Mieux vaut être craint qu'aimé
L’Italie est en crise. Mais l’Italie possède le plus grand expert en politique, le meilleur des conseillers dans l’art de gouverner. De qui s’agit-il ? Peut-on le consulter ? L’Angleterre, qui n’en finit pas d’en finir avec l’Euro, peut-elle s’en remettre à ses préconisations ? La France, qui n’en finit pas d’en finir avec les grèves, trouvera-t-elle chez lui une solution ? Et l’Italie, qui n’en finit pas donc de ne pas savoir comment commencer une nouvelle politique, saura-t-elle mettre en œuvre ses préceptes ? Ceux qu’il recommandait dans son ouvrage intitulé Le Prince, paru… en 1532.
1532 au secours de 2018 ? Machiavel, car c’est bien lui dont il s’agit, au secours de l’Italie du XXIe siècle ? Oui, car il en va toujours ainsi : les gouvernements changent, prospèrent et déclinent, mais les hommes demeurent, inchangés, à la fois craintifs et autoritaires, agressifs et assoiffés de paix, attachés à l’égalité et désireux d’être distingués. Carlo Cottarelli, appelé lundi à la rescousse de la République italienne, a peut-être pris soin d’emporter Le Prince de Machiavel dans son sac à dos. C’est en effet, sac au dos, tirant une valise à roulettes, le pas décidé, qu’il est arrivé à Rome, au rythme précipité d’une urgence médicale.
Et tout se joue à nouveau comme au temps de Machiavel : tout repose sur la capacité non pas à prendre le pouvoir, mais à le garder. A assurer tout ensemble ordre, stabilité et liberté.On a reproché à Carlo Cottarelli d’avoir fait une déclaration un peu brève au vue de la lourde charge qui est à présent la sienne. Qu’a-t-il dit ? Que, je le cite, « le gouvernement sera neutre, qu’il assurera une gestion prudente des comptes publics et qu’il retiendra comme essentielle la participation de l’Italie à l’euro. » Tout est dit : tempérance, prudence et fidélité. Mais surtout sérieux, calme et détermination.
Car Machiavel l’a bien montré : ce qui compte, ce n’est pas le message, mais la manière de le faire passer. « Il n’est pas nécessaire, dit-il, qu’un prince possède toutes les qualités, mais il est nécessaire qu’il paraisse les avoir. » Il lui est essentiel aussi d’apprendre à ne pas toujours être honnête, pour comprendre et pour faire ce que les circonstances exigent. Voilà pour la prudence, qui est tout autant absence de peur que souplesse et adaptabilité.
Il lui faut enfin savoir « encourir le blâme » et les critiques, car il vaut mieux, ordonne Machiavel, être craint qu’être aimé. Celui qui cherche le consensus et la popularité permet trop et ne sait plus où trancher, où s’imposer. Il a peur de perdre, et répugne donc à décider, c’est-à-dire à mécontenter. A l’inverse, celui qui assume d’être craint, sait froisser quand il le faut les intérêts particuliers, accepte de perdre ses appuis pour en gagner de nouveaux. De toute façon, les hommes sont ainsi faits qu’ils respectent davantage celui qu’il craignent que celui qui cherche à se faire aimer.
Mieux vaut donc être craint qu’être aimé. Mieux vaut fâcher que vaciller. Bon courage, Carlo Cottarelli. Bon courage, l’Italie.
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