« Il est plus que temps de retrouver le sens de l'excès »

«  Mes lectures vagabondes de la semaine passée, m'ont fait croiser un propos de Gustave Flaubert d'une actualité brûlante : "J'ai peur du corset moral voilà tout ". La remarque extraite des correspondances de 1850 n'a pas pris une ride.
Certes, les élégantes ont jeté aux poubelles de l'histoire, comme un signe de libération, ce corset qui les enserrait plus que physiquement. Cependant aujourd'hui, les interdictions et les injonctions physiques ou morales pleuvent de toutes parts. Au nom delà bienséance ou de la bien bien-pensance, elles nous corsètent, rajoutant jour après jour une baleine supplémentaire au carcan moral qui veut au nom de je ne sais quel conformisme importé d'outre Atlantique, nous réduire à un modèle unique prompt à confisquer notre liberté d'agir et de penser.
Ah !les gendarmes du quotidien!
À peine êtes vous levé, qu'il vous faut ,sous la douche éviter le paraben,augmenter l'acide hyaluronique....et s'il vous plaît, doucement sur l'eau. Au petit déjeuner fini pain beurre et croissant chaud! Allons allons, plus de fibres, moins de sucre, et pas de gras...Alors, le croissant dehors!
À midi même chose, quand au petit coup de rouge, Mesdames et messieurs deux verre pas plus, dans la journée...Je vous fais grâce de ce que l'on vous raconte, sur la peinture, la voiture, ou l'eau du robinet ...
Cerise sur le gâteau, ce balisage du champ des comportements, n'a d'égal que celui des idées et des opinions.
Des que vous ouvrez la bouche pour exprimer un point de vue, hors de la doxa, admise par les intelligents définitifs, vous êtes phobes. Libre à vous de mettre devant le préfixe que vous voulez...
Vous vous réjouissez du beau temps, vous êtes contre les paysans qui ont besoin d'eau, vous bénissez la pluie, vous êtes contre les hôteliers de la côte.
Bien sûr, ces recommandations reposent sur le souci de nous voir en meilleure santé, de mieux respecter notre environnement, d'améliorer le vivre ensemble.
Cependant leur omniprésence et leur martèlement incessant nous enferment  dans ce corset moral, cher à Flaubert, au risque de ne plus nous laisser le moindre espace de liberté.
Il est donc plus que temps, avec modération bien sûr, (mention légale obligatoire), de retrouver le sens de l'excès. L'art est excessif, la beauté est provocante donc excessive, la fête est excessive. Dans un monde ou la surprotection ambiante isole inéluctablement, le partage et le bon sont excessifs.
« Carpe Diem » disait Horace, « fais ce que voudras » déclarait Rabelais...Retrouvons notre liberté ! Quelle que soit notre vie, elle recèle ici et là des parcelles de joie. Cueillons les, partageons les....
"Cueillons dès aujourd'hui les roses de la vie", n'en déplaise à tous nos gendarmes du quotidien que Georges Brassens qualifiait avec tant de justesse de « pisse vinaigre » et « de fesse Mathieu »....

                                                                                                                                                                                               Jo Kerguéris, ancien Président du Conseil général, ancien Sénateur et Maire de Landévant.