Nous pouvons compter les uns sur les autres. Quand le travail s’arrête pour certains, d’autres prennent le relai. Gardes dans les hôpitaux, gardes dans les transports, gardes dans les fermes et sur les bateaux, gardes dans les commerces, gardes dans les églises, les mosquées, les synagogues, les temples… Gardes dans les monastères – même si on n’y parle pas de "vacances", mais de "temps d’ermitage", libres des charges communes par la grâce des frères et des sœurs.
Si nous nous arrêtions de travailler tous en même temps, il n’y aurait plus de société. Liberté et égalité, au nom de la justice ; mais aussi et d’abord fraternité, au nom de la charité. Certes, nous sommes inégaux devant l’argent que nous dépensons en vacances. Mais nous sommes un seul tissu social et nous nous portons les uns les autres dans ces shabbat laïcs que sont les temps de repos, de vacance – sans s.
Pendant les vacances, nous ne faisons pas que dépenser l’argent que nous avons gagné par notre travail. Nous changeons de rythme de vie. Nous faisons retour à l’économie de nos ancêtres "chasseurs-cueilleurs", à l’économie de nos sœurs les plantes et de nos frères les animaux, le temps d’un repos, d’un shabbat que l’économie de l’industrie et de l’agriculture nous a fait quitter, voire oublier. Nous rejoignons la nature, qui fait alterner les jours et les nuits, les pluies et les éclaircies, les lunes et les saisons dans un ÉQUILIBRE caractéristique de l’ordre cosmique dont nous faisons partie. Nous reprenons des forces pour être, agir, penser, prier.
La prière ? La prière n’est-elle pas le souffle même de la vie : prière rituelle, enseignée par une tradition religieuse, ou prière naturelle, attention de tout l’humain à la profondeur et à la diversité du monde et de son mystère. La prière est, déjà dans la vie quotidienne, l’alternative au travail. La fortune et l’énergie de la civilisation européenne n’ont-elles pas été stimulées, pendant 15 siècles, par la maxime des moines : ora et labora, prie et travaille ! L’alternance quotidienne, hebdomadaire, annuelle du travail et de la prière a préservé des générations de l’épuisement et du déséquilibre résumé au 20ème siècle dans le proverbe désabusé des travailleurs exploités : "métro, boulot, dodo"…
Jean-Paul II enseignait, à la suite de Jésus et de toute la tradition juive, que le travail est fait pour l’homme et non l’homme pour le travail. Sage paresse ! Dans le langage fleuri de Guy Gilbert : "celui qui ne se souffle pas n’est pas généreux, il est un crétin" (le langage était plus vert). Jean-Paul II a d’ailleurs écrit un très beau texte sur le sens du repos, du shabbat et du dimanche, comme sanctification de la vie.
Si nous ne savons pas encore "travailler en priant", dans la juste présence à Dieu et au monde, alternons temps de travail et temps de respiration, comme dans une sonate à deux instruments, comme dans un pas de danse à deux. C’est un enseignement de la nature, c’est un chemin d’humanisation, c’est un cadeau que nous fait une société solidaire.
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