D'ingénieur à comédien, quand une révélation change la vie

Le jour où sa tête a quitté le bureau pour choisir la scène

S’il garde un souvenir ému de sa première expérience de spectateur découvrant Cyrano à la Comédie française quand il avait sept ans, notre invité n’a jamais entretenu de passion particulière pour cet art. Les études scientifiques sont venues poursuivre une scolarité marquée par un goût pour les mathématiques. Olivier avoue avoir choisi le cursus d’ingénieur sans conviction particulière, si ce n’est d’entretenir sa curiosité des nombres et des calculs. Son milieu professionnel lui convenait, il ne songeait pas à en changer. C’est un hasard qui l’amena à reconsidérer la question. Deux heures lui ont suffi pour s’imaginer un nouvel avenir.

Un samedi midi, sa fille de 10 ans lui demanda de l’emmener voir la représentation théâtrale de sa copine. Le papa qu’il est n’avait pu le lui refuser même si ce programme d’après-midi ne le motivait guère. Après le passage des plus jeunes sur scène, la représentation de l’atelier adulte lui déclencha une surprenante émotion physique. « Un appel », dit-il. Il passa un an auprès du comédien – metteur en scène qui avait monté les pièces de ce samedi après-midi inoubliable. Un an d'atelier pour adulte n'avait pas étanché sa soif de scène, alors il intégra la troupe professionnelle du metteur en scène et apprit à ses côtés le travail de comédien. Il mena ainsi une double vie d’ingénieur et comédien, et cela pendant une dizaine d’années. 

Lors d’une audition, il fit la rencontre d’une comédienne qui deviendra sa fidèle partenaire de pièce, Nathalie Comtat. Leur binôme platonique fonctionnant bien sur scène, ils montèrent ensemble la Compagnie du Nouveau Monde en 2015. Depuis, ils ont joué ensemble quatre pièces (dont La Deuxième mort de Laura Belle, écrite de la plume d’Olivier) et ont participé plusieurs années au Festival d’Avignon. Toutefois, leur travail ne se résume pas qu’à cela, Nathalie et Olivier font découvrir le théâtre aux collégiens au travers de pièces classiques revisitées ou de l’adaptation de l’œuvre contemporaine Intra Muros d’Alexis Michalik. Ils interviennent aussi en entreprise pour des ateliers d’expression ou auprès d’adolescents avec des « labos » de création. 

La vie de comédien, loin de l'oisiveté

À ceux qui pensent qu’être comédien ressemble à une vie oisive ne tenant qu’à la chance des bonnes rencontres, notre invité répond qu’être comédien est un vrai travail tant par l’apprentissage de techniques et de textes, l’entretien du corps, le temps de répétition, que par l’investissement à se faire connaître des metteurs en scène, des gestionnaires de salle… C’est un métier qui demande un grand engagement, de la discipline et de l’exigence pour en vivre. C’est un métier qui ne laisse pas vraiment de place à l’improvisation. Même l’improvisation se travaille !

A chacun sa voie pour devenir comédien

En France, devenir comédien, dans la plus grande majorité des cas, veut dire être intermittent du spectacle. Il s’agit d’un régime professionnel regroupant les artistes, ouvriers ou techniciens travaillant dans le domaine du spectacle ou de l’audiovisuel, embauché en Contrat de Travail à Durée Déterminée (CDD) ou en Contrat de Travail à Durée Déterminée d’Usage (CDDU). Ce régime unique permet de garantir une certaine sécurité, à condition de justifier 507 heures de travail durant les 12 derniers mois. Toutefois, nombre de jeunes comédiens trouvent de petits emplois entre deux cachets, deux projets.

Devenir comédien ne demande pas d’obligation de certification ou de diplôme. On peut apprendre sur le tas, par des ateliers et des compagnies comme Olivier, ou par les cours d’un conservatoire comme Nathalie. Sans avoir besoin de partir rejoindre de grandes écoles parisiennes, nous avons la chance d’être dans une ville de théâtre comptant des dizaines de salles à l’année et quelques écoles de théâtre dont celle de Jacques Lecocq descendue de la capitale ou la toute nouvelle IIASA (Institut International des Arts du Spectacle d’Avignon) parrainée par Daniel Auteuil au théâtre du Chêne Noir, sans oublier le conservatoire régional de la ville. Avignon reste une place de choix dans le réseau du théâtre où il est facile de se faire une place dans ce monde du théâtre à taille humaine. Quelle plus belle ville pour se faire remarquer qu’Avignon en juillet? Il est vrai que la concurrence y est omniprésente et qu'il faut disposer de moyens pour s’offrir une scène, mais le festival regroupe les professionnels, les programmateurs, le chercheurs de talents et un public pour le moins divers!

Notez, pour les plus jeunes, que le collège Viala propose une classe à horaires aménagés en lien avec le conservatoire d’Avignon ! Sachez aussi que le lycée Mistral propose une option et une spécialité Théâtre, montant des pièces avec des professionnels, étudiant des textes, se rendant régulièrement à des représentations de pièces sur les scènes locales et organisant une semaine d’immersion dans le Festival chaque année. Leur section préparatoire Khâgne / Hypokhâgne propose elle aussi une option théâtre dans cette même démarche.

(NDLR) Retrouvez Olivier et Nathalie au festival!

Je vous conseille d'aller voir ces deux comédiens sur scène pendant le festival d'Avignon au Théâtre du Grand Pavois, chaque soir à 20h35, du 05 au 26 juillet (relâche le mercredi), pour leur pièce "La deuxième mort de Laura Belle". Ce thriller prenant a connu un très beau succès lors de leur dernier festival en 2023. Jusqu'à la scène finale, l'enquête semble bien impossible à résoudre!