Que voit-on ? Une femme joue du violon dans une salle d’opération. Mais elle n’est pas là pour l’ambiance. C’est elle la patiente. Elle est allongée, un tube sort de son nez, des capteurs sont posés sur son front. Un tissu vert recouvre une partie de sa tête. Ses yeux sont fermés, elle semble se concentrer. Il n’est pas courant de voir un musicien dans une telle situation, c’est en effet assez déconcertant.
Dans un premier temps j’ai pensé qu’il s’agissait d’une expérience scientifique, capter l’activité du cerveau lorsqu’on joue du violon, par exemple. Mais au premier plan, une dame de dos regarde la musicienne, elle a une charlotte verte sur la tête, une blouse bleue sur le dos. Autour du lit, trois hommes : l’un a les bras croisés, un autre les yeux rivés sur un écran et le dernier regarde fixement vers la partie de la tête où se trouve le tissu vert. Ils sont tous habillés comme dans un bloc opératoire. Leurs habits, la présence du champ opératoire (avec le tissu vert) et la concentration des personnages ne laissent aucun doute, cette dame est bien en train de se faire opérer du cerveau !
Alors cette semaine, nous avons à la rédaction de Phosphore des stagiaires de 3e, Clémentine et Cassien, de l’Institut Notre Dame de Saint Germain en Laye. Et quand je leur ai montré cette photo, ils ont eu une interprétation romantique. « Sa passion, c'est la seule chose qui la rattache à la vie », a commenté Clémentine. « Même dans les difficultés, elle joue de la musique pour se redonner de l'espoir », a ajouté Cassien. Mais la légende de l’image nous informe qu’il s’agit en fait de l’opération de Dogmar Turner, musicienne dans un orchestre symphonique. Elle souffre d’une tumeur au cerveau, son chirurgien lui a proposé cette opération expérimentale afin de ne pas toucher les zones de son cerveau qui lui servent à jouer de la musique. Elle a joué pendant qu’on l’opérait.
On entend que la musique est un peu maladroite, que l’archet dérape de temps en temps. Tout ce qu’on ne voit pas sur la photo, où la musicienne ferme les yeux comme absorbée par la musique, l’archet figé dans un allant gracieux, les soignants arrêtés dans des gestes précis. Le son rappelle tout le côté périlleux de l’opération. On a l’exploit d’un côté – le chirurgien maestro – et la fragilité de l’autre – une femme humaine, terriblement humaine. L’image et le son.
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