Le tour de France

Nous sommes le 24 janvier… 1564. Charles IX, sa mère, Catherine de Médicis, et toute la cour, soit plus de 15 000 hommes, quittent Paris pour effectuer le plus grand tour de France de toute l’histoire. Il ne s’achèvera que 2 ans plus tard, après plus de 5 000 km parcourus. En pleine guerre de religion, ce voyage sert à réaffirmer l’autorité du roi, à le rendre visible partout en son royaume. Il part à la rencontre de son peuple – de « ses peuples », comme l’on dit à l’époque, pour en souligner la diversité.

Sous la République, la télévision a remplacé les chevaux, et l’on n’a plus besoin de voir le roi, pardon, le président. Il est partout et nulle part, garant d’institutions qu’il n’incarne pas, mais auxquelles il se soumet.

De fait, la République a toujours eu un problème d’incarnation ; elle a toujours connu un déficit non pas de symboles – elle en a, au contraire, beaucoup –, mais de réalité : comment en effet rendre visible l’égalité ? Comment donner à voir la liberté ? Comment manifester la fraternité ? La République a du mal à rendre concrets ses principes, à donner chair à ses abstractions, réalité à ses valeurs.

Une preuve en est fournie de nos jours avec l’expression de « vivre ensemble », dont on abuse. Avec cette expression, parfaitement a-politique, la République a purement et simplement disparu. Et si on ne la nomme plus, c’est sans doute parce qu’on ne voit plus à quelle réalité elle renvoie. On lui préfère donc cette expression vague de « vivre ensemble », qui tient plus de la convivialité et du bon voisinage que de l’expérience politique.

D’abstraction, la République est devenue un simple mot, qui semble déjà appartenir au passé, à ce panthéon si peu visité des grands principes. Aussi, pour redonner vie à la politique, pour conférer à la République une réalité, il serait utile de commencer par bannir cette expression de « vivre ensemble », qui ne dit rien, permet à peu près tout et n’encourage à rien.

Et il serait tout aussi utile, pour le Président, d’entreprendre un Grand tour de France, à la rencontre de « ses peuples ».