Pesticides : Ces molécules que nous respirons chaque jour
Les pesticides, souvent associés à la pollution des sols et des eaux, se retrouvent également dans l'air que nous respirons. C'est ce que révèle le dernier bilan de l'Observatoire de la qualité de l'air ATMO Grand Est, qui mène des analyses de la présence de ces substances dans la région depuis plus de 20 ans.
Atmo Grand EstDes traces chimiques sans seuil d'alerte défini
ATMO Grand Est mène une surveillance continue en recherchant environ 100 à 110 substances actives de pesticides, sélectionnées en fonction de leur volatilité et de leur usage dans la région. Chaque année, ce suivi permet de détecter habituellement entre 25 et 30 composés, dont une dizaine sont quantifiés à des niveaux significatifs. La nature de ces polluants varie selon la proximité des cultures. Par exemple, en Alsace, le Métolachlore (un herbicide pour le maïs) est retrouvé de manière quasi systématique dans les prélèvements, tandis qu’en Lorraine et en Champagne-Ardenne, c'est le Prosulfocarbe, un herbicide à large spectre, notamment à l'automne.
Un constat particulier est la persistance de substances interdites. Le Lindane, un insecticide banni du milieu agricole depuis 1998, est ainsi retrouvé presque systématiquement sur tous les sites, même s'il ne constitue qu'un "bruit de fond" à des niveaux extrêmement faibles. Cette présence s'explique par la très longue durée de vie de la substance dans l'atmosphère et son accumulation dans les sols, d'où elle est remise en suspension par l'érosion ou le travail du sol.
Mais l'interprétation des données reste limitée par l'absence de réglementation. Emmanuelle Drab-Sommesous, la directrice Accompagnement et Développement chez ATMO Grand Est explique : « la difficulté à ce jour, c’est qu'il n'existe pas de valeurs réglementaires dans l'air ambiant. ». L'objectif principal d'ATMO Grand Est, en l'absence de valeur sanitaire de référence, est donc d'identifier les « situations dites inhabituelles » en s'appuyant sur leur vingtaine d'années de données.
L'action climatique et la réduction à la source
Le niveau d'exposition aux pesticides est fortement conditionné par le type de culture et la proximité des parcelles agricoles. Il est d'ailleurs probable que les niveaux de concentration soient plus importants près des champs, car les phénomènes de dispersion réduisent ces niveaux à mesure que l'on s'éloigne. Néanmoins, les agglomérations sont touchées, bien qu'il y ait des différences entre elles. Par exemple, Reims est plus exposée, car elle est entourée de grandes cultures et de zones viticoles, y compris dans l'agglomération, contrairement à Nancy ou Metz où l'occupation des sols agricoles est moins importante aux alentours.
Afin de réduire la présence de pesticides dans l'atmosphère, ATMO Grand Est collabore étroitement avec la Chambre régionale d'agriculture dans le cadre de la stratégie Eco-Phyto 2030, visant la réduction de l'usage des produits phytosanitaires.
Un levier d’action particulièrement efficace identifié par les travaux de l'observatoire concerne l’amélioration des équipements de pulvérisation. En effet, les équipements inadaptés facilitent les phénomènes de « dérive » (pendant la pulvérisation) et de « post-volatilisation » (après le traitement). Ces phénomènes locaux peuvent entraîner une perte significative de pesticides, représentant 15 à 40 % de ces produits directement transférés dans l'atmosphère. L'amélioration de ces équipements est donc un facteur crucial pour réduire le passage des pesticides dans l'air.


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