Un égo surdimensionné
J’aimerais ce matin, Stéphanie, si vous voulez bien, revenir sur l’expression "avoir un ego surdimensionné".
On ajoute en effet très fréquemment ce qualificatif de "surdimensionné" pour parler de l’ego des égotiques, des égocentriques et autres égoïstes de notre entourage.
En réalité, le problème de l’ego n’est pas d’être surdimensionné, mais de manquer de dimension.
Et c’est bien cela le drame, et c’est bien cela qui nous inquiète.
Nous voudrions être fascinants, palpitants, enthousiasmants, et nous ne sommes… que nous-mêmes.
Nous sommes tout encombrés de nous, et pourtant ce moi, auquel nous tenons tant, est si peu de choses. Il a si peu à dire, si peu pour plaire.
C’est cette vérité dérangeante qu’ont mise au jour ceux qu’on appelle les Moralistes, les Pascal, La Bruyère et La Rochefoucauld du siècle de Louis XIV.
Voici ce que dit Pascal, par exemple : "Que fera le moi ? Il veut être grand, il se voit petit ; il veut être parfait, et il se voit plein d’imperfections ; il veut être l’objet de l’amour des hommes, et il voit que ses défauts ne méritent que leur mépris".
L’ego est petit mais il se rêve grand. Voilà le problème : il faut que je sois quelqu'un, moi qui suis si… quelconque. Il me faut donc surdimensionner cet ego si insignifiant.
L’égocentrisme serait une manière de compenser nos manques ?
Oui, il faut à tout prix combler ce vide, cette insignifiance qui nous menacent. Tout, pour ne pas être rien. Tout faire pour être quelqu’un. Dans chaque ego, il y a la peur de ne pas être assez, la peur de manquer – de manquer d’ampleur, de consistance et d’intérêt. Dans chaque ego, il y a une grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf. Et c’est un grand philosophe qui le dit : Jean de La Fontaine.
« Une Grenouille vit un Bœuf Qui lui sembla de belle taille. Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un œuf, Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille, Pour égaler l’animal en grosseur, Est-ce assez ? dites-moi ; M’y voilà ? La chétive pécore S’enfla si bien qu’elle creva. »
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