C’était une première, le lundi 16 décembre dernier : le tribunal administratif de Marseille mettait en cause la «carence fautive» de l’Etat dans le cas de pollutions historiques dans les calanques - associations et riverains avaient porté plainte contre l’inaction de l’Etat. Explications avec Chloé Henry-Biabaud, réalisatrice du documentaire “Calanques, les usines du bout du monde”.
"Ce coin nous faisait rêver", confie Chloé Henry-Biabaud, réalisatrice du documentaire “Calanques, les usines du bout du monde”. Mais en arrivant à l'Escalette puis aux Goudes, la jeune femme découvre peu à peu la réalité : "à l'Escalette, il y avait une ancienne usine de plomb et tous les sols ont été contaminés, tout le monde le sait mais personne n'en parle", poursuit-elle.
Pendant près de deux siècles, ce paysage de carte postale a en effet été le lieu d'implantation d'une douzaine d'industries, parmi les plus polluantes de Marseille. Aujourd’hui encore, on peut y voir scories et cheminées rampantes saturées de métaux lourds, témoins de ce pan de l’histoire de la ville volontairement oublié.
"49 hectares du Parc National des calanques sont contaminés", affirme la réalisatrice, reprenant les propos de Carole Barthélémy, maître de conférences en sociologie Aix-Marseille Université, qu'elle interviewe dans son documentaire. "Il y a des endroits où il y a de véritables crassiers, où on atteint parfois plus de 1000 fois le seuil admissible à la contamination aux métaux lourds", poursuit-elle. C'est ce que l'Etat va notamment être obligé de dépolluer d'ici juin 2028 dans le cadre de sa condamnation en décembre dernier pour "carence fautive" dans cette affaire. Une plainte contre X avait été déposée par les associations de riverains pour mise en danger de la vie d’autrui en 2019.
"Les riverains, qui sont très attachés à ce lieu, ont accompli un travail incroyable depuis des années", poursuit Chloé Henry-Biabaud, "certains craignent que la dépollution se fasse dans des mauvaises conditions". La réalisatrice mentionne notamment un projet immobilier sur l'ancien site industriel de l'usine de Legré-Mante : "il existe une énorme pression sur ce territoire", précise-t-elle, "et l'hypothèse de creuser des parkings à cet endroit risque d'aggraver la pollution".
Même si l'Etat a été condamné, aucune compensation n'a pour l'instant été définie pour les riverains de ces anciennes usines polluantes. "Il est très difficile d'établir un lien concret", insiste Chloé Henry-Biabaud, qui explique avoir sollicité les avocats ayant défendu le cas des riverains des usines de Fos-sur-mer. "Déjà, le fait de reconnaître qu'il y a eu un préjudice est très important pour les riverains", conclut la réalisatrice, "on réalise peu à peu qu'on ne peut pas faire n'importe quoi avec ces terres".
“Calanques, les usines du bout du monde” : un documentaire à revoir sur la plateforme FranceTV.
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