Mgr Yves Le Saux : "A Pâques, la vulnérabilité devient le lieu de la Joie"
Le mystère pascal, l'afflux d'adultes qui demandent le baptême, les rencontres autour des lettres pastorales, les pèlerinages du jubilé 2025 : Monseigneur Yves Le Saux, évêque d'Annecy, évoque l'actualité de l'Eglise et des catholiques de Haute-Savoie.
Mgr Yves Le Saux évêque d'Annecy ©SEDICOMComment permettre à nos contemporains de suivre le Christ ?
RCF : Ce samedi Saint, au cours de la Vigile pascale, 81 adultes seront baptisés dans le diocèse d'Annecy. Un nombre qui augmente en Haute-Savoie comme en France. Dans toutes vos lettres pastorales, depuis votre installation en Haute-Savoie, vous insistez sur les enjeux pour nos paroisses : le besoin d’accompagnateurs qui se mettent en route, l’accueil de toute la communauté... Est-ce que vous avez l’impression que ça bouge dans le bon sens ?
Mgr Yves Le Saux : Oui et j'espère que ce n'est pas qu'une impression ! Je vois bien que beaucoup de choses se font. Mais cela reste le vrai défi qui nous est posé par la providence. Nous sortons d'une période où un grand vide s'est installé. Et dans le désert, l'Homme cherche des oasis. Et je crois que l'Homme ne peut pas vivre sans la transcendance. Il faut nous préparer à ce que ce nombre de catéchumènes continue à être élevé. Nous verrons aussi venir des personnes avec ou sans culture chrétienne, en quêtes de références, au minimum. Cela nous oblige à penser autrement ! Ce n'est pas aux gens de s'adapter à nos affaires. C'est à nous de comprendre quel est leur besoin, comment on y répond, comment on évangélise, comment on catéchise. Et le but n'est pas que de préparer aux sacrements. C'est de leur permettre de suivre le Christ, maintenant et pour le reste de leur existence. L'un des enjeux, pour cela, c'est notre capacité d'intégrer à la vie fraternelle ces nouveaux frères et sœurs.
Nous devons nous convertir à une pastorale de l'accompagnement
RCF : Après une tournée des paroisses l’an dernier, vous échangez cette année avec le monde de la santé, avec les fraternités missionnaires, avec les entrepreneurs, avec des agriculteurs : quel est le sens de ces démarches ?
Mgr Yves Le Saux : La rencontre des paroisses m'a permis de découvrir nos communautés, d'en prendre le pouls en arrivant dans le diocèse. Cette année, ce sont plus des rencontres transversales. L'intérêt pour moi, c'est de les entendre ! Ce n'est pas d'abord ce que l'évêque peut avoir à dire. Et ensuite, c'est de témoigner d'une forme d'espérance. Et dans le monde médical comme chez les agriculteurs, je sens que, pour tous, l'Espérance passe par la relation. La technique a pu aider, en agriculture comme en médecine. Mais les personnes sont malheureuses quand la technique empêche la relation. C'est l'amour et la relation qui sauve ! Comme quoi, il y a un lien très intime entre espérance et vie fraternelle.
RCF : Finalement, comme avec les catéchumènes, il s'agit pour l'Eglise d'accompagner sur le chemin...
Mgr Yves Le Saux : Oui ! Nous devons quitter la culture de l'organisation ou même de propositions très réflexives, pour passer à une pastorale de l'accompagnement. Et même de l'accompagnement individuel, tant les parcours de nos contemporains sont différents. C'est heureux mais exigeant. D'autant que chacun va à son rythme... Pour la préparation au baptême, par exemple, certains sont prêts en un an, d'autres en cinq. Mais dès le début ce sont nos frères, qu'ils aillent au bout du parcours ou pas !
Le pèlerinage est comme une parabole de la vie humaine
RCF : Nous voilà au cœur du triduum pascal. Jésus qui se fait serviteur, qui se donne par amour, puis qui ressuscite. Qu'est-ce qui vous touche plus particulièrement cette année, dans le mystère pascal ?
Mgr Yves Le Saux : J'ai été marqué pendant la célébration de la cène, par le Seigneur qui se met à genoux devant nous. Et qui nous dit de faire la même chose. Qu'est-ce qui est plus facile ou difficile : se mettre à genoux devant mes frères, ou de laisser mon frère se mettre à genoux devant moi ? En tous cas, le Seigneur se fait vulnérable pour nous rejoindre dans notre vulnérabilité. Et cette vulnérabilité devient le lieu de la Joie. Bien sûr cela n'a rien à voir avec la brillance du monde. Mais c'est sûrement cela l'espérance, justement !
RCF : Justement, pour le jubilé de l'espérance, vous incitez les catholiques de Haute-Savoie à réaliser des pèlerinages locaux. Huit-cent personnes participeront aussi à Lourdes dans quelques jours, pour le pèlerinage diocésain sur le thème de l'espérance. Est-ce que pèleriner aide vraiment à vivre le message de Jésus au quotidien ?
Mgr Yves le Saux : Oui, car le pèlerinage est comme un parabole de la vie humaine. Nous sommes en pèlerinage, nous sommes de passage ! Et nous croyons à l'avenir, nous croyons que les portes mystérieuses nous ont été ouvertes par la mort et la résurrection du Christ. Le propre du chrétien c'est de déjà vivre de cet avenir dès maintenant. C'est le mystère de Pâques ! Cela ne veut pas dire que l'on n'y comprend rien. C'est juste que cela nous dépasse. Et c'est bien, qu'il y ait quelque chose de plus grand que nous même.
Comment poser un regard de bonté sur tous nos frères ?
RCF : Une carte blanche, pour finir. Partagez-nous une parole ou une pensée qui vous accompagne ou vous travaille en ce moment.
Mgr Yves le Saux : Je sens que dans notre monde violent, nous avons tous besoin de bonté, de bienveillance. L'amitié du Seigneur ne s'interrompt pas, même pour Judas. Alors, comment poser un regard de bonté sur tous nos frères ? C'est l'une des œuvres de miséricorde : supporter les personnes pénibles. Cela nous fait tous sourire, car nous pensons tous à quelqu'un... Mais sûrement que le gars pénible, c'est aussi moi ! Et je suis content que l'on soit miséricordieux avec moi !


Mgr Le Saux, évêque d'Annecy et Mgr Verny, archevêque de Chambéry, évêque de Maurienne et de Tarentaise, sont régulièrement interrogés sur la vie de leurs diocèses ainsi que sur l'actualité de l'Église et du Monde.
