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"Memory Lane", une réédition illustrée du conte de Modiano

RCF,  - Modifié le 7 février 2020
On parle littérature dans la Matinale et Christophe Henning nous présente « Memory lane », de Patrick Modiano, paru aux éditions Stock

J’ai un coup de cœur pour cette réédition d’un petit texte - 80 pages - de Patrick Modiano, Memory Lane, un récit qui nous fait entrer dans l’univers envoûtant du Nobel de littérature 2014. Ceux qui connaissent Modiano adorent, ceux qui ne le connaissent pas encore pourront entrer dans ce monde étrange et désuet, magique, qu’on pourrait placer entre une pièce de Tchekov et un tableau de Edward Hopper.

L’histoire est faite d’amis inséparables et factices, de dandysme et de panache. Le narrateur se trouve embarqué dans ce « petit groupe », comme il dit, de gens qui vivent au-dessus de leurs moyens mais vont de villégiatures et soirées, avec désinvolture. Tout tourne autour de Maddy et Paul Contour, un couple tranquille, qui aime être entouré de personnages surprenants. Il ne se passe pas grand-chose, et c’est justement cela qui est troublant, on ne sait pas bien ce qu’ils font ensemble et pourtant, quand l’un est absent, il y a comme un manque, une place vide qu’il faudrait combler.
 

Mais enfin, ces personnages se parlent, échangent, discutent, se disputent ?

 
Pas vraiment : le narrateur insiste : « quelques êtres se rencontrent par hasard, forment un petit groupe, puis tout s’éparpille et se dissout… » J’ai oublié de vous dire que la première édition de ce texte date de 1980, qu’il place ses personnages dans les années 50, avec un rien de nostalgie, comme si le temps était suspendu, prêt à s’évanouir. En fait, on sent qu’il ne faut pas trop en dire. Ces drôles de personnages ne semblent pas se faire confiance, mais chacun goûte la vie comme elle est : « Les tweed de Paul, le feu de cheminée et le sapin aux branches duquel brûlaient de petites bougies roses et bleu pâle donnaient une impression de douceur familiale et de stabilité, impression bien illusoire comme je m’en aperçus vite », nous dit le narrateur. C’est mystérieux et banal, décrit avec une économie de mots et une précision d’enquêteur désoeuvré.
 

Et j’ai le livre en mains, il faut parler des illustrations…

 
Des dessins superbes de Pierre Le Tan, décédé en septembre dernier, ami de Modiano qui a travaillé dès les premières éditions sur ce texte, avec des grisés précis. Parfois surgit au détour d’une page une silhouette, une ombre, mais ce sont les décors, les intérieurs bourgeois de l’après-guerre, confortables et dépouillés que l’on retrouve dans ces illustrations sobres. Le livre nous fait entrer dans un décor de théâtre, le lecteur fait partie de ce petit groupe qui n’a rien à faire ensemble, si ce n’est partager des rituels, d’une maison à l’autre, d’un appartement parisien à la gentilhommière de campagne.

Le mystère s’épaissit. Nous restons, comme le narrateur, sur le pas de la porte : « Le petit groupe que j'eus le loisir d'observer à vingt ans, je n'en étais pas un membre effectif. Je l'ai côtoyé et cela m'a suffi pour en garder un souvenir assez net. » Que va-t-il se passer ? le sait-on vraiment…
 
 

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