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​L’inaccessible étoile de Jacques Brel

RCF,  - Modifié le 9 octobre 2018
Chaque mardi Laurence Devillairs propose son regard philosophique sur l'actualité.
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« Ne me quitte pas, ne me quitte pas ». Non, je ne viens pas pleurer en direct mon dernier chagrin d’amour. Je viens pleurer la disparition de Jacques Brel, mort le 9 octobre 1978, il y a aujourd’hui 40 ans,
Jacques Brel, philosophe ?, me direz-vous. Il y a dans les chansons de Jacques Brel, la nostalgie d’un idéal perdu, ou inaccessible, ce rêve impossible d’une humanité meilleure, moins petite, moins mesquine, moins ordinaire. 

Il y a cette quête, un rien trop amère, un rien trop aigrie, d’une vie plus grande, plus généreuse, moins décevante. Il y a un hymne, certes un peu grinçant, mais un hymne, tout de même, à l’espoir. A cette espérance que contiennent les départs, cette espérance qui fait « Brûler encore, bien qu’ayant tout brûlé Brûler encore, même trop, même mal Pour atteindre à s’en écarteler Pour atteindre l’inaccessible étoile ».

Jacques Brel, philosophe de l’espoir. Et il est l’un des rares. Car l’espoir, cette fièvre possible qui fait partir où personne ne part, l’espoir est l’un des grands oubliés de la philosophie. La philosophie, qui a pourtant parlé de tout, qui a tout pensé, tout déploré, tout critiqué, tout imaginé, est quasi muette sur cette notion de l’espérance.

Il a fallu attendre un philosophe marxiste, Ernst Bloch, pour s’attaquer à la question. Il se lance, de 1938 à 1959, dans la rédaction d’une véritable encyclopédie de l’espoir, qui est selon lui, un territoire « aussi inexploré que l’Antarctique ». 

Et pourtant, le cinéma, le tourisme, l’industrie du divertissement, la peinture, la littérature, la religion bien sûr, sont autant de territoires de l’espoir. Et il revient, selon moi, à Jacques Brel d’avoir fait entrer cette aspiration, cet élan, dans la chanson populaire.

Il lui revient d’avoir mis en chanson ce désir de plus grand, plus beau, plus haut, quelque part, un jour, peut-être, on l’espère.

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