A l’ombre de la Montagne Pelée, en ce début de XXe siècle, Saint-Pierre en Martinique coule des jours heureux et prospères. Bien sûr, il y a toujours les notables et les gens de peu, mais l’esclavage a été aboli et la chance sourit aux audacieux et aux amoureux. Las ! C’est oublier que la Montagne peut un jour se réveiller, et ce jour-là… tout peut basculer. Le 8 mai 1902, la montagne Pelée qui grogne et gronde depuis quelques jours, va exploser, d’une colère meurtrière, tuant 30 000 personnes en 90 secondes. Mais il y avait la vie dans cette cité florissante, il y avait des histoires de famille, des petites histoires d’amour et de vengeance, de pouvoir…
C’est ce que raconte avec bonheur Daniel Picouly, faisant parler le volcan, observateur cynique de la comédie humaine : "J’entends bien les gens. Je les impressionne, ils me craignent mais ils n’ont rien à dire de moi… ". Quand on écoute les craquements de la montagne, il y a de la vengeance dans l’air !
Avec des habitants qui sont malgré tout habitués, eux qui vivent au pied du volcan, d’autant plus que les autorités rassurent la population : "Tous les phénomènes qui se sont produits jusqu’à ce jour n’ont rien d’anormal, la commission continuera à suivre attentivement les phénomènes ultérieurs", annonce le gouverneur sans trembler. Pendant ce temps, Othello et Louise, tels Romeo et Juliette, vivent leur amour fou, légers et insouciants, assis sur un volcan. Les notables sont sûrs d’eux-mêmes, d’autres se précipitent à l’église pour se confesser, comme s’il fallait se mettre en règle avant que la montagne fulmine : "les pauvres avaient oublié qu’ils vivaient avec bonheur dans le péché", ironise le narrateur.
On s’attache aux personnages, on espère pour eux, mais même les oiseaux vont périr, morts asphyxiés en plein vol. "Il tombait du ciel comme pluie de crapauds et s’écrasaient au hasard des toits, des cours et des balcons". Il sera bientôt trop tard…
D’où le titre du livre : en 90 secondes la lave envahit Saint-Pierre, pétrifie la population : "la cité hurle d’un même cri que chacun voit sur le visage de l’autre mais que personne n’entend". Une ville rayée de la carte, des vies soufflées en quelques secondes, parce que la montagne est la plus forte… Tiens tiens : la nature a souvent le dernier mot, on ne doit pas l’oublier du côté de Katowice, où se tient la COP24 sur le climat…
Quatre-vingt-dix secondes, de Daniel Picouly, publié chez Albin Michel.
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