La robustesse face à la performance
Ces deux dernières années, nous entendons parler de plus en plus de robustesse pour remplacer le culte de la performance. Ce principe, théorisé par le biologiste français Olivier Hamant, pourrait nous permettre de créer un monde plus durable.
Graphique l'éducation à la Robustesse d'Olivier HamantLa robustesse, ce n’est pas être fort et efficace, c’est plutôt être capable de faire face et de se relever. Olivier Hamant la définit comme le fait de maintenir à court terme un système stable et qui reste viable sur le long terme, pour faire face à un monde qui, lui, est instable.
Le procès de la performance
Le monde dans lequel nous vivons est résolument celui de la performance. Un monde dans lequel il nous est demandé de faire toujours plus avec toujours moins. Olivier Hamant fait le procès de ce monde en lui opposant quatre faiblesses importantes.
La première est que l’optimisation finit par fragiliser le système. Pour expliquer cela, il prend l’exemple du canal de Suez. Celui-ci a été construit pour optimiser la route des porte-conteneurs entre l’Asie et l’Europe. Or, en 2021, un porte-conteneurs s’est retrouvé bloqué en travers du canal, empêchant la navigation de continuer. C’est alors que l’Europe s’est rendu compte de sa dépendance à ce canal et à l’Asie pour des aspects importants de la vie, comme la production de médicaments, par exemple.
Seconde critique : l’effet rebond. Lorsque l’on pense consommer moins, on finit par consommer plus. L’exemple pris ici est celui des frigos, devenus plus performants et individuellement moins énergivores depuis les années soixante. Cependant, la consommation totale des frigos est aujourd’hui plus importante qu’il y a soixante ans.
La troisième critique lui vient de la loi de Goodhart, qui dit ceci : “quand une mesure devient une cible, elle cesse d’être fiable.” Les outils de mesure de performance sont donc toxiques. Enfin, la performance a un coût, qui est payé par les écosystèmes. La crise socioécologique serait alors le produit de notre performance.
Faire face aux fluctuations
Si vous vous attardiez à lire les nombreux rapports sur l’état de notre monde, vous remarqueriez qu’un mot en particulier revient dans chacun d’eux : fluctuations.
Nous vivons en effet dans un monde rempli de fluctuations, que ce soit au niveau du climat, de la géopolitique ou des crises sanitaires. Nous devons donc apprendre à vivre au rythme de ces fluctuations sans avoir besoin d’être résilients. La résilience étant le fait de se relever, elle implique d’être tombé. À l’opposé, la robustesse nous propose d’être moins performants pour pouvoir faire face sans tomber.
Le vivant fait de la robustesse
Pour comprendre ce qu’est la robustesse, Olivier Hamant nous propose d’observer le vivant, présent sur la Terre depuis des millénaires. L’exemple le plus parlant de la robustesse dans le vivant est la température de notre corps. Notre température habituelle est à 37°, cependant, celle à laquelle notre corps est le plus performant est 40°. Une température qui peut nous être fatale en quelques jours.
Ce qu’explique le biologiste, c'est qu’à 37°, notre corps fonctionne suffisamment bien et garde une marge de manœuvre en cas de besoin. Il peut alors faire face à des fluctuations, ici la présence de virus indésirables.
Les êtres vivants sont donc contre-performants. “La performance dans un monde qui change tout le temps, c’est suicidaire,” explique Olivier Hamant. “Les êtres vivants, ils font de la robustesse.”
Vers un monde plus robuste
Pour Olivier Hamant, nous avons donc tout intérêt à faire la transition d’un monde de la performance vers un monde de la robustesse. Une transition qui est par ailleurs déjà en cours. L’agriculture passe de l’industrielle à l’agroécologie, on voit fleurir les ateliers de réparation et les coopératives.
Alors, comment être chacun un peu plus robuste ? Pour cela, vous pouvez augmenter la diversité de vos activités ou avoir des objets réparables par vos soins, par exemple.
Ces gestes, et une transition générale de la performance à la robustesse, ne peuvent qu’être positifs, à en croire Olivier Hamant. “On est en train de quitter le monde des burn-out des humains et des écosystèmes,” dit-il. Ce nouveau monde est beaucoup plus riche en interactions. “La robustesse peut également apporter une reconnexion au vivant et une réponse à l’écoanxiété. “Il n’y a pas grand-chose à regretter de la performance.,” conclut le biologiste.


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