Docteur en sciences appliquées devenu photographe, Pedro Correa incarne une génération en quête de sens. De son enfance marquée par les déracinements à sa réinvention personnelle et artistique, il témoigne d’un chemin porté par l'intime conviction qu’un autre monde est possible, à condition de commencer par se transformer soi-même.
Né à Madrid d’une mère peintre et d’un père professeur de littérature engagé, Pedro Correa a grandi dans une famille où les valeurs de culture, d’éducation et de solidarité étaient centrales. Dès l’enfance, il est confronté à une vie de voyage : son père choisit d’enseigner dans les quartiers les plus défavorisés de la capitale espagnole, avant de partir à l’étranger pour accompagner l’éducation des immigrés espagnols. C’est ainsi que la famille atterrit en France, à Avignon, où Pedro passe ses premières années. Puis vient un retour brutal à Madrid, qu’il vit comme un déracinement supplémentaire. À 14 ans, la famille s’installe définitivement à Bruxelles. Ces déplacements successifs lui laissent une empreinte profonde : celle d’une enfance marquée par l’arrachement, mais aussi par la solidarité, la chaleur familiale, et une ouverture au monde qui ne l’a jamais quitté.
C’est une enfance qui m’a beaucoup éprouvé, et qui m’a également beaucoup ouvert au monde.
Si Pedro Correa se rêvait écrivain ou cinéaste, ses parents, eux, avaient une autre idée de l’avenir. Ayant connu la précarité et l’ascension sociale à force de sacrifices, ils voyaient dans les études prestigieuses une voie de sécurité. Pour eux, l’art restait une discipline secondaire, un luxe. Le jeune Pedro se plie donc aux attentes et entreprend des études d’ingénieur, qu’il poursuivra jusqu’au doctorat en sciences appliquées à l’Université catholique de Louvain. Pourtant, il confie n’avoir jamais été un ingénieur « né », devant fournir des efforts considérables pour suivre le rythme. Passionné par l’image, il choisit le traitement d’image comme spécialité, une manière de garder un lien avec l’univers visuel qui le fascine depuis toujours. Devenu chef de projet dans une multinationale, il réalise alors qu’il s’est éloigné de ses rêves d’enfant.
Ce n’était pas ce que je rêvais de faire, mais c’était le rêve qu’on m’avait invité à avoir.
Un rêve lentement construit par le discours dominant sur la réussite : sérieux, performance, compétitivité.
C’est en 2013 que Pedro Correa quitte le monde de l’entreprise pour devenir artiste photographe. Un virage radical qui ne s’est pas fait en un jour, mais qui prend racine dans une profonde crise existentielle déclenchée par la mort de son père. Ce deuil marque pour lui le début d’une « nuit noire de l’âme », une période de trois ans durant laquelle il remet en question son identité et sa place dans le monde. Progressivement, il commence sa transformation : à son travail, il passe d’abord à un quatre-cinquièmes, puis à un mi-temps, avant d’annoncer à son employeur qu’il quitte définitivement son poste. Cette transition s’opère dans la lenteur, dans l’introspection, mais aussi dans un travail méthodique de reconnexion à son identité profonde. Il s’agit pour lui de faire tomber le masque qu’il portait, un masque construit par les attentes sociales, familiales, et les injonctions héritées. « Il faut faire l’état des lieux : qui suis-je vraiment ? ». Cette quête de vérité intérieure devient le fil conducteur de sa nouvelle vie.
En 2019, Pedro Correa est invité à s’exprimer devant les diplômés de l’Université de Louvain-la-Neuve. Son discours fait le tour du monde. Vu par des millions de personnes, il tranche avec les injonctions traditionnelles au succès et à la productivité. Là où, à son époque, on parlait de rigueur, de sacrifice et de performance, lui invite désormais les jeunes générations à écouter leur voix intérieure, à rechercher le sens, à oser bifurquer. Ce message, il le développe dans son livre Matins clairs : lettre à tous ceux qui veulent changer de vie, devenu une référence pour celles et ceux en quête d’un autre chemin. Pedro Correa ne se contente pas simplement d’encourager le changement : il en témoigne de l’intérieur. Ce chemin, il l’a fait, il est possible.
Dans son dernier livre, Le cercle des héros anonymes, Pedro Correa va plus loin. Il y appelle à une résistance, à une transformation collective de nos modes de vie. En observant notre époque, il établit un parallèle : les burn-outs, ces effondrements personnels de plus en plus fréquents, seraient les nouveaux « canaris de la mine », ces oiseaux que l’on emmenait jadis au fond des galeries pour signaler les dangers invisibles. À ses yeux, la souffrance individuelle est devenue un symptôme d’un système à bout de souffle. Il plaide alors pour un changement qui ne soit pas seulement intérieur, mais aussi tourné vers les autres, vers la société, vers un avenir commun.
J’insiste pour dire que cette remise en question ne doit pas s’arrêter là, ça doit être un élan vers l’autre.
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