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"Un mélange de terres rares, on peut le comparer à un jus multifruit" : plongée dans l'usine Solvay de La Rochelle, pionnière des terres rares

"Un mélange de terres rares, on peut le comparer à un jus multifruit" : plongée dans l'usine Solvay de La Rochelle, pionnière des terres rares

Un article rédigé par Tanguy Sanlaville - RCF Charente-Maritime, le 10 décembre 2025 - Modifié le 10 décembre 2025

Le 10 décembre, le ministre délégué en charge de l'Europe Benjamin Haddad était à La Rochelle pour visiter l'usine du groupe Solvay, pionnière en matière d'extractions de terres rares. Un site hautement stratégique et dont les portes sont rarement ouvertes aux visiteurs. 

Ces cuves permettent la séparation dite "liquide-liquide", étape-clé de l'exploitation des terres rares. ©RCF17Ces cuves permettent la séparation dite "liquide-liquide", étape-clé de l'exploitation des terres rares. ©RCF17

Pas de vidéos ni de photos, sauf à certains endroits bien précis. La consigne est donnée et l'ambiance installée : Solvay protège farouchement les secrets de son usine de La Rochelle, lancée en 1948 et intégrée au groupe belge depuis 2011. Alors, quand l'occasion se présente de la visiter avec le ministre délégué chargé de l'Europe Benjamin Haddad, on la saisit. 

Il faut dire que cette visite ministérielle est loin d'être anodine : le site rochelais, fort de 300 collaborateurs et de 40 hectares, est un fleuron français. Il représente en effet aujourd'hui le seul site d'Europe à disposer des capacités pour traiter en quantité industrielle des terres rares - c'est-à-dire des métaux et des composés métalliques utilisés dans plusieurs secteurs, tels que l'automobile, l'électronique ou encore le médical. Des terres rares extraites de matières premières importées du monde entier.

"Jus multifruit" et "vinaigrette"

Sur le site de La Rochelle, "on traite, on sépare, on purifie" explique Florian Gouneau, responsable production du site. Après la transformation des matières premières au format liquide, une étape-clé rentre en jeu : la séparation dite "liquide-liquide". Un processus qui peut sembler abscons à première vue, mais que Florian Gouneau explique avec sa métaphore fétiche : "un mélange de terres rares, on peut le comparer à un jus multifruit ; on y retrouve du jus d'orange, du jus de pamplemousse, du jus d'abricot - c'est la même chose avec notre mélange, ce qu'on appelle du nitrate de terres rares". 

Les unités de séparation du groupe permettent donc de "séparer le jus d'orange d'un côté, le jus de pamplemousse de l'autre, etc." : "on va mélanger nos nitrates de terres rares avec un solvant [...] il va capter un certain type de terres rares en laissant le reste". "C'est un peu comme une vinaigrette", sourit Florian Gouneau, décidément amateur de métaphores, "le solvant n'est pas miscible avec les nitrates" : "on va mélanger les deux éléments [...] lors d'une phase de décantation, le solvant va se charger en terre rare A et la phase nitrate va rester chargée en terre rare B". Ne reste ensuite plus qu'une phase de purification pour extraire les terres rares.

Ce sont des méthodes de ce genre qu'essaie de protéger Solvay. "On a beaucoup de compétiteurs, notamment en Asie", explique Simon Ifrah, responsable recherche et innovation. Malgré les quelques "400 familles de brevets" déposées par Solvay, il estime qu'il est "très difficile de se défendre" et insiste donc sur la nécessité de "conserver au mieux" le savoir-faire du groupe pour garder sa "technologie" et sa "technicité". 

L'Europe face au monopole chinois 

Un besoin de rester compétitif que veut encourager Benjamin Haddad, actuel ministre délégué en charge de l'Europe auprès du ministre des Affaires Etrangères. "Ce site est important pour notre souveraineté et celle de l'Union européenne", assure-t-il, évoquant son rôle-clé pour des "industries critiques pour notre autonomie stratégique et notre transition environnementale". Il cite ainsi des éléments produits par Solvay qu'on retrouve dans l'aéronautique, dans les batteries électriques ou encore pour le secteur de la défense. 

"Aujourd'hui, l'Europe, et je dirais le monde entier, a une dépendance vis-à-vis de la Chine dans ces terres rares", souligne Benjamin Haddad, et "ces minerais sont utilisés comme une arme géopolitique".  Le 9 octobre dernier, le régime chinois a en effet annoncé de nouvelles restrictions sur les exportations de terres rares, alors que le pays contrôle aujourd'hui 70% de l'extraction et 90% de la transformation des terres rares selon Le Monde

Le ministre délégué estime donc que l'Europe se doit d'être "à la pointe" de l'innovation - sans pour autant dépendre des Etats-Unis : pas question de remplacer une dépendance par une autre. Cela passe par un changement dans les "chaînes d'approvisionnement" et c'est ce que Solvay tente de faire aujourd'hui : importer des terres rares venant d'autres pays que la Chine. De son côté, la Commission européenne a adopté le 6 décembre un plan intitulé "RESource EU", qui vise à réduire les dépendances stratégiques du Vieux Continent. 

Au coeur de l'usine Solvay de La Rochelle.
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