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"Les Misérables" de Ladj Ly : dans les arcanes de la banlieue

RCF,  - Modifié le 20 novembre 2019
Inspiré par la victoire des Bleus en 98 et les écrits de Victor Hugo, le film de de Ladj Ly est une plongée dans l'équilibre fragile d'une banlieue parisienne.

Ladj Ly était un réalisateur quasiment inconnu jusqu’au mois de mai dernier. Où il a créé un véritable électro-choc au Festival de Cannes avec ce premier long métrage de fiction, qui a d’emblée raflé le prix du Jury.

« Les Misérables » démarre comme une chronique ordinaire d’une brigade de la BAC, dans une cité qu’on découvre presque tranquillement aux côtés d’un petit nouveau qui arrive de Cherbourg, joué par Damien Bonnard.
Sauf que très vite, on perçoit les tensions extrêmes entre les différents clans, les caïds, les Frères musulmans, les policiers, et la complexité de cet équilibre fragile, où chacun alterne entre provocation et apaisement.

Jusqu’à ce qu’un simple vol dégénère et qu’une bavure policière enflamme le quartier, dans une escalade de violence oppressante.

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Le parallèle est évident, sauf que cette fois-ci, on est très loin de tout manichéisme ou d’un quelconque parti-pris. Le réalisateur le dit : il a voulu « filmer chaque personnage sans porter de jugement » et il y a une vraie empathie dans son regard. La misère qu’il dénonce est la même pour tous, flic ou voyou !
Le film se déroule dans la cité des Bosquets à Montfermeil que Ladj Ly connait bien ! Puisqu’il y a grandi et qu’il y habite.
Il a commencé à filmer à 17 ans, avec une petite caméra numérique. Et il a très vite compris la force des images pour une prise de conscience des réalités, notamment pendant les émeutes de 2005, où il a posté ses web-documentaires sur internet.
Et aujourd’hui il témoigne aussi de l’impact positif des caméras de surveillance, dans la baisse des violences urbaines.

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Oui bien sûr ! C’est à la fois un brûlot social et un cri d’alerte de la part de Ladj Ly. Dans la citation de Victor Hugo qui clôt le film - je vous la lis : « Mes amis, retenez ceci, il n’y a ni mauvaises herbes, ni mauvais hommes. Il n’y a que de mauvais cultivateurs ». C’est aux politiques qu’il s’adresse.

Il a vu son quartier de Clichy/Montfermeil profondément transformé par le plan Borloo en 2003 et il regrette vivement que plus rien n’ait été fait depuis.
C’est aussi un film patriote qui démarre dans la liesse de la victoire des Bleus en 1998 et qui nous rappelle que le roman d’Hugo a été écrit à Montfermeil !

C’est enfin un film sur l’enfance -qu’il appelle les microbes-, sur tous ces jeunes livrés à eux-mêmes au cœur d’un été chaud, et qui sont les premières victimes des petits arrangements entre adultes.

Le jeune par qui tout arrive, qui filme la bavure avec son drone, c’est évidemment lui Ladj Ly et il est joué par son propre fils Al-Hassan !
C’est donc un film fort qui a marqué la presse étrangère à Cannes et qui va représenter la France dans la course aux Oscars 2020 !
 
 
 

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