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RCF Irene Devos: Mort à la rue 3/5
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Irene Devos: Mort à la rue 3/5

RCF Hauts de France, le 14 octobre 2020  -  Modifié le 27 février 2024
La soeur Irène Devos, fondatrice de la Communauté de Magdala a livré son témoignage de vie dans "risquer de vivre" . Le Père Behaegel nous fait découvrir son parcours et ce qui l'a animée.

La création de la Communauté de Magdala

extraits de "risquer de vivre" d'Irène Devos, lus par Catherine Dhérent : 

 (p.23-24) :Le grand large, c'est à la fois les immenses espaces, mais c'est aussi l'infiniment petit de la biologie. Tout comme la prison, c'est aussi le grand large de l'humanité tout entière. Il en a fallu du temps pour que j'explore ce pays de l'immense profondeur de la souffrance humaine. C'est en prison que j'ai découvert véritablement le grand large.
En prison, je croise la terre entière. Derrière les grilles, j'ai rencontré tellement de pays : la Chine, l'Algérie, le Vietnam, Hong Kong, les Philippines, la Suède, le Brésil, le Nigeria, le Cameroun... 
Ce grand large de la prison m'a fait entrer dans la profondeur commune de toute l'humanité : derrière les barreaux, on s'aperçoit finalement combien nous sommes tous de la même humanité."

 (p.57-60) : « Magdala est né lors d'un…  enterrement. Mêlée depuis six années à la vie de famille des démunis du quartier de Lille Sud avec la bibliothèque de rue et l'université populaire en quart-monde, je partageais leurs soucis quotidiens. Et je découvrais aussi l'un des drames profonds des familles pauvres : même leurs morts n'ont pas droit à un minimum de respect et de dignité. "On a une vie de chien, et on est enterré au petit matin, en quelques minutes, comme des chiens ! », me racontaient, écoeurées, ces femmes tellement tristes et impuissantes face à la réalité de leur vie.
C'est en assistant à l'enterrement bâclé d'une jeune femme de 27 ans que j'ai pris toute la mesure de cette blessure inhumaine.
Tout est effectivement terminé en quelques minutes. Même le temps de deuil est volé aux pauvres, si vite ignorés, si rapidement oubliés : « on ne vaut rien, jusque dans notre mort, on compte pour moins que rien », constatent les femmes, de retour du cimetière...
Quelle blessure bouleversante. Dans les quelques lignes d'un poème de douleur, j'ai jeté les mots de ma révolte : les cris des sans-voix et des sans-vie, le cri des rejetés à qui il fallait redonner leur dignité d'hommes et de femmes.
L'Eglise elle-même, à son tour, découvre combien la dignité des personnes indigentes était bafouée : les responsables paroissiaux avouent qu'ils n'avaient pas réalisé dans quelles conditions les pauvres étaient portés en terre. Et les familles démunies ne demandent jamais rien ! Puisqu'elles n'ont pas de quoi payer, elles n'ont droit à rien : l'enterrement, comme le reste, ce n'est pas pour elle. L’Eglise, c'est pour les riches ! 
La communauté Magdala est née de cet événement : qui que nous soyons, nous avons droit au respect. C'est une des intuitions de départ de Magdala qui, encore après le dernier souffle de vie, affirmait la dignité d'homme et de femmes, de fils et de fille de Dieu.  

 (p.61-62) « Quand nous avons fondé la communauté, le lundi de Pentecôte 1986, nous ne lui avons pas tout de suite donné un nom. Les personnes qui étaient là connaissaient, pour la plupart, la misère, ou l'avaient durement éprouvée. Ils étaient venus parce qu'ils avaient la conviction que la misère n'est pas une fatalité et ils savaient aussi qu'on ne peut pas s'en sortir tout seul. Créer la communauté, c'était rompre cet isolement si douloureux, essayer de se trouver des points communs, créer un début de vie commune, un espace et des temps communautaires. »

 (p.65-66) : « pour notre communauté, c'est un très beau signe, une promesse. Cette espérance est en nous : même si nous sommes à terre, nous avons en nous des ressources. Pour peu que quelqu'un nous accompagne, et croie en nous. Jésus connaît les ressources de chacun. À Magdala, à la prison, je suis souvent dans l'admiration des ressources humaines de chacune et chacun, je suis éblouie de voir comment les gens résistent, combien les forces de vie sont présentes pour chacun. "Lève-toi et marche"… On en revient à notre devise. Quelqu'un a dit un jour, en assemblée : « avec Magdala, j'ai appris à marcher la tête haute ». Je ne me lasse pas d'admirer et de méditer le double mouvement de Jésus : ce mouvement d'abaissement de Jésus, et puis le contempler quand il se relève avec Marie de Magdala…
Lorsque nous avons choisi ce nom de Magdala pour la communauté, nous n'avons pas tout de suite réalisé qu'elle était aussi le premier témoin de la résurrection… Quand Jésus relève Marie et ne la condamne pas, elle n'imagine certainement pas qu'elle sera au rendez-vous du tombeau vide… Marie de Magdala, le premier apôtre ! Peut-être que c'est encore une autre manière de dire que la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Avec une lourde responsabilité : celle d'annoncer que Jésus est vivant ! Car Marie de Magdala, devant le ressuscité, vit la Pentecôte : elle est envoyée vers ses frères. Et nous sommes tous envoyés comme elle. Nous recevons de Jésus ressuscité l'Esprit qui nous envoie en mission : « va trouver tes frères » (Jean 20, 17).
Ce n'est pas présomptueux de dire que le peuple de Magdala est appelé aujourd'hui à témoigner : nous sommes invités à témoigner du don qui nous est fait de fraterniser en communauté, ce don de vivre petit à petit en frères et en sœurs. »   

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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