Sitôt offert sitôt revendu sur internet, c'est à regretter d'offrir des cadeaux de Noël. Et pourtant le cadeau a un sens, une part de soi que l'on donne pour entrer dans le monde de l'autre.
Chaque année à Noël, les Français dépensent en moyenne 500 euros pour leurs cadeaux. Et selon une étude de 2016, la moitié d'entre eux ont déjà revendu une fois dans leur vie ceux qu'ils ont reçus, ou envisagent de le faire. Que signifie donc l'échange de cadeaux ? Au-delà du coût financier, c'est le geste qui interroge : sommes-nous dans la perpétuation d'une habitude sociale et familiale ? Serions-nous les victimes consentantes d'un marché qui enregistre ses plus gros chiffres en décembre ? Pour Philippe Baudassé, auteur de l'ouvrage "Le cadeau dans tous ses états" (éd. Cerf), ce qu'il ne faut pas perdre de vue dans le cadeau c'est "la transmission".
Noël, ses cadeaux, et pour beaucoup une joie d'offrir et de recevoir. Pour beaucoup aussi, synonyme de corvée, de casse-tête voire de hantise. On a peur de faire le mauvais cadeau, de ne pas avoir d'idée du tout, ou encore de ne pas offrir un cadeau assez beau, assez cher. "Beaucoup estiment que c'est la valeur marchande du cadeau qui va définir la qualité de l'amour avec lequel on l'offre, ce qui n'est pas tout à fait juste évidemment !"
Tous les ans à Noël, c'est aussi le sentiment partagé d'entretenir une belle tradition mais aussi la lassitude de se sentir complice d'un système qui pousse à l'hyperconsommation. Un sentiment que vient amplifier le phénomène commercial du Black Friday, suivi du Cyber Monday, qui ont lieu fin novembre. Au total, "on a fait de cette fête quelque chose d'assez lourd", admet Philippe Baudassé.
Il y a aussi cette idée assez désagréable de devoir faire la fête sur commande... Justement, parce que les rituels ont de l'importance et parce qu'offrir des cadeaux a du sens, il nous faut retrouver le sens profond de Noël. "Les rituels sont importants dans la vie, encore faut-il leur redonner leur ampleur et leur sens." Avant d'être une fête chrétienne, le 24 décembre était pour les Romains la fête du "Sol Invictus", c'est-à-dire du soleil invaincu. Au cœur de la nuit la plus longue de l'année - le solstice d'hiver - fêter la lumière, qui de toute façon réapparaîtra toujours, cela est riche de sens.
Et ce n'est pas par hasard si les chrétiens ont décidé de fêter la naissance du Christ ce même jour. Jésus est souvent comparé à un "soleil de justice", à "l'astre d'en haut qui vient nous visiter". À Noël, les chrétiens manifestent qu'aucune ténèbre, aucune difficulté, ne peut empêcher la lumière, ni l'amour du Christ, de venir. Au cœur de l'hiver, une célébration importante, car elle dit Dieu "pouse nos difficultés, et que l'on a besoin de douceur et de fraternité.
Dans toutes les cultures du monde on reçoit et on offre des cadeaux. "À travers ce cadeau c'est une part de soi qu'on offre pour entrer dans le monde de l'autre." Noël c'est donc l'occasion de découvrir plus profondément quel est le sens des cadeaux que l'on offre mais aussi que l'on reçoit : on offre une part de soi, on reçoit une part de l'autre. C'est une façon de "manifester le désir d'une communion plus grande, le désir d'entrer en relation avec lui dans un échange qui a besoin de cet acte gratuit".
Indépendemment de la religion, du genre, de l'âge, ce qui nous définit c'est que "nous sommes des êtres de don", explique Philippe Baudassé. Offrir et recevoir des cadeaux c'est signifier notre nature humaine. "Le cadeau se situe dans cette certitude que nous sommes des hommes et des femmes de don, faits pour transmettre." Et à chaque fois que l'on offre quelque chose, en quelque sorte c'est aussi un message que l'on donne : l'importance de la gratuité, qui va de pair avec l'émerveillement et la gratitude.
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