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Franz le testament

RCF Hauts de France, le 4 décembre 2020 - Modifié le 27 février 2024
Avec le père Matthieu Aine, nous allons au coeur de la vie, des réflexions de Franz Jägerstätter, objecteur de conscience, éclairé par sa foi, victime du régime nazi, béatifié en 2007

Franz Jägerstätter a été béatifié à la cathédrale de Linz le 26 octobre 2007 par le pape Benoit XVI. Né en 1907, il refusera de préter serment à Hitler, manifestera son opposition au nazisme. Soutenu par l'amour de sa femme et ses enfants, par son discernement et sa foi,  il sera guillotiné le 9 aout 1943. Il sera porté à la connaissance du grand public par le film "une vie cachée"  de Terrence Malick.  Son parcours nous montre concrètement jusqu'où va l'objection de conscience.
Il écrira son testament quelques minutes avant d'étre éxécuté, que voici dans cette dernière chronique. 

Testament : 
 « Je tiens à consigner ici quelques mots comme il me viennent directement à l’esprit et me montent du cœur. Même si les écrits menottes aux mains, j’aime encore mieux cela que l’asservissement de ma volonté. Ni le cachot, ni les fers, ni la condamnation à mort ne sont en mesure de vous ravir votre foi et l’indépendance de votre volonté. Dieu nous donne une telle force pour supporter toutes les souffrances, une force supérieure à n’importe quelle puissance du monde. La puissance de Dieu est invincible. Si, pour mettre tous les hommes en garde et les détourner du péché grave qui entraine la mort éternelle, on voulait bien se donner autant de peine que l’on s’en donne pour me soustraire à une mort déshonorante, je crois bien que satan ne pourrait compter au Jugement denier que sur un bien maigre butin. On cherche sans cesse à vous donner mauvaise conscience au sujet de votre épouse et de vos enfants. Or je ne peux naturellement pas croire que, sous prétexte que l’on a femme et enfants, on n’offense pas Dieu par des mensonges – sans parler de tous nos autres devoirs. Le Christ n’a-t-il pas dit lui-même : « Celui qui aime son père, sa mère ou ses enfants plus que moi n’est pas digne de moi » ? ou encore « Ne craigniez pas ceux qui tuent seulement votre corps sans pouvoir tuer votre âme. Craigniez plutôt celui qui peut vous perdre et vous entraîner corps et âme dans la géhenne ». Si Dieu ne m’avait pas accordé sa grâce et la force de mourir moi aussi, s’il le faut pour ma foi, je ferais peut être la même chose que la plupart des autres catholiques…
Celui qui est capable de combattre sous la bannière de deux royaumes et d’entretenir de bonnes relations avec les deux communautés, à savoir celle des saints et celle du National-socialisme, celui qui peut obéir à tous les ordres que lui donne le IIIe Reich sans entrer par le fait même en conflit avec les commandements de Dieu, celui-là doit être à mon sens un fameux pantin. Personnellement, je n’y arrive pas. C’est pourquoi je préfère renoncer à mes droits sous le IIIe Reich et sauvegarder les droits dans le Royaume de Dieu. Certes il n’est pas bon de ne pouvoir épargner cette souffrance à sa familles, mais les souffrances de ce monde sont toutes de courtes durée et passagères. Et puis on ne peut absolument pas les comparer aux souffrances que Jésus par sa Passion et sa mort n’a pu épargner à sa sainte Mère. 
Le Royaume de Dieu est-il donc d’une telle infériorité qu’il ne vaille pas le moindre sacrifice et que nous fassions passer toutes les futilités de ce monde avant les biens éternels ? L’apôtre Paul ne dit-il pas également « Ce que Dieu a réservé à ceux qu’il aime, aucun œil humain ne l’a vu, aucune oreille ne l’a entendu, aucun homme ne l’a éprouvé dans son cœur ». Tel est le prix inestimable des joies que Dieu nous réservées dans son Royaume, la plus grande de toutes étant qu’elles dureront éternellement. Que d’efforts, que de sacrifices tant d’hommes ne font-ils pas pour obtenir ici-bas un peu plus de considération, ou dans le cas d’un sportif, pour remporter un prix ! Si nous consentions pour le Ciel autant d’efforts et de sacrifices, il y aurait beaucoup de saints et de grands saints. Or le Royaume des Cieux n’est pas lui non plus accessible sans efforts ni sacrifices. Car c’est le Christ lui-même qui a dit : ‘Le Royaume des Cieux souffre violence et seuls les violents s’en emparent ». 
Pourquoi pensons-nous si peu à l’éternité ? Pourquoi cela nous semble-t-il si dur de faire des sacrifices en vue du Ciel ? Oui, il existe une puissance invisible qu’assurément nous ne pouvons pas voir maintenant, mais dont nous sentons parfois la présence, et qui met tout en œuvre pour mener l’homme à sa perte. Et c’est la puissance de l’enfer. Lucifer ne sait que trop ce que sont les joies et la splendeur du paradis ; mais il ne peut plus y revenir, maintenant il ne peut plus qu’envier ce bonheur aux hommes. Et c’est ainsi qu’avec ses complices il met tout en œuvre pour nous enchaîner à ce bas monde en se servant de nos pensées et de nos désirs. Car si nous pensons rarement à l’éternité, à l’amour de Dieu et à la miséricorde divine, satan a tôt fait de gagner la partie…
De même que l’homme tourné uniquement vers la terre ne néglige bien souvent aucun effort pour embellir et améliorer sa vie en ce monde, de même nous autres qui croyons encore au Royaume éternel devons-nous aussi tout sacrifier pour y recevoir un jour une grande récompense. Si les gens partagent les idées du National-socialisme se disent que l’enjeu de leur combat est tout ou rien, être ou ne pas être, tell doit être notre opinion à nous qui luttons et combattons pour le Royaume éternel. A la seule différence que pour nous battre nous n’utilisons ni fusils, ni pistolets mais des armes spirituelles, entre autres et avant tout la prière ». 

 
Extrait d' une note qu’il n’envoie pas à sa femme, et que l’on a retrouvé après sa mort : 
Je ne changerai pas ma petite cellule, qui n’est même pas propre, avec le plus grand palais royal, si pour cela je devais céder ne serait-ce que le plus petit morceau de ma foi. Puisque tout ce qui est terrestre – pour riche et magnifique qu’il soit – a une fin. La parole de Dieu, au contraire, est éternelle. 

 

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