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RCF Le billet d'humeur de Luc : Entre sinistrose et déréliction
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Le billet d'humeur de Luc : Entre sinistrose et déréliction

Un article rédigé par Luc Ziegler - RCF Loiret, le 25 mai 2022  -  Modifié le 17 juillet 2023

Pourquoi la Société française a-t-elle le sentiment du déclassement, l’obsession de la régression qui la fait tanguer le jour et qui l’obsède la nuit ?

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A lire ou entendre la presse écrite ou audiovisuelle, les enquêtes, les lettres de l’étranger, on constate que les Français passent bien du temps à se plaindre, à critiquer leurs dirigeants, à se déconsidérer ou à se prendre pour les mal-aimés de la terre.
Les Français ont-ils vraiment de bonnes raisons de se sentir frustrés, pessimistes, incompris au point de se réfugier dans la sinistrose et d’éprouver un sentiment de déréliction ?

Les voisins qui nous observent en Europe ou en Amérique restent perplexes devant ce « mal français » qui dure puisqu’il a été identifié par Alain Peyrefitte dans son essai éponyme publié en 1976…
Les Allemands ont une formule plutôt flatteuse quand ils disent : « Heureux comme Dieu en France »…
Les Anglais par la voix de l’Economist ont porté le diagnostic : « La France va bien, mais elle se sent malheureuse »
Aux USA, le New York Times surenchérit : « Les Français vivent du malheur comme les Anglais de la famille royale… »
On sent dans la formule une pointe d’ironie visant à titiller l’amour propre hexagonal.

Pourquoi, aux yeux de l’étranger, nombre de Français se comportent-ils comme des enfants gâtés insatisfaits en refusant de prendre en compte l’évidence des réalités internes comme internationales ?
En effet, nombre d’indicateurs montrent que la France dispose d’atouts indéniables pour contredire le discrédit et le déclin français :

Le chômage recule depuis plusieurs années, le PIB a retrouvé son niveau d’avant la pandémie, même l’inflation qui repart dans les démocraties occidentales reste, en France, inférieure à celle de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Espagne.
Autrement dit, quand on se regarde, on se désole vraiment, en se comparant, on a de quoi se consoler au moins partiellement…

Par ailleurs, les principaux indicateurs de développement sont formels : L’espérance de vie continue d’augmenter en France, ce qui n’est plus le cas au Royaume Uni ou en Amérique.
Le modèle social français, très protecteur, n’est pas sinistré, contrairement à ce que prétendent les Cassandre de toute nature. Il corrige un certain nombre d’inégalités de revenus. Sous diverses formes de redistribution, il accompagne les moins aisés et les plus démunis dans leur quête de dignité.

Autre paradoxe, les Français sont convaincus de vivre dans une société inégalitaire; or, quand on les interroge, ils affirment, pour la majorité d’entre eux, faire partie de la sacro-sainte classe moyenne…Alors, que dire de ce penchant pour la morosité, éprouvé par les Français au pays de l’Etat-providence conçu pour être davantage enclin à contribuer au bonheur plutôt qu’à plonger le citoyen dans le désarroi et la déprime ?

Comment expliquer le phénomène ?

Un indéniable sentiment de défiance habite nombre de Français.

En quelques décennies, les rapports de confiance interpersonnels ont été modifiés : perte progressive du sens civique ; altération du vivre-ensemble; l’adhésion aux institutions s’est estompée. La considération et l’engagement pour la politique, à travers ceux qui la représentent, ont également subi le même sort.

Certains commentateurs soulignent un déficit de « corps intermédiaires » : ils sont insuffisants dans la société française; pourtant, le tissu associatif est consistant; il est vivant, il est actif : il mobilise beaucoup de bonnes volontés et nombre de personnes, notamment retraitées, qui se mettent au service de causes généreuses et désintéressées, là où s’exprime une intelligence sociétale.

Certes, la France souffre de son centralisme politique et administratif. C’est Gulliver empêtré… Il n’y a pas qu’à l’Education Nationale que le mammouth doit être dégraissé.

Certains Français, sans doute plus individualistes qu’il y a 30 ou 40 ans, sont allés chercher dans l’argent et le matérialisme ce qu’ils n’ont pas trouvé ailleurs pour assurer leur sécurité et conforter leur bien-être… Curieusement, c’est de ceux-là dont on parle davantage, alors que ceux qui agissent discrètement au service de leurs concitoyens démunis ou à statut précaire sont moins sollicités par les médias. Surtout, ils vivent moins égoïstement, moins ostensiblement.

La France du XXIe siècle vit-elle encore, près de 400 ans après, dans la nostalgie de sa grandeur passée quand elle dominait l’Europe et que Louis XIV en était le Soleil ?
Si tel est le cas, il appartient aux Français, habités par les critiques ou les récriminations, de faire le deuil de cette vieille lune nostalgique et de regarder davantage autour d’eux.

La France mérite de se réconcilier avec elle-même pour mettre en harmonie ses humeurs décalées  avec les réalités d’un monde qui change trop vite pour qu’elle se permette de faire du sur place, en attendant des jours meilleurs.

Luc  Ziegler

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