Psoriasis : comprendre les mécanismes internes et les enjeux de cette maladie chronique
Le psoriasis touche près de 2 millions de Français. Souvent réduit à une simple maladie de peau, il cache en réalité un dérèglement profond du système immunitaire. Plaques, inflammation, témoignages, décryptage pour mieux comprendre cette affection chronique encore trop méconnue.
© LexPsoriasis : bien plus qu’une maladie de peau
Rougeurs, démangeaisons, squames… Les plaques visibles sont la partie émergée d’un mécanisme interne bien plus complexe. Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique, non contagieuse, qui peut apparaître à tout âge et sous différentes formes. Elle altère fortement la qualité de vie, et reste encore aujourd’hui entourée de nombreux préjugés.
Le Dr Céline Girard, dermatologue à l’hôpital Saint-Éloi de Montpellier, rappelle qu’il s’agit d’une affection évoluant souvent par poussées, avec des phases de rémission plus ou moins longues :
Le psoriasis est une maladie chronique. Certaines personnes connaissent des périodes d’aggravation nettes, d’autres vivent avec des lésions quasi permanentes.
Au cœur du psoriasis : une cascade immunitaire
Sous la surface de la peau, le psoriasis est avant tout une réaction immunitaire anormale. Chez une personne saine, les cellules cutanées (kératinocytes) se renouvellent en environ 28 jours. Chez les personnes atteintes, ce cycle est accéléré à 3 à 5 jours. Résultat : les cellules s’accumulent trop vite en surface, formant des plaques épaisses recouvertes de squames blanchâtres.
Cette surproduction est déclenchée par une activation excessive des lymphocytes T, qui se comportent comme si la peau était attaquée. Ces cellules libèrent ensuite des cytokines pro-inflammatoires (comme le TNF-α, l’IL-17 et l’IL-23), entretenant une inflammation chronique.
Les kératinocytes réagissent à leur tour, produisent d’autres messagers inflammatoires, et un cercle vicieux s’installe, expliquant la persistance et la récidive des lésions.
Des déclencheurs multiples
Si la cause exacte reste multifactorielle, plusieurs éléments sont identifiés. Ils peuvent être génétiques, avec une prédisposition liée notamment au locus HLA-Cw6, environnementaux, comme certaines infections ORL, la prise de médicaments, le tabac ou l’alcool, physiques, avec le phénomène de Koebner : une simple irritation cutanée peut déclencher une plaque, mais aussi psychologiques, avec le stress comme facteur aggravant, mais non déclencheur.
"Il faut rassurer les patients : le psoriasis n’est ni contagieux ni “dans la tête”. Penser que le stress le provoque est culpabilisant. Il peut l’aggraver, oui, mais ce n’est pas une cause directe", insiste le Dr Girard.
Des formes et des parcours variés
La forme la plus fréquente est le psoriasis en plaques, mais il existe aussi le psoriasis en goutte, souvent après une angine, le psoriasis inversé dans les plis, ou encore les atteintes unguéales. Le diagnostic repose principalement sur l’examen clinique ; les dermatologues expérimentés peuvent souvent reconnaître la maladie d’un simple coup d’œil.
Le parcours de soins commence généralement chez le médecin généraliste, qui peut initier un traitement local à base de corticoïdes ou de dérivés de vitamine D. En cas de formes sévères ou étendues, une orientation vers un dermatologue est nécessaire, ce qui reste parfois compliqué en raison de la pénurie de spécialistes.
Pour les cas les plus résistants, des traitements plus avancés sont proposés : les photothérapie aux UVB, les médicaments systémiques (méthotrexate, ciclosporine) ou encore les biothérapies ciblées, qui bloquent spécifiquement les cytokines responsables de l’inflammation et ont révolutionné la prise en charge.
Quand la peau parle aussi d’autres organes
Le psoriasis ne s’arrête pas à la surface cutanée. Il peut s’associer à un rhumatisme psoriasique, atteignant les articulations, parfois avant même l’apparition des plaques. On retrouve aussi une fréquence accrue de syndrome métabolique (surpoids, hypertension, diabète, excès de cholestérol) et un risque plus élevé de dépression, lié à l’impact esthétique et social de la maladie.
Témoignage : le parcours de Bénédicte Charles
Vice-présidente de France Psoriasis, Bénédicte Charles raconte un diagnostic tardif :
J’avais des douleurs articulaires importantes, notamment au niveau sacro-iliaque, mais personne n’avait fait le lien avec mon psoriasis. C’est en travaillant avec l’association que j’ai découvert le rhumatisme psoriasique et que j’ai enfin pu être orientée.
Aujourd’hui sous biothérapie, elle dénonce la culpabilisation fréquente :
On nous dit souvent : “C’est le stress.” Mais le stress est souvent une conséquence, pas la cause. Avant un événement important, une poussée peut apparaître, ce qui augmente l’anxiété… C’est un cercle infernal.
Une meilleure compréhension pour mieux soigner
Grâce aux avancées scientifiques, les mécanismes internes du psoriasis sont de mieux en mieux connus, permettant des traitements plus ciblés et efficaces. Mais la méconnaissance de la maladie dans la population reste forte, nourrissant tabous et retards de diagnostic.
Les associations de patients, comme France Psoriasis, jouent un rôle essentiel d’information et d’écoute. Leur action contribue à briser l’isolement, à faciliter l’accès aux soins et à faire reconnaître le psoriasis pour ce qu’il est : une maladie inflammatoire chronique complexe, et non une simple affection de la peau.


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