Aurélia et le policier, une histoire de fraternité
Contemplation, une chronique de l'émission Commune Planète - Retrouvez cette chronique dans l'émission Commune Planète du 5 juin, sur le thème 'Laudato Si', une feuille de route pour le monde d'après?'
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Je voudrais aujourd’hui vous raconter un joli moment vécu pendant le temps si lourd, pour certains, du confinement. La scène se passe sur la place d’un marché généralement très animée. Ce jour-là, elle est déserte ou presque. Seul un petit groupe de sans-abri canettes à la main parle fort. Je les ai rejoints car j’ai l’autorisation de poursuivre mes visites dans la rue malgré la pandémie.
Pour les gens qui vivent dehors, la situation est particulièrement rude : le sentiment d’être abandonné dans une ville fantôme et la difficulté à récolter quelques pièces pour calmer les manques. Nous échangeons des nouvelles, je leur partages les infos utiles grappillées auprès des associations ou entendues à la radio. Comme souvent avec eux l’humour prend vite le dessus et nous rions ensemble.
Deux policiers en scooter s’arrêtent près de nous. Sans descendre de leurs engins, ils viennent vérifier si notre présence ici est légale. Nos statuts : SDF ou bénévole semblent leur convenir. C’est alors qu'AurÄlia, jeune femme sans domicile, ose une question : 'Et vous, vous vivez comment tout ça ?'
'- Je suis comme vous, répond un policier, je suis inquiet. J’ai une famille, des enfants… pour l’instant, ça va, personne n’est malade chez moi.' Chacun acquiesce, manifestant sa compréhension. Alors il poursuit : 'Je comprends bien votre situation, je sais que vous n’avez pas le choix, mais c’est compliqué pour moi. Je verbalise ceux qui ne respectent pas le confinement et vous, vous êtes là en groupe, au soleil. Je suis obligé parfois de vous demander de vous disperser, j’en suis désolé.' Un homme lui répond : 'Vous êtes quelqu’un de bien.' Et tous approuvent.
Cette scène m’a touchée. Il y avait d'un côté les forces de l’ordre en uniforme casque sur la tête et de l’autre des gens qui mendient, qui n’ont ni domicile, ni masque, ni gants pour se protéger de la pandémie. Pourtant à la question sincère d’Aurélia, le policier a répondu avec humilité, en parlant vrai. C’est là qu'a eu lieu un petit miracle : la compassion des plus fragiles pour un homme en apparence si fort. Cet échange a ensoleillé ma journée. Oui, quand des personnes au premier abord si éloignées osent se parler en vérité, la fraternité devient possible, chacun en ressort grandi.
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