À Lyon, sur les traces de saint François de Sales
Au cœur du quartier d’Ainay, la discrète église Saint-François-de-Sales nous rappelle le souvenir de l’un des plus célèbres évêques francophones du XVIIe siècle. Naturellement associé à sa Savoie natale et à son diocèse d'Annecy, « l’apôtre de la douceur » a aussi bien connu Lyon, où il mourut en 1622.
Portrait de saint François de Sales © Wikicommons FinoskovAîné d’une famille de la moyenne noblesse savoyarde, François de Sales fit des études de droit à Paris où il fut mis en contact avec la théologie réformée de Jean Calvin. Il vécut alors un épisode de conversion intérieure et de consécration personnelle à Dieu qui l’amena ensuite à abandonner la brillante carrière familiale pour entrer dans le sacerdoce. Rattaché au diocèse de Genève, on lui confie une difficile mission d’évangélisation dans le Chablais, alors presque entièrement dominé par les calvinistes. Il y développa sa méthode de controverse, seulement armé de sa Bible et de quelques livres de théologie.
« Nous devons vivre selon la règle chrétienne, de telle sorte que nous soyons […] enfants de Dieu non seulement de nom, mais encore d'effet. […] Il faut renverser les murs de Genève par des prières ardentes, et livrer l’assaut par la charité fraternelle. C’est par la charité que doivent frapper nos têtes de ligne. […] En avant donc et courage, excellents frères, tout cède à la charité, l’amour est fort comme la mort, et à celui qui aime, rien n’est difficile. » Harangue pour la prévôté, 1593
Afin de toucher un large public, il faisait imprimer des sermons sur feuilles volantes, invitant à la controverse, ce qui lui vaudra d’être proclamé saint patron des journalistes en 1923. Ses efforts connurent finalement un succès notable, qui lui valurent d’être appelé à prendre la succession de l’évêque de Genève en 1602. La cité ayant été transformée par Calvin en « nouvelle Rome des calvinistes », ses évêques résidèrent à Annecy jusqu’en 1821. Il mènera une intense activité de réforme de l’Église, au niveau local et international. Il est surtout resté célèbre pour ses écrits spirituels, dont l’Introduction à la vie dévote, parue en 1609, qui connut un très grand succès jusqu’à nos jours avec plusieurs centaines d'éditions françaises.
Saint François de Sales et Lyon
Entre Paris et la Savoie, alors indépendante, Lyon est un lieu de passage fréquent pour François de Sales. Dans les années 1610, il fonde avec Jeanne de Chantal l’Ordre de la Visitation, dont l’implantation à Lyon jouera un rôle important dans la genèse de son organisation. Ce deuxième couvent de la congrégation s’installe en Presqu'île, entre la rue Sala, la rue Sainte-Hélène et la future rue Saint-François-de-Sales, et connut un si vif succès que deux autres fondations lyonnaises furent rapidement mises en œuvre, dont une à l’Antiquaille.
Étant devenu l’une des figures les plus en vue du clergé francophone, « Monsieur de Genève » passait souvent par Lyon, entre visite des couvents de son tout nouvel ordre ou missions diplomatiques et ecclésiales. Ainsi à l'hiver 1622, affaibli, il s’installa dans la chambre du jardinier du couvent des visitandines, à l’angle de la rue François-de-Sales et de la rue Sainte-Hélène. Cette maisonnette en bord de rue permettait de recevoir de nombreuses visites sans trop déranger les sœurs. C’est là qu’il mourut le 28 décembre. Ses obsèques eurent lieu le 24 janvier, c’est la date retenue pour sa fête liturgique lors de sa canonisation en 1665. Deux siècles plus tard, saint François de Sales fut proclamé docteur de l’Église pour ses écrits spirituels en 1877.
Les Lyonnais auraient aimé conserver son corps, mais les Savoyards obtinrent finalement le retour de sa dépouille à Annecy où elle est toujours exposée à la vénération dans la basilique de la Visitation. Ses filles spirituelles conservèrent néanmoins de nombreux souvenirs. Suite à la destruction du couvent au début du XIXe siècle, son cœur fut emporté par les dernières sœurs en Italie, tandis que des objets moins précieux et trop encombrants furent laissés à Lyon puis déposés en 1818 dans la petite chapelle Sainte-Marie-Madeleine, à quelques pas de son lieu de mort. Cette chapelle fut ensuite agrandie pour devenir l'église actuelle qui porte désormais son nom.
À côté d’un beau reliquaire d’Armand Caillat contenant un fragment de côte du saint, on compte des instruments liturgiques - aube, manipule, mule - ou des objets du quotidien - coupe, draps et matelas de voyage… Il faut également remarquer ce modeste reliquaire en bois peint contenant un gant de Saint Charles Borromée, pour lequel François de Sales avait une grande dévotion, ayant pris le saint archevêque de Milan pour modèle de son propre épiscopat. Conservés précieusement par les religieuses, ces reliques et souvenirs du saint savoyard sont exposés aujourd’hui dans l’église Saint-François-de-Sales (rue Auguste Comte) dans une grande vitrine proche de l’entrée. Ils sont l’occasion d’approcher le concret de sa vie quotidienne, donnant encore un peu plus de consistance humaine à ses écrits spirituels.
Lyon, Saint-François-de-Sales, vu du dôme © C.Savary