Quand la finance solidaire met à distance la brutalité du "toujours plus"
La finance est omniprésente et omnipuissante. Ne parle-t-on pas fort justement de la financiarisation de l’économie ? Tout est financier. Dans ce contexte, quelle place a l’économie solidaire dont il faut reconnaître qu’elle reste très discrète (trop) alors qu’elle a une réelle efficience sur le plan social ? Sans l'épargne solidaire, que de familles très fragilisées n’auraient pas trouvé de toit, ou encore que de personnes en recherche d’un emploi n’auraient pu l’obtenir. Aussi, comment ne pas saluer la présente Semaine de la finance solidaire (du 5 au 12 novembre 2018), un temps précieux pour mieux la faire connaître. Il y a urgence, son développement, sans conteste, réduit de graves iniquités.
L'Économie sociale et solidaire (ESS) n’est pas une niche, pas davantage une forme marginale de l’économie au motif qu’elle sert, par priorité, la cause de ceux qui sont aux marges. Quel en est le carburant ? La solidarité. Elle est surtout celle de salariés : plus d’un million, en concertation avec leurs entreprises, investissent au titre de l’épargne salariale solidaire ; ils sont les premiers investisseurs de cette économie. Quelle belle raison d’espérer, ceux qui bénéficient d’une sécurité avec l’emploi se préoccupent de ceux qui sont en grande vulnérabilité pour ne pas avoir de toit.
L’économie solidaire est en constante progression : 10, 5% de l’emploi en France et 14% de l’emploi privé. L'épargne solidaire a atteint en 2017 un encours de 11,5 milliards d’euros (+ 18,3% par rapport à 2016). Cette nouvelle économie suscite un réel intérêt pour être porteuse de sens de par son attention à faire émerger des orientations corrigeant de graves fractures sociétales. Comment ne pas observer que, là où on injecte de la solidarité dans l’économie, on assiste à des transformations qui impactent le "vivre ensemble".
La finance solidaire fait école. Elle interroge désormais le champ économique via l’entrepreneuriat social. Le vote de la loi Pacte facilite la création d’entreprises dont l’objet n’est pas seulement de se réunir pour se répartir des bénéfices mais pour les affecter à des programmes de lutte contre la pauvreté et la misère. Un autrement se fait jour qui n’échappe pas à l'attention d'étudiants qui, sortis des grandes écoles - mais pas seulement - entendent participer à des entreprises contribuant à être proches des oubliés et des rejetés de la société.
Cette économie, créatrice d’un avenir, naît d’une sagesse mettant à distance la brutalité du "toujours plus" et du "tout, tout de suite". La recherche de ce qui est juste, équilibré, témoigne de la volonté de construire un monde plus attentif au bien commun. La qualité de vie ne dépend pas seulement de la possession de biens mais d’une vigilance à des partages créatifs. Alors, les cupidités et fébrilités s’estompent pour faire place à des valeurs qui rassemblent.
Ce samedi, je rencontrais dans un jardin public une famille de quatre enfants de 12 ans à quatre ans, sans domicile. Le père dispose d’un contrat de travail à durée déterminée de 24 heures par semaine. Surgit un petit garçon de quatre ou cinq ans à la tête blonde, manifestement d’un milieu aisé, qui aura ces mots : "Je veux partager à l’enfant." Je me retourne et m’adresse à sa mère : "Ee me remerciez pas, me dit-elle, nous avons parlé de ce foyer sans domicile à notre table familiale ; notre plus jeune fils a tenu à exprimer à l’enfant de son âge un signe chaleureux." Je ne peux m’empêcher de voir dans la spontanéité de ce geste, le signe d’une société qui s’éveille pour refuser la misère qui détruit. La finance solidaire, prenant en compte une part de gratuité, est l’un des leviers décisifs pour la combattre. Si parfois les marchés décrochent, la finance solidaire, avec une constante détermination, s’accroche à créer des espaces plus lumineux ; rejoignons-là.
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