notre attention. « Ce qui a rendu le smartphone aussi nocif, c'est qu'il a été pris d'assaut par des entreprises qui ont fait de l'attention humaine un objet commercial », constate Bruno Humbeeck.
De plus, le smartphone nous sépare, chacun est devant son écran, là où la télévision était davantage un espace collectif avec des rendez-vous familiaux. Cela permettait aussi aux parents d’être mieux au courant de ce que leurs enfants regardaient.
L’effet des écrans sur le cerveau
Comme Bruno Humbeeck nous l’explique dans « L’Echo des Archives », le cerveau de l’enfant n’est pas modifié par les écrans et leur capacité à faire voyager dans l’espace et le temps. « Un enfant a cette plasticité qui lui permet de gérer des technologies sans en faire quelque chose de magique qui perturbe ses manières de penser. »
Cependant, les écrans de smartphone nous donnent un nouveau rapport aux informations que nous recevons en continu, que nous devons enregistrer de manière toujours plus rapide. La réception de l’information, sa vision en image et son analyse, processus qui était autrefois en plusieurs étapes, se fait aujourd’hui en une seule fois.
Le risque devient alors de penser avoir compris une information et de pouvoir l’expliquer alors que nous n’avons pas pris un temps suffisant pour l’analyser et la comprendre. C’est cela qui est perturbant pour l’enfant qui doit apprendre à capter les informations de manière consciente et critique. C’est cet acte cognitif complet qui est perturbé par la présence des écrans.
Pousser à l’érudition
Selon Bruno Humbeeck, l'école et la famille doivent pousser à l'érudition. « Les enfants et les adolescents ont plus de capteurs d’informations que les adultes et ceux-ci tournent à plein régime. Ça signifie que si vous les bombardez d'informations, ils en prennent énormément. »
Pour aider l’enfant à développer les interconnexions entre les informations récoltées, Bruno Humbeeck propose par exemple de demander à l’enfant de décrire le monde dans lequel se déroule son dessin animé préféré et de le comparer à notre monde. L’enfant pourra ensuite entrer dans un processus d’analyse qui pourra être créatrice en racontant un épisode ou en inventant une histoire avec ses héros.
Cela permet à l’enfant de « réaliser une opération cognitive complète qui a trait à l'érudition. L'érudition, c'est en fait creuser les savoirs, ne pas se contenter du recueil des informations, vérifier leur validité. Qu’en pense-t-on ? Que ressent-on par rapport à ça ? »
Apprendre face à l’écran
Aujourd’hui, selon Bruno Humbeeck, les enseignants ont deux concurrents qui détiennent une certaine manne de savoir : Wikipédia et les intelligences artificielles. L’utilisation de ces outils doit être réalisée de manière critique par l’enfant qui devrait, selon le professeur, toujours s’assurer de la véracité des informations obtenues et pouvoir exprimer son propre avis sur ces informations.
Le trouble de l’inattention
Si l’on entend de plus en plus parler de troubles de l’attention, Bruno Humbeeck quant à lui parle de trouble de l’inattention. « Nos enfants ne sont plus capables d'être inattentifs parce qu'ils ont une attention qui est constamment focalisée et qu'ils reçoivent constamment des notifications. Le vagabondage mental, la songerie, le fait simplement de pouvoir laisser son esprit librement est devenu une activité quasiment impossible à réaliser. »
Ce vagabondage mental est une façon de nous ressourcer. C’est d’ailleurs ce que fait notre cerveau quand nous nous promenons en forêt ou que nous lisons un livre. C’est aussi cela qui est à l’origine des formes performantes d’intelligence humaine. « Un enfant qui est dans la lune, c'est un enfant qui montre une capacité de résistance face à cette idée d'être constamment sollicité. »
L’importance des lieux déconnectés
Pour Bruno Humbeeck, il faut que nous réapprenions à avoir des lieux déconnectés. L’école en est d’ailleurs devenue un avec l’interdiction de l’usage récréatif et ludique des smartphones. Les premiers résultats de cette interdiction sont d’ailleurs encourageants « sur la manière dont l'attention redevient mobilisable pour des matières scolaires et sur le bien-être des élèves. La famille doit prendre le relais maintenant en établissant à l'intérieur de la maison des endroits déconnectés. » L’objectif étant de restaurer ces mécanismes d'attention et ce bien-être associé à la capacité qu'a notre cerveau de se ressourcer en maintenant une forme d'inattention lui permettant de ne pas être en état d'alerte permanent.
L’Écho des archives est une émission produite en collaboration avec la Sonuma.
Bruno Humbeeck est psychopédagogue et professeur à l’UMons. Il est également auteur d'un grand nombre de livres dont « Moins d’écran, plus de lien » (Racine, 2025) et « La violence au jour le jour » (Genèse Éd. 2024).


Depuis des décennies, radios et télévisions belges francophones ont produit des milliers d’heures d’émissions devenues de véritables témoins de l’histoire. Ce patrimoine audiovisuel, sauvegardé et numérisé par la SONUMA, constitue une mémoire vivante de notre identité culturelle.
Avec L’écho des archives, RCF Liège propose de redécouvrir ces trésors sonores en lien avec la vie de l’Église catholique et l’évolution de la société belge. L’émission, pilotée par Laurent Verpoorten, réunit chaque semaine des invités pour écouter, analyser et mettre en perspective ces documents.
Grâce à une approche dynamique et accessible, L’écho des archives crée des ponts entre le passé et le présent, invitant les auditeurs à réfléchir à l’actualité à la lumière de l’histoire.
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